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« L’avenir du droit d’asile se joue davantage, désormais, au niveau de l’Union européenne »

Publié le : 09/04/2018

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Au moment où le Parlement français débat du projet de loi asile-immigration présenté par Gérard Collomb, Thierry Le Roy explique dans une tribune au « Monde » que c’est en fait à Bruxelles que se joue l’avenir de la politique migratoire de l’Union européenne.

 

Tribune. Les parlementaires français ont commencé à débattre d’un projet de loi « visant à rendre plus effectif le droit d’asile » (« Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif »). Nous, France terre d’asile et d’autres associations, le critiquons, parce qu’il risque de rendre moins effectif le droit de recours en matière d’asile, ou parce qu’il ne se soucie pas assez du premier accueil, point faible du dispositif actuel. Nous essayons d’améliorer le projet en suggérant des amendements.

Nous savons pourtant que l’avenir du droit d’asile se joue davantage, désormais, au niveau de l’Union européenne (UE), dont les membres négocient en même temps, le même trimestre, le nouveau « paquet asile ».

 

Contraire à la convention de Genève

Sur deux points essentiels, au moins, les règlements européens en préparation conditionnent radicalement ce que pourra faire la loi française. Tout d’abord le sort des « dublinés », ces demandeurs d’asile repérés ou enregistrés dans un autre État membre.

Ils prennent dans notre système d’accueil et d’hébergement une place telle que le gouvernement fait de leur transfert effectif vers l’État membre de « première entrée » en Europe un des principaux objectifs de son projet de loi et de sa politique. Alors que la faillite avérée du système du règlement actuel, dit Dublin III, voue cette politique à un échec annoncé.

C’est dans le projet de nouveau règlement, dit Dublin IV, dont le Conseil de l’UE poursuit la discussion en ce mois d’avril après délibération du Parlement européen, que se situe l’enjeu de la prise en charge de l’asile entre les États membres de l’Union.

Autre sujet européen : le sort des demandeurs d’asile qu’on préférerait voir accueillis par des pays tiers, dits de premier accueil ou de transit. Un autre projet de règlement en discussion dans ce « paquet asile » pourrait imposer la notion de « pays tiers sûr » à tous les États membres, y compris ceux, comme la France qui, dans leur tradition juridique, y voient une notion contraire à la convention de Genève.

Contraire, parce qu’elle sert à dispenser les États membres d’examiner une demande d’asile si l’intéressé est passé par – ou a créé un lien – avec un pays de transit « sûr ». Quelle sûreté ? Quel lien ? La discussion est ouverte. On voit la pente glissante, de la sous-traitance de nos obligations d’asile à des pays tiers moins protecteurs, où cela peut entraîner notre pays. Mais c’est à Bruxelles, non dans le débat législatif français, qu’on saura si le gouvernement français tient bon contre cette tentation.

 

Faire reculer l’opacité

Ce n’est cependant pas fatal. Ces deux exemples significatifs montrent que les engagements que prendra le gouvernement français dans le débat parlementaire sur son projet de loi n’auront de portée et de crédibilité, en ce qui concerne la garantie d’un droit d’asile effectif, que si ces engagements portent aussi sur les positions qu’il défendra, parallèlement, à Bruxelles. Les parlementaires français doivent connaître les objectifs de négociation du gouvernement.

S’ils ont cette exigence, ils contribueront à faire reculer l’opacité qui entoure encore trop l’élaboration du droit européen de l’asile, lequel surplombe maintenant le droit français. Il faut savoir, par exemple, qu’un acte aussi important que « la déclaration UE-Turquie du 16 mars 2016 », vient d’être jugée couverte par le secret diplomatique (qui fait obstacle à l’accès à ses documents préparatoires) par le tribunal de première instance de l’Union européenne.

Nous devons espérer que nos parlementaires ne laisseront pas le débat sur le projet de loi occulter le débat qui se déroule simultanément à Bruxelles, sur des enjeux plus essentiels mais avec moins de transparence.

 

Le Monde, par Thierry Le Roy, le 06/04/2018.