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Emmanuelle Cosse veut augmenter le nombre de places d’accueil pour les migrants

Publié le : 10/08/2016

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Le scénario de la « crise des migrants » de l’été 2015 est-­il en train de se reproduire ? Depuis fin juillet, les structures d’accueil sont saturées, les exilés trouvent portes closes et dorment parfois dans la lande de Calais (Pas-de-Calais), dans les rues de Paris ou de Vintimille (Alpes-Maritimes), ville italienne près de la frontière française.

 

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Des migrants dans un camp improvisé sous le métro aérien, à Paris, le 19 juillet 2016.
MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

 

Contraint de réagir, le gouvernement est en train de redimensionner l’accueil dans l’urgence. Lancée en novembre 2015, la politique de création de centres d’accueil et d’orientation (CAO), offrant aux nouveaux arrivants une solution dans l’attente d’un hébergement durable, s’accélère. « Nous allons, avant la fin septembre, plus que doubler les capacités de ces centres de répit, en passant de 2 000 à 5 000 places. Toutes les grandes villes ont accepté cet accueil, l’un des objectifs étant de désengorger les territoires très sollicités », annonce au Monde Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable, chargée de ce dossier avec le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve. « Les campements ne satisfont personne, ni les migrants, ni les riverains, ni les élus. Nous devons accueillir dignement ces réfugiés, c’est une priorité et un engagement international », réaffirme-t-elle.

A terme, cinquante nouvelles structures s’ajouteront aux 147 existantes – elles sont réparties sur tout le territoire, couvrant ainsi 78 départements. Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, estime les besoins à 500 places par ville dans une trentaine d’entre elles. « S’[ils] sont supérieurs, nous nous adapterons et nous irons plus loin », assure Mme Cosse.

Le 29 juin, les préfets avaient reçu instruction de recenser les lieux possibles, avec la consigne que ces structures soient d’au moins cinquante places et d’un coût limité à 25 euros par jour et par personne. Ils ont soumis leurs propositions aux élus et 126 millions d’euros ont été débloqués. « Au-delà des crédits, se pose la question des locaux et des associations sur place pour gérer ces centres en respectant la charte de qualité adoptée le 28 juillet », précise Mme Cosse. Elle se dit attentive à l’accompagnement mais aussi à la présence d’un équipement Internet, indispensable pour l’accès aux droits. « Les CAO fonctionnent bien : 80 % des migrants accueillis font leur demande pour un asile en France », se félicite-t-elle.

La ministre souhaite aussi développer l’hébergement chez des particuliers : 500 migrants logent déjà chez des familles, à l’initiative d’associations comme Singa ou la plate-forme Welcome du service jésuite des réfugiés. « C’est un excellent moyen pour tisser des liens et se créer un réseau, mais il faut des garde­-fous, s’assurer des bonnes conditions de cet hébergement, qu’il soit gratuit, pas trop contraignant pour les familles. C’est pourquoi nous lançons un appel à projet aux associations organisatrices », déclare la ministre.

 

« Mise à l’abri »


A Paris, dans le quartier stratégique situé entre les gares de l’Est et du Nord, la situation s’est tendue à la fin du mois de juillet, la préfecture n’ayant plus assez de solutions d’hébergement. Le système de « mise à l’abri » qui, d’août 2015 à juillet 2016, a concerné 15 000 personnes, en Ile-de-France, a atteint ses limites : 50 à 60 personnes arrivent chaque jour, mais seulement 80 à 100 places sont libérées chaque semaine, grâce aux départs vers les centres d’hébergement ou en province.
Lors de l’évacuation intervenue au métro Jaurès (10e et 19e arrondissements), le 22 juillet, la préfecture a dû mobiliser en toute hâte des hôtels et quatre gymnases, parfois contre l’avis des maires concernés en banlieue.
Pour éviter les campements de rue, Anne Hidalgo, la maire (PS) de Paris, a annoncé vouloir ouvrir, d’ici à septembre, un centre humanitaire géré par Emmaüs, offrant, sur deux sites, au nord et au sud de la capitale, un accueil de jour et un toit à des familles et à des mineurs. Le protocole entre la municipalité, qui réalise l’investissement, et l’Etat, qui finance le fonctionnement – soit 10 à 13 millions d’euros en année pleine – est sur le point d’être signé. « Si l’expérience parisienne est concluante, avec la fluidité nécessaire, nous en mènerons d’autres », prévoit Mme Cosse.


Enfin, la ministre confirme l’ouverture, à Calais, fin septembre, d’un centre pour mineurs isolés, de 72 places, avec un accompagnement renforcé confié à l’association La Vie active, qui gère déjà le centre d’accueil de la lande Jules-Ferry. C’est une réponse à plusieurs rapports accablants sur la situation de ces enfants. « Ni sains ni saufs », une enquête menée par des sociologues pour l’Unicef détaillait, en juin, l’emprise des passeurs, les cas de prostitution et de « tâches contraintes » imposées aux enfants migrants.

Le 7 juillet, un an après avoir publié un premier avis dénonçant des « conditions inacceptables » de vie, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) renouvelait sa mise en garde : « Alors même que les rapports alarmants se sont succédé, émanant des Nations unies, du Conseil de l’Europe, de nombreuses institutions françaises, des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes vivent encore dans la jungle de Calais, dans des conditions intolérables de détresse et de dénuement total, au mépris de leurs droits fondamentaux élémentaires. »

Ces 72 places seront­-elles suffisantes, alors que France terre d’asile évaluait récemment entre 300 et 400 le nombre de jeunes étrangers présents quotidiennement sur la lande ? Le dispositif existant, géré par cette association et financé par l’Aide sociale à l’enfance, comporte 148 places. « En outre, rappelle Pierre Henry,­ si les mineurs considèrent qu’ils n’ont pas terminé leur route de migration, ils la poursuivront. » France terre d'asile a, à ce titre, accompagné depuis trois mois vers le Royaume-Uni, une soixantaine de mineurs, dans le cadre d’un dispositif expérimental de regroupement familial, résultat du 34e sommet franco-britannique du 3 mars.

 

Par Julia Pascual et Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, le 10/08/2016