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En Sicile, deux responsables d'un rapatriement forcé renvoyés en jugement

Des juges italiens au secours des boat people

     
La politique italienne de refoulement maritime des migrants refait parler d'elle. Heureusement, pas (encore) en raison d'un nouveau drame, mais grâce à l'opiniâtreté de magistrats de Syracuse, en Sicile, qui viennent de renvoyer en jugement deux responsables d'un rapatriement forcé survenu en août 2009. Général de la garde des finances et directeur de la police de l'immigration, les accusés avaient ordonné d'embarquer et de ramener en Libye, contre leur volonté, quelque 75 candidats à l'exil surpris à proximité du sud de la Sicile.


Le gouvernement de Silvio Berlusconi a assuré les concernés de son soutien, en précisant que ces opérations continueront. C'est l'an dernier que Rome et Tripoli ont paraphé un accord bilatéral prévoyant le rapatriement sur sol libyen des boat people repérés non seulement dans les zones côtières italiennes mais également en eaux internationales. Aussitôt signé, aussitôt réalisé: entre mai et décembre dernier, environ 850 personnes, dont des enfants, ont vu leur traversée s'achever par un retour forcé dans l'enfer des camps de réfugiés du colonel Kadhafi.


Le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) et d'autres organisations internationales condamnent en vain cette politique. A l'annonce de la décision judiciaire, la représentante du HCR en Italie a rappelé que l'accord bafoue le droit à l'asile politique sans pour autant freiner l'immigration clandestine. Les chiffres sont là pour le prouver: les demandes sont passées de 31 000 en 2008 à 17 000 l'an dernier. Défendant sur le fond une mesure qu'il considère de son côté conforme aux textes internationaux, l'Etat italien n'est pas directement visé par la justice sicilienne. Le principe même n'est d'ailleurs pas attaqué. Les deux hauts gradés sont poursuivis pour un détail fautif dans le déroulement de l'opération, au titre de délit «privé»: ils auraient dû savoir qu'en hissant ces 75 migrants à bord d'un navire de surveillance, assimilé au territoire italien, ceux-ci acquéraient, même selon la sévère loi en vigueur, le droit de déposer une demande d'asile.


Pour éviter ce genre de problème, les frêles embarcations découvertes sont en effet le plus souvent escortées puis prises en charge par la marine libyenne. D'autres boat people ont sans doute été abandonnés à leur sort pour la même raison. A une époque où les Etats européens mènent une vraie guerre contre l'immigration non choisie, les juges ne s'en mêlent que trop rarement. Il y aurait pourtant souvent matière à rétablir le droit ou, du moins, à l'interpréter différemment. Les renvois forcés de migrants, que cela soit dans les flots agités du canal de Sicile ou saucissonnés dans un charter à destination de Lagos, sont certainement contraires aux droits fondamentaux.

La justice zurichoise saura-t-elle en tenir compte dans le cas de la mort du jeune Nigérian à l'aéroport de Kloten?


Par Olivier CHAVAZ 

 

Le Courrier, le 26/04/2010