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Derrière les mesures d'expulsion de Besson, l'enjeu européen

La France aux avant-postes

 

Impossible ces dernières semaines d'échapper à Eric Besson. Qu'il s'agisse du démantèlement de la jungle de Calais, de l'expulsion de trois clandestins afghans ou de l'ouverture d'un débat sur l'identité nationale, les dernières décisions du ministre de l'Immigration font penser à une offensive calculée pour faire oublier les déboires du gouvernement.


Mais à l'exception du débat sur l'identité nationale, lancé à des fins de politique intérieure, les interventions récentes d'Eric Besson s'inscrivent aussi dans un agenda européen.


Priorité à la lutte contre l'immigration irrégulière


C'est une conséquence directe de la liberté de circulation en Europe : dès lors qu'il n'y a plus de frontières entre les Etats membres, les décisions concernant l'attribution de visas, le contrôle aux frontières extérieures ou les règles d'asile doivent être prises à 27.
Lundi dernier, Eric Besson a tenu à rappeler dans une tribune au Figaro le cadre européen de son action. L'intitulé de ce texte avait de quoi faire frémir : « L'immigration irrégulière entrave le projet européen ». A l'heure où la plupart des commentateurs s'inquiètent surtout des tensions économiques au sein de la zone euro, voilà une vision pour le moins originale des risques qui pèseraient aujourd'hui sur le projet européen.


Une telle assertion est révélatrice de la vision de la politique migratoire qui s'est imposée au sein de l'UE. Pour Claire Rodier, co-fondatrice du réseau Migreurop :
« Quand on fait le bilan des dix dernières années, on constate que l'accent a davantage été mis sur les processus d'éloignement et de contrôle que sur l'accueil des migrants. »


Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, la France a mis la politique migratoire au coeur de sa stratégie européenne. C'était l'une des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, dont l'un des succès revendiqués fut la conclusion en octobre 2008 d'un Pacte européen sur l'immigration et l'asile.


Voici une semaine, Paris et Rome adressaient à la présidence suédoise de l'UE une lettre lui demandant d'inscrire à l'ordre du jour du Conseil européen une augmentation des moyens de Frontex, l'agence européenne pour la sécurité des frontières extérieures.


On peut comprendre que l'Italie, dépassée par la gestion des centaines d'immigrés qui se pressent sur ses côtes, en appelle à ses partenaires. Mais comment expliquer que la France soit à la pointe de cette croisade, alors qu'elle n'est pas directement aux prises avec l'augmentation des flux de clandestins aux frontières de l'Europe ?


Officiellement, par solidarité européenne. L'explication officieuse, c'est la crainte du gouvernement de voir s'installer sur le territoire français des migrants arrivés en Europe par un autre pays, mais attirés vers la France par son système social généreux. D'où cette volonté d'aider les pays en difficulté à assurer un meilleur contrôle de leurs frontières.


Claire Rodier pense qu'il s'agit surtout d'une posture électoraliste. Mais pas seulement :
« Il y a peut-être chez la France la volonté d'imposer une marque dans le concert européen, parce que sur d'autres sujets, elle est moins crédible. »


Si l'on souscrit à cette interprétation, l'expulsion des Afghans prend tout son sens à quelques jours d'un Conseil européen où la question de l'immigration irrégulière est à l'ordre du jour. Elle survient en tout cas à un moment opportun pour rassurer les partenaires de la France sur sa volonté de rester aux avant-postes en matière de contrôle migratoire.


Vers des « charters européens »


Les conclusions du Conseil européen qui se déroule en ce moment ne devraient guère être surprenantes. On peut d'ailleurs se procurer le projet de résolution finale sur Euractiv.fr. Conformément à la demande franco-italienne, les chefs d'Etat et de gouvernement devraient réaffirmer leur volonté de renforcer les capacités de Frontex et d'accélérer les procédures visant à harmoniser le droit d'asile.
Comme l'ont demandé Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi dans leur lettre, le Conseil européen pourrait déboucher sur la mise en place de « charters européens ». Des vols conjoints pour raccompagner les migrants expulsés existent déjà, comme le montre le récent exemple franco-britannique, mais ces opérations ne sont pas communautarisées.


Si tel devait être le cas, le coût de ces vols serait pris en charge par le budget communautaire. De quoi soulager les finances publiques des pays qui ont recours à de telles expulsions.


Par Eric L Helgoualc h
Rue 89, le 02 novembre 2009