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Le film noir de Lampedusa

Publié le : 13/03/2015

RFI-presse

 

Le plasticien Clay Apenouvon présente Le film noir de Lampedusa

 


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Le plasticien togolais Clay Apenouvon, dans son atelier à Aubervilliers. RFI/Nicolas Champeaux

 

Du film plastique noir étirable pour combattre l’indifférence face aux fréquents drames de l’immigration clandestine, c’est l’idée au cœur de la dernière installation du plasticien togolais Clay Apenouvon. Il présentera son œuvre Le film noir de Lampedusa à la fondation Blachère à Apt en France à la fin du mois. Une œuvre macabre, violente et percutante, comme la plupart des propositions de cet artiste, lui-même immigré et installé à Paris depuis près de 25 ans.

« J’utilise du film plastique noir étirable, dont on se sert souvent dans le commerce pour de l’emballage. Et vous avez vu ? C’est fou à quel point ce film ressemble au pétrole ! » Les objets que Clay emballe seront éparpillés sur des bandes de films plastiques noires, au sol et sur les murs, pour évoquer les coulées de mazout.

« Dans les drames de l’immigration clandestine, on parle de deux cents, trois cents et même de cinq cents morts. On en parle deux jours, et puis on oublie, comme s’il ne s’était rien passé. Ça continue tous les jours. Et quand les Africains fuient les guerres et finissent par se noyer au large dans la mer en essayant de venir en Europe, ils ne sont pas vus comme des gens, ils sont vus comme des envahisseurs qui viennent bouffer le pain des Européens », s’indigne Clay Apenouvon.

Dans son petit atelier au huitième étage d’un immeuble d’Aubervilliers, le plasticien quadragénaire assume donc tout à fait ce lien provocateur entre la marée noire salissante, et les cadavres des clandestins africains qui ont fait naufrage en Méditerranée. « Je veux amener les visiteurs de mon installation à regarder les déchets, qui sont les effets des migrants, les dernières choses qu’ils ont prises avec eux avant de prendre ce risque. Ce sont des chaussures, des chapelets, des biberons, un portefeuille avec la photo de Zinedine Zidane, des choses comme ça. »

« Je choisis ces objets, poursuit le plasticien togolais, pour rappeler que ces gens avaient une vie, qu’ils avaient des rêves aussi, pour qu’ils voient ces gens autrement, pour qu’ils se demandent : "à qui pouvait appartenir cette poupée. À qui pouvaient appartenir ces chaussures ? À qui ?" »

L’œuvre est percutante et délicate à la fois, dans la lignée des happenings et des installations  Plastic Attacks, la précédente œuvre de Clay Apenouvon. « Oui, c’est violent. Mais c’est parce que la vie est violente. Donc dans ce que je fais, je vais chercher dans le choc, parce que cette douleur me touche. Le monde s’enrichit de plus en plus, mais il y a de plus en plus de pauvres. Moi je trouve ça violent. Je ne peux pas faire un art qui ne porte pas cette violence-là. Je ne peux pas me contenter de rester à l’entrée. On y va, ou on n’y va pas. » Clay Apenouvon aime se servir et détourner la matière pour mieux la dénoncer.

« Dans le Film noir de Lampedusa, le film plastique noir, issu du pétrole, est un acteur », insiste Clay. Le pétrole, explique l’artiste, évoque aussi la vénalité des passeurs de migrants qui méprisent la vie humaine. De même, dans ses précédents travaux sur la thématique de l’emballage, il s’est servi du plastique et du carton pour dénoncer l’importance disproportionnée accordée à la communication. « Cela me pose problème, car l’emballage, c’est-à-dire tout ce qui entoure l’œuvre, les décisions et les actes, prend le dessus sur l’essence, sur la substance, et sur la vie. »

 

L'installation de Clay Apenouvon, Le film noir de Lampedusa, est à retrouver lors de l'exposition Visibles / Invisibles, l'Afrique urbaine et ses marges à la fondation Blachère à partir du 27 mars. Un évènement dont RFI est partenaire.

 

Nicolas Champeaux, RFI, Le 05/03/205