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Calabre : point sur la situation et communiqué de l'AEDH

À ROSARNO, REGGIO DE CALABRE, appel à des mesures d’apaisement dans le respect des droits de l’Homme

L’Association européenne pour le défense des droits de l’Homme, AEDH, s’associe à la Liga Italiana dei Diritti dell’Uomo, LIDU, et demande aux autorités italiennes de prendre les mesures d’apaisement indispensables pour rétablir un dialogue constructif entre les autorités responsables de la sûreté publique, la population locale et les immigrants sur la commune de Rosarno (Reggio de Calabre).


Ces derniers jours, à la suite de blessures, par des inconnus, de deux immigrés par des tirs de carabines à air comprimé, des manifestations violentes d’immigrés se sont produites. Il s’en est suivi de graves tensions, une réaction de la population locale tournant à l’affrontement, des propos racistes, xénophobes et anti immigrés ont été tenus à cette occasion. Des biens ont été détruits et des personnes ont été blessées durant ces manifestations.


L’AEDH tient à souligner qu’il est du devoir de l’Etat de rétablir la légalité et que nul ne peut se soustraire, quelque soit son origine, à l’application des lois communes dans une société démocratique. Il est aussi du rôle de l’Etat et de ses gouvernants de veiller à ne pas accepter de comportements racistes et xénophobes et de lutter contre leurs développements. Ces comportements, le rejet des immigrés, ne peuvent qu’attiser à nouveau les tensions et conduire à des débordements incontrôlés. Le ministre de l’Intérieur italien en affirmant à cette occasion que « depuis des années a été tolérée, sans rien faire d’efficace, une immigration clandestine qui a alimenté pour partie la criminalité et pour l’autre une situation de forte dégradation, comme celle de Rosarno »i porte ainsi une lourde responsabilité, une telle déclaration ne peut qu’être condamnée.


Si les débordements et les destructions de biens qui ont suivi les manifestations ne sont pas excusables, il demeure que depuis des années les immigrés de la région de Rosarno, en situation régulière ou irrégulière, sont pour la plupart exploités par des trafiquants de main d’oeuvre. Employés majoritairement dans le secteur agricole ils perçoivent de très faibles salaires et vivent dans des conditions d’habitat et d’hygiène indignes et dégradantes. Ces travailleurs immigrants doivent être rétablis dans leurs droits et leur dignité et trouver assistance auprès de l’Etat.


L’AEDH s’associe à la LIDU pour affirmer que les immigrés ne sont pas venus travailler en Italie pour semer le trouble, mais qu’ils sont venus y chercher espoir et un futur meilleur, parce que victimes de la misère endémique des pays du Sud.


L’AEDH suivra avec attention les mesures prises par les autorités de l’Etat et par son représentant, le Commissaire Préfet de Reggio de Calabre. Elle ne pourra qu’approuver ces mesures si elles sont prises en accord avec les parties, dans le respect des droits des personnes concernées et en référence aux droits fondamentaux reconnus au niveau international et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

L'Association Européenne pour la Défense des Droits de l'Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l'Homme des pays de l'Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l'Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site
www.aedh.eu

Bruxelles, le 11 janvier 2010
Lire le communiqué



Le calme est revenu à Rosarno, petite ville de Calabre, après de violentes attaques contre des immigrés par la population locale.

Le bilan de ces violences s'établit à 67 blessés, dont 31 étrangers, 17 habitants italiens et 19 policiers, selon l'agence de presse Ansa. Certains étrangers ont été frappé avec des barres de fer, d'autres ont été renversés volontairement par des voitures, d'autres essuyant des tirs de fusil. Deux blessés graves ont été comptabilisés, selon les services hospitaliers.


 Les incidents ont débuté après des manifestations d'immigrés qui avaient dégénéré en affrontements avec la police. Jeudi soir, plusieurs centaines d'ouvriers agricoles, pour la plupart employés illégalement dans la région et provenant d'Afrique noire, avaient incendié des voitures et brisé des vitrines à coups de bâtons pour protester contre l'agression de plusieurs d'entre eux qui avaient été les cibles de tirs de fusils à air comprimé.


