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Réfugiés: un emploi pour s'insérer, au risque du déclassement

Publié le : 30/06/2016

express

 

Paris - Ils ont fui la guerre et sont prêts à repartir de zéro: pour les réfugiés installés en France, l'intégration passe par l'emploi, quitte à accepter un déclassement pour les plus diplômés.

LExpress

 

Hafiz Ghanbari a 27 ans et ses talents de tailleur lui ont ouvert la porte d'un atelier de couture parisien où il aide, dans un cossu appartement haussmannien, à concevoir une ligne de tuniques très pointues. " Je préfère faire travailler Hafiz qu'une couturière qui me fait la gueule à Paris ou qui me demande cinq jours à me rendre un boulot qu'elle pourrait faire dans l'heure ", explique Alexandra Senes, qui a lancé les démarches pour embaucher le jeune Afghan. 
Qu'importe si Hafiz ne parle que très peu français. L'anglais vient vite à la rescousse. " On va chercher certains mots: boutonnière, pinces... le dessin, les mains seront suffisamment forts pour qu'on y arrive ", explique la conceptrice de la ligne " Kilometre ". Hafiz, lui, n'en revient pas de se retrouver dans la ville de la mode. Trouver un travail est à ses yeux une question de volonté: " Si vous restez à la maison le travail ne va pas venir à vous ", assure-t-il crânement. Hafiz a trouvé dans sa branche. Tous n'ont pas cette chance. Ibrahim, ingénieur syrien de 66 ans, est prêt à accepter n'importe quel petit boulot dans le bâtiment.

- " Sans travail, je vais mourir " -

" Sans travail, je vais mourir. Je ne peux pas vivre sans travail ", explique-t-il, sur le chantier de peinture qu'il a trouvé chez un particulier. " On a beaucoup d'exemples de dentistes, de pharmaciens, d'architectes qui sont prêts à accepter autre chose parce que l'important pour eux est d'être dans une dynamique positive de travail ", explique Diane Binder, cofondatrice du projet Action Emploi Réfugiés (AERé) qui met en relation employeurs et réfugiés statutaires.

Le projet, qui doit passer à la vitesse de croisière en septembre avec une plateforme en ligne, fonctionne pour l'instant en version pilote sur facebook. S'il a déjà permis à une soixantaine de réfugiés de trouver un emploi, le site propose des offres qui se concentrent beaucoup sur la restauration ou l'aide à la personne. Et une grande partie porte sur des missions flexibles ou temporaires, même si un numéro d'identification Siren est exigé des employeurs pour empêcher le travail au noir.

Les réfugiés d'AERé, venus pour beaucoup de Syrie, font partie de la frange la plus éduquée de leur société d'origine, et ne sont en cela pas forcément représentatifs. Jean-François Ploquin, le directeur général Forum réfugiés-Cosi qui accompagne un millier de réfugiés vers l'emploi chaque année, a lui pu constater dans ses programmes que " 41% avaient au moins le bac l'an dernier ".

 

- Reconnaissance des diplômes -

La langue est bien sûr un frein pour trouver un travail, a-t-il expliqué lundi lors d'un colloque organisé par le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). Mais il faut aussi surmonter les représentations " erronées " du marché du travail - certains ayant " un rapport journalier à l'embauche " - , le manque d'expérience professionnelle en France, l'absence de réseau...

Dans ce parcours, la reconnaissance des diplômes est un problème récurrent. " La France est un pays attaché au diplôme, au bout de papier qui décrit la compétence des gens ", a rappelé Patrick Werquin, professeur associé au Cnam, qui certifie chaque année plusieurs centaines de personnes. Attention toutefois à ne pas tomber dans un " regard victimaire ", certes " nécessaire pour déclencher l'empathie ", souligne Fatiha Mlati, directrice de l'intégration à France terre d'asile qui a accompagné 3.000 réfugiés vers l'emploi depuis plusieurs années. " Il n'est pas donné à tout le monde de prendre son baluchon et de se dire: coûte que coûte je vais traverser les frontières je vais y arriver ", ajoute-t-elle, en soulignant combien " c'est un public motivé ". Dans ce parcours " le déclassement n'est pas une fatalité, c'est une étape " assure-t-elle: " les migrants se sont toujours insérés par les métiers sous tension ".

Le 29/06/2016, AFP, L'Express