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cp/Evacuation de la Bourse du travail

Bourse du travail : ne pas instrumentaliser

Au-delà de la polémique qui entoure les conditions de son intervention, la CGT a pris une décision très lourde de sens en évacuant les occupants de la Bourse du travail à Paris.

Ce dossier, totalement bloqué depuis 14 mois, est le produit du ministère Hortefeux et de la théorie du cas par cas, consistant, sur la base de critères flous, à accorder avec parcimonie quelques régularisations et à laisser sans réponse ni décision les autres demandes.

La CGT s'était engagée avec détermination en Ile-de-France sur ce dossier des travailleurs étrangers en situation administrative irrégulière.

Elle a obtenu quelques succès probants, avec plus d'un millier de personnes régularisées, sans toutefois généraliser son action à l'ensemble de son organisation. Mais c'était il y a 14 mois. Depuis, la crise économique a frappé. Des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi en France.

La CGT, avec cette intervention, qu'elle l'ait souhaité ou non, indique clairement qu'elle change de logiciel en se recentrant sur sa « clientèle » habituelle.

Nous devons veiller collectivement : organisations, institutions, citoyens, à ne pas laisser la division et le rejet de l'autre se propager lors de moments de tensions sociales. La solidarité ne s'arrête pas là où commence la crise.

La situation dramatique dans laquelle se trouvent, en plein cœur de Paris, une centaine de personnes ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiciennes.

Il faut trouver de manière urgente une solution humaine et de bon sens.

Nous appelons les anciens occupants de la Bourse du travail, la CGT et le ministère de l'Immigration à trouver de manière urgente les voies d'un compromis, amenant à la régularisation d'un certain nombre de personnes sur la base de critères clairs.

cp/France terre d'asile, Paris, le 25 juin 2009


«Maintenant, ce sera les CRS ou les papiers»

Evacués de force mercredi de la Bourse du travail à Paris par la CGT qui voulait récupérer ses locaux, 200 travailleurs en situation irrégulière campent sur le trottoir

Un semblant de calme est revenu autour de la Bourse du travail ce jeudi à Paris, après la violente évacuation la veille des occupants par le service d'ordre de la CGT. Les sans-papiers délogés, au nombre de 200 environ, ont passé la nuit sur le bout de trottoir où ils ont échoué avec matelas et couvertures, et ne comptent pas en bouger pour le moment.

Ce matin, personne n'est parti travailler, tous s'en tiennent au mot d'ordre: ne pas bouger tant que les demandes de régularisations déposées par le collectif (750 dossiers déposés à ce jour à la préfecture, 1200 au ministère) n'avanceront pas. En attendant, on s'organise, sous l'œil de quelques policiers. Des chaises, réchauds, radios ont rejoints le fatras de sacs et matelas. Voisins et associations passent discuter, dire leur colère, distribuer pain et bouteilles d'eau. Sur le trottoir d'en face, quelques cafetiers ouvrent l'accès à leurs toilettes.

Travailleurs isolés en situation irrégulière, originaires d'Afrique pour la grande majorité, les occupants avaient investi il y a 14 mois la Bourse du travail, bâtiment appartenant à la ville de Paris mais géré par plusieurs syndicats, dont la CGT. L'occupation avait été décidée après le refus par la préfecture de police de Paris de recevoir 1.000 dossiers que le collectif, la CSP 75 (coordination de sans-papiers) voulait voir traiter, la préfecture renvoyant vers la CGT.

«Bandits»

«On est en France depuis des années, on travaille, on cotise, nos grands-parents se sont battus pour la France», énumère Keita, intérimaire dans le bâtiment grâce à de faux papiers, comme beaucoup ici. «Alors on ne bougera pas de ce trottoir. Maintenant, ce sera les CRS ou les papiers.»
Depuis hier, les deux accès au bâtiment sont bloqués: grilles baissées côté boulevard, porte close côté rue, qui s'ouvre de temps à autre pour laisser passer une poignée de responsables syndicaux venus reprendre possession des locaux. Entre le collectif de sans-papiers et les membres de la CGT, on évite soigneusement tout contact.
«La CGT ? C'est des bandits!», s'insurge Keita. Même colère chez Anzoumane Sissoko, délégué du collectif, la CSP 75: «Nous ne voulons plus avoir affaire à eux. Après ce qu'ils nous ont fait hier, venir comme ça nous taper et nous asperger de gaz lacrymogène, ça suffit comme ça.» Au lendemain de l'évacuation, Sissoko compte les absents: «six blessés» et «quatre interpellés». Chiffres qui n'ont pas été confirmés ce jeudi par la préfecture.