"CES TYPES NOUS TIRAIENT DESSUS COMME S'ILS ÉTAIENT À LA FÊTE FORAINE"


Vendredi matin, 2 000 migrants se sont rassemblés devant l'hôtel de ville de Rosarno pour protester contre le comportement, à leurs yeux raciste, de certains habitants de la région à leur égard. La veille, deux hommes avaient essuyé des tirs de carabine depuis une voiture. "Ces types nous tiraient dessus comme s'ils étaient à la fête foraine, et ils riaient. Je hurlais, d'autres voitures sont passées mais personne ne s'est arrêté, personne n'a appelé la police", a témoigné Kamal, un Marocain, au journal La Repubblica.


Par la suite, des centaines d'habitants de Rosarno se sont rassemblés devant la mairie pour une contre-manifestation, demandant, pour une grande part, à ce que le gouvernement prenne des mesures contre les immigrés. Quelques 900 immigrés ont quitté la ville dans la nuit vers un centre d'accueil d'urgence à Crotone et Bari. Au total, près d'un millier devraient quitter Rosarno avant dimanche soir.


Face à la tension, la police a envoyé "un important contingent de policiers" pour "assurer un meilleur contrôle du territoire et garantir la sérénité à toute la population présente". Le ministre de l'intérieur, Roberto Maroni, a mis en place une cellule de crise pour traiter des racines de ces violences. Issu de la Ligue du Nord, M. Maroni a déclaré par le passé que l'une des causes de la violence en Italie résidait dans le fait que l'immigration clandestine avait été tolérée pendant de trop nombreuses années.


Huit mille immigrés clandestins vivent actuellement en Calabre, où le gouverneur local, Agazio Loiero, a reconnu que les violences déclenchées par les immigrés, même si elles étaient injustifiées, était le résultat d'une "une forte provocation". La presse italienne estime que la moitié d'entre-deux étaient employés, en général illégalement, pour cueillir clémentines et mandarines pendant quelques mois.


Le Monde, avec AFP, le 08/01/2010


A Rosarno en Calabre, ces caméras qui veulent filmer la “chasse aux noirs”

 “Qu’ils s’en aillent, on va leur foutre la trouille ! ” vocifère un père de famille devant les caméras de télévision.

Quelques 70 habitants de Rosarno (ville au nord de Reggio : 15 000 résidents environs) n’ont pas seulement joué la carte de l’intimidation… Avec des bidons d’essences, ils envisageaient d’incendier la Rognetta, la structure (si on peut employer ce terme) où dormaient les africains… La police les en a empêché…

En revanche, les actes de violence n’ont pu être évités. Les locaux ont chargé les immigrés

A coups de barre de fer : deux  immigrés grièvement blessés

Avec des fusils de chasse : deux immigrés blessés par balles, touchés aux jambes.

Avec des voitures. L’objectif étant de foncer sur les groupes pour les renverser volontairement : 5 africains touchés.

Au total en 36 heures, 67 blessés : immigrés,  policiers.

8 interpellations d’habitants dont 1 pour tentative d’homicide.

Comment en est on arrivé là ? 

Tous les ans, la récoltes des oranges et des clémentines donnent du travail à 5 000 immigrés environ dans les alentours de Reggio Calabria. Tous clandestins. Une situation qui perdure depuis des années. Une main d’oeuvre très bon marché…

Sans oublier le role déterminant de la Mafia que ce soit en Calabre, en Basilicate ou dans les Pouilles. Avec parfois la complicité des autorités locales, les organisations criminelles aident des groupes d’immigrés à s’enfuir des centres de rétention où ils sont détenus pour les réduire ensuite à une forme d’esclavagisme. 

La traite d’être humains. Immigrés amenés sur les terres agricoles pour y travailler. Le scandale du triangle des tomates à Foggia entrait dans ce contexte. 

Les passeports sont confisqués et les africains entassés dans des cabanons avec d’autres travailleurs immigrés (ceux là sont passés à travers les mailles du filet et se sont présentés spontanément, sachant que le besoin de main d’oeuvre pour les récoltes était important.) 

Ils travaillent 14 heures par jour et sont rémunérés (quand ils sont rémunérés) 20 à 30 euros la journée mais doivent payer l’eau qu’ils utilisent pour se désaltérer.

Un reportage de la chaine Rai News 24 hier sur les conditions de vie des travailleurs immigrés près de Rosarno. Pas besoin de traduction, les images parlent d’elles mêmes.


