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Le recensement des migrants prévu par l'État provoque la colère des associations

Publié le : 12/12/2017

 

le figaro

 

Le ministre de l'Intérieur doit signer sous peu une circulaire relative à ce recensement prévu dans les centres d'hébergement d'urgence. Les associations, elles, craignent une logique «d'étiquetage et de triage» des publics accueillis.

«Plus personne dans les rues d'ici fin 2017.» Telle est la promesse formulée en juillet dernier par Emmanuel Macron. Pourtant, la fin d'année approche et migrants, sans-abri ou clandestins errent encore et toujours dans les rues, à Paris ou ailleurs. Les centres d'hébergements d'urgence - souvent des hôtels et des foyers - sont bien souvent saturés et les associations qui les gèrent débordées. Pour tenter de désengorger le dispositif, le gouvernement prévoit, dans les prochains jours, la publication d'une circulaire sur le recensement des étrangers qui se trouvent actuellemnt dans ces centres.Des «équipes mobiles» y seront envoyées afin de recueillir des informations sur la situation administrative des personnes hébergées. L'objectif de l'exécutif: savoir précisément qui est accueilli dans ces lieux, rediriger dans d'autres structures les publics qui ne doivent pas s'y trouver afin de libérer des places pour les sans-abri. Et remplir l'objectif fixé par le président en juillet.

Accueil inconditionnel

Vendredi matin, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, ont présenté leur projet de circulaire aux associations actives dans ce type d'hébergement. Médecins du Monde, Coallia, la Croix-Rouge, Emmaüs ou encore du Secours catholique... tous ces organismes ont été surpris par cette annonce, faite, selon eux, sans «aucune concertation». Certains ont même décidé de claquer la porte du ministère en pleine réunion. Patrick Doutreligne, président de l'union d'associations sanitaires et sociales (Uniopss) a immédiatement dénoncé une logique de «de recensement, d'étiquetage et de triage» lancée par l'exécutif. Contacté par Le Figaro, Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarités tire la sonnette d'alarme: «On touche à notre ADN qui est l'hébergement inconditionnel des personnes.» En effet, l'article L.345-2-2 du code de l'action sociale et des familles stipule que «toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence».

Préoccupée par la situation, le conseil de Paris a adopté mardi un vœu demandant à l'État de «rendre publiques» les informations concernant la circulaire, ainsi que ses «conséquences» pour les migrants hébergés. Elle a également interpellé l'État «sur la nécessité de respecter les règles relatives à l'éthique du travail social». «C'est un coup de tonnerre. On ne peut pas demander aux associations à la fois d'accueillir leur prochain, de le soigner et en même temps de participer à une mission régalienne», déplore Dominique Versini, adjointe PS d'Anne Hidalgo en charge de la solidarité, jointe par le Figaro. «Un débat qui remettait en cause l'accueil des sans-papiers dans les centres d'urgence avait déjà été ouvert en 2007 à l'occasion du projet de loi sur l'immigration de Brice Hortefeux. Après de longues discussions à l'Assemblée, cette mesure avait été abandonnée et avait finalement abouti sur la loi de 2009, sanctuarisant l'hébergement inconditionnel», rappelle-t-elle.

Outre l'accueil inconditionnel du public, les associations s'inquiètent d'éventuelles interventions de la police dans les centres. «Le risque, c'est que, par peur de se faire épingler par ces équipes mobiles, de moins en moins de personnes ne viennent, préférant rester dans la rue et augmentant l'insécurité», prévient Bruno Morel. De son côté, le ministère de l'Intérieur assure qu'aucun membre des forces de l'ordre ne sera présent dans ces équipes mobiles. «Il n'y aura pas de prise d'empreintes» mais des «entretiens» avec les personnes. «Possiblement, les gens qui remplissent les critères de régularisation devront être régularisés», précise-t-on. Une expérimentation d'équipes mobiles est déjà en place depuis un peu plus d'un mois en Ile-de-France. Elles sont composées de membres de l'Office français d'immigration et d'intégration (Ofii), de la préfecture de région, de la préfecture de police, ainsi que du groupement d'intérêt public «habitat et interventions sociales» (GIP-HIS).


Liste les personnes

Avec cette nouvelle circulaire, les associations craignent également que l'État ne leur demande d'établir des listes sur les personnes qu'elles hébergent. C'est ce qu'a fait le préfet de Haute-Savoie, Pierre Lambert, dans un courrier daté du 14 novembre 2017. Le magistrat a réclamé à l'ensemble des organismes sociaux de transmettre, chaque mois, l'identité, la composition familiale et la date de naissance des publics accueillis dans leurs centres. Et si leur titre de séjour est expiré, l'exécutif «envisage de les assigner à résidence» peut-on lire dans ce courrier.

«Les travailleurs sociaux ne feront pas un travail de police», prévient Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, au Figaro. «La priorité c'est que chacun puisse être reçu dans la dignité. Dans les centres d'hébergements d'urgence de droit commun, on trouve parfois des milliers de familles qui habitent à l'hôtel depuis plusieurs années. On fait quoi, on les met dans un avion et on fait un renvoi collectif? Je crois que l'État fait preuve d'une grande méconnaissance du fonctionnement de notre travail quotidien», lâche-t-il.

Malgré le mécontentement des associations, la circulaire devrait bien être publiée dans les prochains jours. Et son contenu n'a rien de surprenant. En juillet déjà, Emmanuel Macron disait vouloir, «dès la première minute», octroyer un «traitement administratif» aux migrants, avec «derrière une vraie politique de reconduite aux frontières». Car si demandeurs d'asile et réfugiés sont la priorité affichée du chef de l'État, qui souhaite perpétuer la «tradition d'accueil française», c'est tout l'inverse des «dublinés». Le président de la République veut reconduire à la frontière ces migrants dont la demande d'asile a déjà été prise en compte dans un autre pays membre de l'Union européenne. Et ce, de manière «intraitable».

 

Le Figaro, par Etienne Jacob, le 12/12/2017.