«Violence injustifiable»

Après l'épisode violent de la veille, associations et partis ont condamné, plus ou moins fermement, la décision de la CGT, syndicat qui se pose par ailleurs régulièrement en intermédiaire pour le dépôt de dossiers de régularisations de travailleurs. Pour France Terre d'asile, «la CGT, avec cette intervention, qu'elle l'ait souhaité ou non, indique clairement qu'elle change de logiciel en se recentrant sur sa "clientèle" habituelle. Nous devons veiller collectivement (...) à ne pas laisser la division et le rejet de l'autre se propager».
Le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) «dénonce la brutalité de la CGT et demande au gouvernement des actions concrètes pour faciliter une sortie de crise de manière plus humaine», tandis que les Verts s'élèvent contre une «violence injustifiable».
Droit au logement, qui s'était «désolidarisé de l'occupation de la Bourse par les sans papiers motivée par des considérations peu crédibles», dénonce néanmoins la méthode, «expéditive».

Cordélia Bonal

Libération, le 25/06/2009


Bourse du Travail: la CGT chasse des sans-papiers

La CGT, à l'origine d'un mouvement inédit de grèves au printemps 2008 pour faire régulariser des salariés sans-papiers, a utilisé la manière forte pour déloger 100 à 200 travailleurs africains squattant depuis plus d'un an ses locaux à la Bourse du travail à Paris.

Environ 180 travailleurs délogés campaient toujours jeudi sur le trottoir devant ce bâtiment servant à des réunions syndicales, au milieu de matelas entassés en tout sens, a constaté l'AFP, tandis que la polémique a enflé sur la méthode employée pour vider les lieux, plaçant la CGT en porte-à-faux.

Les critiques sont venues sur sa gauche du syndicat Sud Etudiant ou sur sa droite du Conseil représentatif des associations noires (Cran), lobby qui converge avec le gouvernement pour promouvoir la notion de «diversité».
Des associations ont également «regretté ce dénouement» (Fasti) ou l'ont jugé «lourd de sens» (France Terre d'asile). Les élus Verts de Paris ont critiqué une «violence injustifiable».
Dans une mise au point, l'union départementale CGT a rejeté les accusations de violence sur la «vingtaine de sans-papiers» qui refusaient de partir.

Bernardette Cittot, responsable communication, a formellement démenti à l'AFP les affirmations de la coordination nationale des sans-papiers accusant la CGT d'avoir envoyé «une centaine de nervis» portant «cagoules, barres de fer, bâtons et gaz lacrymogènes».
«C'est totalement faux», a-t-elle déclaré. «Nos militants ont reculé, attendu que les choses se calment et ont refoulé sans violence les sans-papiers (...) Il n'y a eu aucun blessé et aucune arrestation».

«Evidemment, pour refouler quelqu'un, on y met les mains, mais il n'y a eu ni coup, ni blessure», a précisé Mme Cittot.
La CGT a aussi démenti la présence d'enfant lors de l'évacuation.
Jean-Claude Amara, de l'association Droits devant !, qui milite avec la CGT et avec la Coordination 75 qui soutenait l'occupation, a qualifié la situation d'«imbroglio» et préféré «ne pas s'en mêler».
La confédération CGT s'est refusée à toute réaction au sommet, rappelant que «ses orientations n'avaient pas changé, ni son exigence de voir régulariser tous les travailleurs sans-papiers». L'occupation durait depuis le 2 mai 2008.
La Coordination des sans-papiers 75 avait investi les locaux, après le refus par la préfecture de police de Paris de recevoir 1.000 dossiers que la Coordination voulait voir traiter, la préfecture renvoyant vers la CGT.

