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Loi sur l’immigration : Macron annonce une « refondation complète »

le monde

 

Dans son discours de rentrée aux préfets, le président a défini mardi une ligne ferme pour le futur texte, qu’il espère voir adopté début 2018.

 

Devant le corps préfectoral qu’il a réuni mardi 5 septembre à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé une « refondation complète » de la politique d’immigration et prôné un cap de fermeté pour la future loi qu’il veut voir bouclée début 2018.

Les enjeux sont élevés pour ce texte dont une première mouture est attendue à l’automne. « Si nous n’agissons pas pour refonder » cette politique, « c’est le consensus républicain autour de notre tradition d’accueil et d’asile qui est remis en cause » et « les seuls gagnants sont les extrêmes », a-t-il averti.

Concernant la question de l’asile, le président a répété sa volonté de réduire à six mois le délai d’instruction des demandes.

Réitérant son distinguo entre réfugiés et migrants économiques, M. Macron a répété la nécessité, selon lui, de favoriser l’intégration, chargeant le député La République en marche (LRM) du Val-d’Oise Aurélien Taché d’une mission sur la « refonte » de cette politique avec un accent « sur l’apprentissage du français ».

 

Le modèle allemand en exemple

Emmanuel Macron a aussi prôné une politique de fermeté en matière d’immigration. « Nous reconduisons beaucoup trop peu », a affirmé le chef de l’Etat. « Nous laissons s’installer des centaines de milliers » de personnes dans un « no man’s land administratif » a-t-il estimé.

Le projet de loi piloté par le ministère de l’intérieur comportera « plusieurs dispositions pour permettre d’améliorer les retours vers les pays d’origine », comme le font « nos voisins, en particulier l’Allemagne ». Car il faut désormais « que le modèle français se rapproche du modèle allemand. Nous avons des défis communs. Rapprochons nos droits, soyons plus efficaces », a-t-il fait valoir.

 

Avec cette référence, Emmanuel Macron inscrit son action dans le sillage de la politique généreuse d’Angela Merkel, qui avait ouvert la porte à un million de réfugiés en 2015. Mais l’Allemagne a aussi pris des mesures beaucoup plus fermes depuis : soutien à l’accord décrié entre l’Union européenne et Ankara de 2016 permettant le retour de réfugiés en Turquie, renvoi en Grèce de migrants déjà enregistrés dans ce pays, asile plus strict qu’en France pour les Afghans et les Albanais notamment.

 

Accélération des procédures

« Nous sommes inefficaces dans la reconduite », a affirmé M. Macron devant les préfets qui ont reçu dans l’après-midi leur feuille de route du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb.

Celles-ci fixent des lignes fermes : « revisiter les régimes de la retenue » pour vérification du droit au séjour (possible pendant seize heures) et « de la rétention administrative » (cela pourrait allonger les quarante-cinq jours autorisés).

Gérard Collomb évoque aussi des « moyens spécialisés » pour accélérer le transfert des « dublinés » vers le pays européen où ils sont déjà enregistrés, conformément au règlement Dublin. Ces migrants ont pu représenter deux tiers des arrivées à Paris en début d’année, venus d’Allemagne notamment. Or la procédure, complexe, fonctionne peu (10 % de transferts l’an dernier).

Il s’agit aussi de convaincre les pays d’origine de reprendre leurs ressortissants déboutés : « Un ambassadeur sera nommé dès demain [mercredi] en conseil des ministres » pour « accélérer la délivrance » des documents nécessaires par les pays « récalcitrants », a annoncé M. Macron.

Enfin, selon la feuille de route, la législation devra être « plus constructive en matière d’accompagnement des retours volontaires », moins coûteux que les expulsions, mais décriés par des ONG. Depuis le début de l’année 4 500 personnes en ont bénéficié (+ 40 % en un an), et le pécule a été porté à 1 850 euros.


