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A Paris, l'errance des recalés autour du centre pour migrants

Publié le : 11/01/2017

l express

Paris (AFP) - Ils dorment dans l'herbe grise des terre-pleins et le fracas des moteurs: en attendant une chance d'accéder au centre pour migrants ouvert dans le nord de Paris, Soudanais et Afghans campent tant bien que mal aux alentours, régulièrement délogés par la police.

 

"J'ai essayé d'entrer, mais chaque jour on me dit qu'il n'y a pas de place", raconte Ousmane, emmitouflé dans une couverture, sur l'étroite esplanade centrale du boulevard Ney (XVIIIe arrondissement).

Plus que la polaire mitée, ce sont ses camarades allongés autour de lui qui le protègent du froid. "On est une quarantaine à dormir ici", explique le Soudanais, installé depuis une dizaine de jours. Qu'importe l'absence de tente, le bruit et les vapeurs de diesel: "Je veux demander l'asile en France, je vais essayer de rentrer", explique le jeune homme.

En face, à une centaine de mètres, le "centre de premier accueil", avec sa bulle pimpante et ses 400 places en chambres chauffées, affiche complet. Plus de 2.200 hommes seuls ont été hébergés depuis l'ouverture le 10 novembre, pour une durée de cinq à dix jours, et chaque matin une cinquantaine d'heureux élus peuvent rentrer.
Mais 80 à 100 personnes arrivent quotidiennement sur la capitale, rappelle Ivan Leray coordinateur de l'association Utopia56 chargée de la médiation devant le centre: "il n'y a pas assez de places" pour les héberger.

 

- 200 places supplémentaires -

L'Etat et la Ville de Paris ont promis 200 places supplémentaires et cette extension "est toujours à l'étude", assure-t-on à la préfecture. Mais le problème vient aussi du campement de fortune près du centre pour migrants ouvert dans le nord de Paris, Porte de la Chapelle, le 5 janvier 2017 rythme de rotation.

Les migrants sont en effet orientés après leur séjour vers des centres plus pérennes en régions, en fonction de leur droit à demander l'asile en France -- ceux qui ont laissé leurs empreintes dans un autre pays européen doivent théoriquement y déposer leur dossier.

Cette orientation est conditionnée à un examen de leur situation administrative (donc du droit au séjour). Or le rythme des entretiens tourne autour de 40 par jour, soit moins que les 50 admissions quotidiennes. "L'objectif est de passer rapidement à 60", assure-t-on à la préfecture de région.

En attendant, les migrants errent dans le quartier, sous l'oeil des forces de l'ordre. Dans la nuit de mardi, une quarantaine ont été délogés par la police de leur campement de fortune, sous le pont voisin. Jeudi matin, c'est la file d'entrée au centre qui a été dispersée: "Quand ils ont ouvert les portes, tout le monde a voulu entrer. La police a commencé à gazer vers les visages. Pendant une heure j'ai pleuré", témoigne Mattio, un Afghan.

"La police intervient régulièrement", raconte Benoit Alavoine, du collectif Quartiers solidaires qui aide les migrants. "Mais parfois il y a juste un nettoyage des rues qui leur fait perdre leurs affaires. Ça dépend, on ne comprend pas trop la logique", ajoute-t-il.

 

- "Dispersion" -

Avec ces interventions, il s'agit d'"éviter la reconstitution de campements", explique une source policière.

Délogés, les migrants doivent s'installer ailleurs, d'autant que des barrières empêchent désormais l'accès aux emplacements habituels du nord de Paris (esplanade sous le métro aérien, abords de la place Stalingrad...).

Résultat: "on ne sait plus où sont les gens", témoigne Ivan Leray. Une trentaine dorment sous les porches de la rue Pajol voisine. Un campement s'est brièvement reconstitué à Saint-Denis en décembre.

"Ils dorment à gauche à droite, par petits groupes, mais il y a une dispersion. Il y a quotidiennement 150 à 200 personnes sur Paris, les autres sont sur la petite couronne", assure Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile.

Face à cette situation, beaucoup plaident pour une duplication de l'expérience parisienne en régions. "Il faut des structures en amont", estime Pierre Henry.

"Ce n'est pas une bonne idée que Paris soit la seule porte d'entrée de l'asile", rappelle Ivan Leray, pour qui "il faut anticiper à l'approche du printemps", synonyme de reprise des arrivées par la Méditerranée.

 

L'Express, 06/01/2017