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Le sort épouvantable des demandeurs d'asile renvoyés vers la Grèce

La Suisse dénoncée pour ses expulsions vers la Grèce


La Suisse doit suspendre les transferts de requérants d’asile vers Athènes, réclame Amnesty International. L’ONG dénonce le sort épouvantable qui y attend les exilés. Berne ne cède pas, mais le débat fait rage.

 

«En Grèce, les demandeurs d’asile sont traités comme des criminels.» De passage en Suisse, Victoria Banti ne mâche pas ses mots. Au terme d’une année et demie d’enquête dans son pays, cette avocate athénienne et chercheuse pour Amnesty International (AI) vient de publier un rapport accablant sur la question. Sont documentées les conditions «inhumaines» de détention des requérants d’asile, la pénurie de places d’hébergement, la maltraitance policière, ou l’absence d’assistance juridique et d’interprète. Mais aussi, l’impossibilité pour les exilés de faire recours lors de décisions de renvoi.

 

Le «piège» de Dublin


En Grèce, Victoria Banti a interviewé une cinquantaine d’exilés, dont un Iranien, renvoyé par les autorités suisses, en vertu de l’accord de Dublin. Un «accord piège», critique la chercheuse. Ce système, accepté par le peuple suisse, a pour but d’éviter qu’une même personne dépose des requêtes d’asile dans différents pays. Il permet ainsi son renvoi dans son premier lieu d’entrée officiel en Europe. Des portes d’entrée qui se nomment souvent Italie, Grèce, Espagne, situées aux avant-postes de l’espace de libre circulation Schengen. Mais aussi la Suède. Beaucoup de Suisses se souviennent du transfert vers Stockholm de l’un des «cas Dublin» très médiatisé, l’Irakien Fahad Khammas, héros malgré lui du documentaire La forteresse.

Amnesty International, mais aussi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) réclament de la Suisse et des Etats signataires de l’accord de Dublin qu’ils suspendent les renvois vers la Grèce. Depuis décembre 2008 et l’entrée en vigueur de l’accord de Dublin, 126 requérants ont été renvoyés par la Suisse vers Athènes. Et plus de 500 personnes attendraient leur transfert. Ce printemps, Amnesty s’est adressé à Eveline Widmer-Schlumpf, lui signifiant les violations du droit international par l’Etat grec. Peine perdue. A l’instar de la Suisse, les autres Etats Dublin poursuivent les renvois, admettant des dérogations au cas par cas.

Amnesty maintient la pression sur Berne et lance une pétition. «Nous espérons que l’ODM fasse évoluer sa pratique après avoir pris connaissance de notre rapport, insiste Denise Graf, juriste à AI. Le Tribunal administratif fédéral doit encore rendre une décision. Entre-temps, les renvois vers Athènes sont heureusement suspendus.»

 

Harmoniser les politiques


A terme, préconisent les défenseurs du droit d’asile, seule une harmonisation du droit d’asile entre Etats Dublin mettraient fin aux inégalités de traitement. Mais un tel processus, en cours au sein de l’UE, prendra du temps. «En attendant, la Suisse devrait modifier sa législation pour lui permettre d’accepter des requérants pour des raisons humanitaires, même si notre pays n’est, selon Dublin, pas responsable du traitement de la requête», propose Carlo Sommaruga, conseiller national socialiste genevois.

 

Par Martine CLERC

24 heures, le 14/06/2010