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« Plutôt la prison que revenir en Tchétchénie... »

France terre d'asile assure l'accueil, mais aussi l'hébergement, l'accompagnement administratif, social et médical des demandeurs d'asile.

 

 À Toulon, la majorité des familles hébergées par l'association sont tchétchènes.


Ce sont des survivants, presque des miraculés. Ces vingt dernières années, on estime qu'un Tchétchène sur dix a disparu lors des deux guerres qui ont ravagé le pays. Anzor, Roumissa, Ruslan, Aina, Ali, Zarema, Oumar, Madina, Mariam (1)... Tous ont vu la mort. Tous ont perdu amis ou membres de leur famille. Certains ont déjà été enlevés, ont tué pour ne pas être tués.


15 000 euros pour venir à Toulon


Ce jour-là, dans ce petit appartement du centre ancien mis à disposition par le Cada (2), ces déracinés nous accueillent avec le sourire. Avec cette hospitalité sincère qui caractérise les peuples du Caucase. Il y a plus d'un an, ils ont fui leur pays pour échapper à la violence qui y règne encore. Ils ont atterri à Toulon, après un autre parcours du combattant sur les routes de l'Est, comme nous le raconte Anzor.
« J'ai tout vendu pour partir. Ma maison, ma voiture. Il a fallu payer les passeports, le taxi, dormir dans des gares... On a soudoyé les douaniers polonais pour rentrer dans l'espace Shengen (3). Au total, avec ma femme, ça nous a coûté 15 000 euros... »


Le prix du rêve, de la France « pays des droits de l'homme, soutient Ali. Ici, grâce au Cada, nos enfants sont scolarisés gratuitement et peuvent apprendre le français. Quand on est arrêté par les policiers, on n'a rien à craindre. Chez nous, on ne sait jamais si on reviendra vivant du commissariat... »


Ceux qui nous reçoivent ont attendu les derniers mois de « l'opération antiterroriste » russe pour quitter leur foyer. Un paradoxe ? « C'est logique, s'énerve Ali. Après la guerre, on croyait que la situation s'améliorerait. Mais c'est devenu de pire en pire. Il y a la mafia, la guérilla, les attentats, les enlèvements, les menaces, la torture... »


Alors les hommes ont pris la décision de partir et demander asile à l'État français. Le choix incertain de l'exode pour épargner à leurs enfants l'enfer qu'ils ont connu.


« J'avais huit ans quand la première guerre a éclaté, se souvient Madina. On vivait toute la journée dans la cave, sans lumière. On écoutait les obus tomber sur Grozny. Mon rêve de petite fille, c'était de me promener dans la rue... »


"On ne quitte pas sa terre sans raison"


Les femmes racontent les souvenirs que les hommes ont enfouis, refoulés. La plupart reconnaissent avoir participé à la première guerre « d'indépendance ». Certaines séquelles physiques, psychologiques, ne trompent pas. Mais leurs regards noirs se froncent à l'évocation de la « seconde ». « On risque sa vie pour avoir eu un combattant dans sa famille », murmure Oumar. Les autres se taisent.


Ces demandeurs d'asile en plein désarroi ne comprennent pas qu'on leur refuse le statut de réfugié. Qu'on leur demande toujours plus de preuves de leur peur, que les questions de l'OFPRA (4) soient si dures alors qu'ils arrivent d'un pays martyrisé. « Aucune personne au monde ne quitterait sa terre sans raison vitale. Pourquoi aurait-on payé autant et enduré deux guerres avant de fuir, si le danger n'existait pas ? »


Anzor, Roumissa, Ruslan et les autres ont essuyé un premier refus de l'OFPRA. Ils attendent désormais la réponse de la CNDA.

Comme inscrit en gras sur leur titre de séjour, ces enseignants, infirmiers et autres ouvriers n'ont pas le droit de travailler en France. Ils peinent, du coup, à s'adapter à la vie toulonnaise. Tout juste ont-ils la possibilité de suivre les cours de langue du Cada. Et d'attendre...
« De toute façon, on ne reviendra pas en Tchétchénie tant que la situation n'aura pas changé. On préfère l'illégalité en France, même la prison, plutôt que de retourner là-bas. Ce serait préférer la mort à l'espoir. » Tout ce qu'il leur reste.


 Var Martin, le 02 novembre 2009