Parmi les autres chantiers dévoilés aux préfets :

Lancement des « assises de la mobilité »

Le président de la République a aussi défendu mardi le lancement des « assises nationales de la mobilité », le 19 septembre prochain. Il s’agit d’un projet conjoint du ministère des transports et de celui de la transition écologique et solidaire auquel il est rattaché.

« Ces assises visent (…) à mettre autour de la table l’ensemble des acteurs de la mobilité : les collectivités territoriales, les acteurs des travaux publics, les préfets sur le terrain, l’ensemble des administrations compétentes et, évidemment, les acteurs du transport et des infrastructures », a-t-il ajouté.

Au sortir d’un été notamment marqué par une panne massive à la gare Montparnasse, ces assises constituent l’un des chantiers de la ministre en charge des transports, Elisabeth Borne, qui table sur une loi de programmation début 2018, et de celui de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, son ministre de tutelle.

Chantier de l’identité numérique

Autre lancement de chantier annoncé mardi par le ministre de l’Intérieur : celui de l’identité numérique, avec un double impératif, l’accessibilité et la sûreté.

« Les solutions qui seront développées s’intégreront dans le projet plus vaste de création d’un compte citoyen en ligne et se matérialiseront dans des produits ergonomiques et à faible coût, lit-on dans la feuille de route. La mise à disposition de cette technologie à des opérateurs privés pourra permettre de dégager des ressources propres. », est-il ajouté.

Selon le calendrier évoqué, ce chantier pourrait débuter d’ici à la fin de l’année 2017. Les premiers prototypes d’identité numérique pourraient être livrés à l’été 2018. Ce nouveau service pourrait être ouvert au public à la rentrée 2019, sur demande des administrés ou à l’occasion du renouvellement d’un titre.

Création d’une instance de dialogue interreligieux

Le ministre de l’intérieur envisage aussi de réunir autour de lui une « instance informelle de dialogue et de concorde » entre les responsables des principaux cultes, une initiative inédite au niveau national, prévue pour décembre.

Attaché à promouvoir une laïcité « de liberté », comme il l’avait souligné dès son arrivée Place Beauvau en mai, M. Collomb entend ainsi encourager « toutes les initiatives qui visent à inscrire les religions dans le cadre républicain », selon la feuille de route adressée aux préfets.

Le projet rappelle l’initiative que le ministre de l’intérieur, alors maire de Lyon, avait lancée en 2002 dans sa ville, à la suite d’un attentat contre la synagogue de la Duchère. Celle-ci a pris la forme d’une instance « concorde et solidarité » rassemblant les représentants des cultes chrétien, juif et musulman. L’existence de cette instance informelle locale est toutefois critiquée par les tenants d’une laïcité plus stricte, qui estiment que ce type d’initiative bat en brèche l’obligation de neutralité des pouvoirs publics en matière de croyances et de convictions.

Réforme du mode de scrutin

Enfin, les préfets ont été informés mardi que la réforme du mode de scrutin législatif, annoncée par le chef de l’Etat lors de son discours devant le Congrès le 3 juillet à Versailles, ferait l’objet d’un projet de loi au premier semestre 2018. Cette réforme doit se traduire par une baisse du nombre de députés de 577 à 400 et l’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale.

« Une commission de haut niveau, pluraliste, dont le ministère de l’intérieur assurera le secrétariat, sera mise en place pour proposer une évolution du mode de scrutin et une reconfiguration des circonscriptions législatives », détaille la feuille de route. Les conclusions des travaux proposant un redécoupage des circonscriptions législatives devraient être connues au printemps 2020.

La Place Beauvau entend par ailleurs s’engager à « rendre l’exercice du vote plus simple et plus accessible » en simplifiant et en dématérialisant les procédures de procuration, tout comme la propagande électorale aujourd’hui délivrée par courrier. « Une mesure d’économies importante », a-t-on souligné dans l’entourage de M. Collomb.

 

Par Le Monde, le 06/09/2017