«Cette provocation de la préfecture a conduit des sans-papiers à se tromper de cible», avait réagi la CGT de Paris, décidée à ne pas tomber dans ce qu'elle considérait comme un piège et ne pas faire appel aux forces de l'ordre.
Quand l'occupation a débuté, la CGT venait de déclencher, avec Droits devant !, un mouvement de grèves coordonnées dans plus de 100 entreprises d'Ile-de-France (restaurants, nettoyage industriel, BTP, intérim) employant, parfois depuis des années, des travailleurs sans documents en règle.

Le mouvement visait à structurer des grèves isolées lancées en 2007 à Buffalo Grill et Modelux dans l'Essonne.
Il visait aussi à éviter d'avoir des travailleurs régularisés uniquement par la voie patronale et en totale subordination vis-à-vis de leur employeur, puisque la carte de travail temporaire est délivrée pour un an et soumise à une procédure de renouvellement, suivant le principe de l'immigration choisie, cher au gouvernement.
La CGT revendique «plus de 2.000 régularisations obtenues» depuis avril 2008. Droits devants ! souligne «avoir ouvert une brèche» et qu'il y a maintenant des dépôts de dossiers dont la régularisation tombe sans grève".

L'Alsace.fr, le 26/06/2009


 

 

Des militants de la CGT ont expulsé les sans-papiers de la Bourse du travail. Réprobations et explications

« Sans papiers » et sur le trottoir

L'affaire n'est pas sans rappeler celle du bulldozer de Vitry. En 1980, une cinquantaine de personnes de Vitry-sur-Seine (Seine-et-Marne), Paul Mercieca, le maire communiste, en tête, avaient démoli au bulldozer le foyer des travailleurs maliens. Près de trente ans après, c'est dans le 10e arrondissement de Paris que dans la nuit de mercredi à jeudi, une cinquantaine de militants de la CGT ont évacué manu militari quelque 200 sans-papiers qui occupaient nuit et jour depuis le 2 mai 2008 la Bourse du travail. La confédération syndicale revendique d'ailleurs son action : « Les syndicats CGT de Paris ont contribué à mettre un terme à l'occupation. » Et un des membres du bureau départemental précise encore : « La CGT n'a pas demandé à la police d'évacuer : elles les a elle-même poussés dehors. »

Comme en 1980, la réprobation est forte. Djibril Diaby, porte-parole de la coordination des sans-papiers 75, évoque un « lâchage de la CGT ». Les élus verts du conseil de Paris parlent eux de « violence injustifiable ». Le Cran (Conseil représentatif des associations noires de France) demande à Brice Hortefeux et Éric Besson l'ouverture d'une enquête. Quant à Richard Moyon, de RESF (Réseau éducation sans frontières), il évoque « le début d'un nouveau Cachan » et accuse la CGT de « recréer à Paris la jungle de Calais ».
D'autres, devant l'imbroglio de la situation, préfèrent se montrer plus réservés. C'est le cas de Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, qui renvoie l'affaire dans le camp du gouvernement. « Ce dossier, explique-t-il, totalement bloqué depuis quatorze mois, est le produit du ministère Hortefeux et de la théorie du cas par cas, consistant sur la base de critères flous, à accorder avec parcimonie quelques régularisations et à laisser sans réponse ni décision les autres demandes. Quand les sans-papiers qui travaillent, pour certains depuis des mois voire des années, dans des restaurants de la région parisienne ont entamé une action pour être régularisés, la CGT, rappelle Pierre Henry, s'est placée sur le créneau, même si depuis le déclenchement de la crise, le syndicat se recentre sur une thématique plus traditionnelle. Mais il n'est pas responsable du pourrissement de la situation. »

Jean-Paul Gourévitch, expert en ressources humaines, spécialiste des migrations, estime que « la CGT est logique dans sa démonstration en expliquant qu'elle défend les travailleurs sans papiers, mais ne peut pas se charger de toutes les régularisations ». Et de remarquer que « la France n'est pas sur la même ligne que ses partenaires européens. Eux pratiquent une immigration de travail, la France une immigration de population. » Il analyse la situation dans son dernier livre (« Migrations africaines, Ed. Acropoles) où il décortique la diaspora sud-saharienne : 2,4 millions de personnes dont 300 000 Maliens. Pour l'instant, 200 d'entre eux campent sur le trottoir en face de la Bourse du travail. Avec un slogan : « Les CRS ou les papiers ».

Par Hélène Rouquette-Valeins, le 26/06/2009

Sud Ouest