L’antenne italienne de Medecins Sans Frontières a souvent dénoncé les brimades et les violences commises à l’égard des immigrés dans les exploitations agricoles du sud. Une clinique mobile avait même été mise en place dans les Pouilles il y a 5 ans.

Jeudi soir à Rosarno, des africains sont visés par tirs de fusils à air comprimés.

3 d’entre eux sont blessés. La colère est plus forte.

Ils renversent les poubelles, explosent des parebrises, les forces de l’ordre chargent. Affrontements.  

A l’arrivée de la caravane “journaliste” le vendredi, le calme est déjà revenu.

Mais les caméras qui ont raté la nuit d’affrontements doivent alimenter les journaux. La révolte des noirs doit faire la Une.

Mais les noirs sont repliés, alors on va les chercher, dis nous l’enfer que tu vis et pourquoi t’es en colère ?…

Problème, souvent l’immigré ne parle pas italien… Mais il perçoit qu’une attention médiatique se focalise sur lui, et que c’est peut être une chance… Les journalistes orientent les questions “on peut dire que vous pensez que les italiens sont racistes !”…. Si Si

Et ensuite, interview des habitants : vous avez eu peur hier soir, vous croyez qu’ils peuvent remettre ça ?

Bien sur, la presse italienne n’a pas provoqué les émeutes, mais les télévisions à force de vouloir tourner des images ont maintenu un climat de tension tout l’après midi de vendredi…

Et pour faire le beau, il y a toujours quelques charlots décébrés qui viennent pétarader devant les caméras ” ce soir, ce sera la chasse à l’immigré, ils ont saccagé ma bagnole… Dehors, qu’ils foutent le camp… je ne les veux plus ici… je vais m’en charger moi même”….

D’autres habitants interrogés ne veulent pas parler de chasse mais affirment que “ces africains ne sont pas aussi gentils qu’on le dit“…

Un témoignage tourne en boucle… La femme de cet homme a été agressée. Les circonstances : Elle revenait de faire des courses avec ses deux enfants de 10 et 8 ans quand les africains ont encerclé sa voiture en criant. Pour finalement la laisser passer.

Mais alors ce n’est pas une agression ?

Ah bon, et vous appelez ça comment, vous ?

Les caméras tournent, les groupes se forment, la colère monte d’un cran… Et la nuit va tomber…


Dans leur désespoir, les immigrés n’ont rien compris.

Ils pensent que la télé va permettre de diffuser leur colère et de porter leur revendication.  Ils ne saisissent pas que la violence n’est pas une solution et se retournera contre eux.

Les revoilà en bandes vendredi soir à défiler.

Des cris racistes viennent d’une terrasse. Les africains répondent par un jet de pierres.

Une voix s’élève : “ils canardent ma femme et ma fille qui jouent sur le balcon”, l’homme sort un fusil de chasse et tire dans le tas. C’est la débandade.

Une hystérie collective…qui me rappelle un film d’Arthur Penn “La poursuite impitoyable“.

Et le traitement journalistique porte là une responsabilité immense.

Soit on voit le sujet sous l’angle : ”les méchants noirs qui ne parlent pas notre langue et attaquent nos concitoyens”… le téléspectateur sent un dégout monter en lui et sa position se radicalise à l’égard des immigrés en général….

Soit on le voit sous l’angle : “ces sales calabrais racistes qui se croient revenus à l’époque du K.K.K et veulent jouer les Stallone  gros bras pour défendre leurs terres.”

Ces deux visions radicales sont plus commodes et empêchent de discerner une situation inextricable. L’immigration clandestine, la mafia, la main d’oeuvre, les organisations criminelles, les abus, la misère…

Et des solutions difficiles à trouver…

Et un trop grand laxisme envers les minorités extremistes xénophobes racistes, ces groupes fauteurs de troubles, provocateurs, ceux là même qu’on entend dans les tribunes insulter les joueurs noirs… Des minorités trop visibles et qui donnent une image brouillée de la société italienne.

Quant aux paroles politiques, elles ont ont un parfum électoraliste. Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur  ”ces violences sont le signe d’une trop grande tolérance avec les clandestins“.

Roberto Maroni qui a réagi aussitot pour protéger les immigrés, alerté par le Haut Commissariat pour les Réfugiés. Le porte parole de l’antenne italienne du HCR redoutait “cette chasse aux immigrés“.

900 africains ont été conduits en bus affrété par la police à 200 kms de là dans un centre d’acceuil. 

Les pseudos Rambo de Rosarno sont surveillés par les forces de l’ordre… Et chacun finira par rentrer chez soi… Jusqu’à la prochaine fois…

L’an dernier, à la même époque,  2 immigrés africains avaient été gravement blessés par balles….ici même à Rosarno

 

par Eric Valmir, correspondant permanent en Italie pour France Inter
le 11/01/2010



LA BATAILLE DE ROSARNO (Calabre) est terminée

 Les plus de 2.000 Africains qui y récoltaient les oranges depuis deux décennies ont quitté, grace à l’intervention de la police, une région devenue inhospitalière.Ils ont été transférés dans des centres d’accueil de la cote adriatique. Personne ne sait quel sort leur sera réservé. Quant aux habitations de fortune, usines dèsaffectées, taudis, tentes, où ils vivaient, elles ont été démolies par les pompiers .Est ce suffisant pour effacer le week end terrifiant qu’ont vécu ces immigrés, pourchassès par des habitants en armes, ces Africains qui avaient dù, avec une reaction de dignité offensée, défiler et manifester dans les rues de Rosarno pour exprimer leur colère et leur peur? Voir: Il Corriere della sera . Le quotidien La Repubblica s’attarde de son coté sur le sentiment de “contrition” qui semble se manifester parmi les habitants de Rosarno, au lendemain de la bataille. Dans l’église du Dome, bourrèe de fidèles, le pretre Don Pino Varrà a vivement critiqué le comportement xénophobe à l’égard des frères de couleur, qui sont tous des enfants de Dieu, ajoutant:”Si nous sommes prets à l’exercice de la violence, alors ne venons plus à l’église”. Puis il a fait le tour des bancs, et remarqué, micro à la main, tous les immigrés absents, en les appelant par leur prénom .Tandis que le Parquet enquete sur le role de la ‘Ndrangheta , la mafia calabraise, dans cette chasse à l’homme (Il Sole24ore ), le pape Benoit XVI demande que les immigrès soient respectés (La Stampa). “Les Noirs sont partis, reste la mafia” titre avec une grande justesse le quotidien L’Unità à propos de Rosarno après la tempete. Le quotidien Il Giornale s’était lui aussi fait remarquer hier avec un gros titre en pleine page :”Tirez sur la mafia, pas sur les Noirs”.

AUTRES MANIFESTATIONS RACISTES : Le ministre de l’Intérieur Roberto Maroni a rappelé aux arbitres des matches de foot qu’ils ont le droit (peut etre le devoir?) de suspendre ces matches lorsque des propos racistes sont tenus contre des joueurs, comme cela se produit régulièrement pour le jeune Africain-Italien Balotelli (Il Corriere della sera ). Après avoir lancé en grande pompe une nouvelle norme qui interdit que les enfants ètrangers soient plus de 30% de l’ensemble des élèves dans les classes de l’ècole publique, la ministre de l’Education Mariastella Gelmini a cependant précisé qu’elle ne comptabilisait pas parmi les “étrangers” les enfants d’immigrès nés en Italie, lesquels représentent tout de meme 37% de l’ensemble des enfants d’immigrès qui fréquentent l’ècole (La Repubblica ). Le Prèsident de la Federcalcio Giancarlo Abete rèplique au ministre de l’Intérieur que les arbitres peuvent demander la suspension d’un match, mais que la mise en application de cette décision appartient, de par une circulaire du ministre de l’Intèrieur, aux forces de l’ordre. Et que la circulaire doit donc etre changèe (Il Giornale ). A signaler : il y a un an sortait un livre signé Antonello Mangano et intitulé “Les Africains sauveront Rosarno”. Le journaliste racontait les précèdentes rèvoltes des Africains sous payès par la ‘Ndrangheta (25 euros par jour pour 12 heures de cueillete des oranges) et expliquait que les premiers à contester le pouvoir de la mafia, ce seraient eux . C’est exactement ce qui s’est produit un an après la sortie du livre (Panorama).

La revue de presse italienne, par Marcelle Padovani, correspondante du Nouvel Observateur en Italie
le 11/01/2010