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Réaction sur le renvoi forcé en Afghanistan

Tollé à gauche après l'expulsion de trois Afghans


L'expulsion de trois clandestins afghans a déclenché mercredi l'indignation à gauche


Affirmant vouloir mettre fin à la "logique d'un trafic odieux", le ministre de l'Immigration Eric Besson a annoncé le renvoi chez eux de trois Afghans de Kaboul interpellés en situation irrégulière, assurant qu'ils n'étaient pas en danger.

Le député PS Julien Dray, notamment, a estimé que ces retours forcés étaient "indécents" et "inutiles".
Henri Emmanuelli, député des Landes, a jugé "honteux" ce renvoi  "parce qu'on sait très bien ce qui se passe en Afghanistan". "Je suppose que les  gens qui vont revenir là-bas ont de vrais risques. Donc je ne voudrais pas être dans la peau de M. Besson", a-t-il lancé.

Le PCF, qui exige l'arrêt des reconduites à la frontières et des "charters  de la honte", a aussi condamné l'action de "ce petit ministre qui fait ses  mauvais coups après minuit", par la voix de son porte-parole Olivier  Dartigolles.

Le gouvernement y a en revanche vu l'occasion de ressouder les rangs de la  droite agitée par plusieurs polémiques, en affichant sa fermeté dans le dossier de l'immigration. "Eric Besson met en oeuvre une politique d'immigration qui est à la fois  ferme et juste, qui applique les décisions de justice", a affirmé Luc Chatel,  ministre de l'Education et porte-parole du gouvernement

Trois Afghans expulsés
Trois Afghans ont été expulsés de France mardi soir dans un vol franco-britannique à destination de Kaboul

Le ministre Eric Besson l'a annoncé mercredi matin sur Europe 1, réfutant les informations selon lesquelles aucun vol n'avait embarqué des Afghans mardi soir.

Cette expulsion a été dénoncée par la gauche et les associations de défense des droits de l'homme.

 

Il s'agit d'un vol "qui a décollé à minuit cette nuit de Roissy et qui a à son bord trois Afghans, trois adultes de sexe masculin, et qui va les reconduire dans leur pays d'origine. C'est un avion spécialement affrété par les Britanniques", a précisé Eric Besson. L'avion, en provenance de Londres, a fait escale à Roissy pour embarquer les trois personnes "Il y aura d'autres vols", a-t-il assuré.

Ces trois ressortissants afghans, a précisé le ministre de l'Immigration, avaient été interpellés près de Vintimille, à la frontière franco-italienne, dans le square Villemin à Paris (Xe) et dans la "jungle" de Calais (Pas-de-Calais). Ils sont originaires de la région de Kaboul où il "n'y a pas de risque pour eux", a assuré le ministre. "Un fonctionnaire français se trouve à Kaboul" pour les accueillir et ils bénéficieront "d'un accompagnement individualisé", a affirmé le ministre qui a qualifié ce retour forcé de "signal".

Le ministère avait pourtant donné des garanties


Associations et partis de gauche s'étaient mobilisés mardi contre l'organisation programmée d'un charter pour Kaboul. Une source policière avait indiqué que 16 Afghans faisant l'objet d'une reconduite à la frontière devaient être embarqués à Roissy. Par la suite, Etienne Pinte, député UMP des Yvelines, avait reçu l'assurance du ministère de l'Immigration qu'il n'y aurait pas de retours forcés d'immigrés illégaux afghans vers Kaboul mardi soir.

Etienne Pinte a expliqué mercredi avoir l'impression d'avoir été "mené en bateau" par Eric Besson qui lui avait assuré mardi qu'il n'y aurait pas de retours forcés d'immigrés illégaux afghans vers Kaboul. "J'ai l'impression d'avoir été mené en bateau par M. Besson et je ne vous cache pas que je suis très choqué. Mardi matin, il avait démenti tout départ d'un charter dans la journée et il ajoutait que pour les vols vers l'Afghanistan, aucune date n'était arrêtée. Donc, soit il nous a raconté des histoires, soit il a changé d'avis entre le matin et la nuit, ce qui n'est pas convenable."

Depuis lundi soir, des associations de défense des droits des étrangers alertaient sur le fait qu'un vol groupé franco-britannique était programmé mardi soir pour reconduire à la frontière des ressortissants afghans illégaux. Interrogé par l'AFP, le ministre de l'Immigration s'était refusé à tout commentaire. De même à Londres, les autorités britanniques ont refusé de confirmer ou d'infirmer l'organisation d'un tel vol groupé.

Une centaine de personnes ont manifesté mardi soir devant l'aéroport de Lesquin près de Lille, pour protester contre le principe de "charters de la honte" à destination de l'Afghanistan. Selon certaines sources, un éventuel vol franco-britannique aurait pu faire escale à Lille-Lesquin avant de faire une nouvelle escale à Roissy.

Au lendemain du démantèlement de la "jungle" de Calais, le 22 septembre dernier, le président Sarkozy avait annoncé l'organisation de retours forcés en Afghanistan en coopération avec le Royaume-Uni, conformément à un accord franco-britannique en date du 6 juillet 2009. Eric Besson a affirmé à plusieurs reprises qu'il y aurait de tels vols si "un certain nombre de conditions sont remplies", notamment si les migrants renvoyés de force étaient sûrs d'être "en sécurité en arrivant à Kaboul".

Réactions


- Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés PS, a estimé mercredi sur i-Télé que le ministre de l'Immigration Eric Besson (ex-PS) avait "choisi la rupture sarkozienne, c'est-à-dire la brutalité" en renvoyant par avion trois ressortissants afghans. "On renvoie des gens chez eux qui ont fui à cause de la guerre, c'est quelque chose que je ne comprends pas, que je trouve profondément choquant."

- Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, a jugé mercredi "terriblement scandaleux" l'expulsion des trois Afghans mardi soir, et s'en est à Eric Besson, "ce petit ministre qui fait ses mauvais coups après minuit".

- Nadine Morano, secrétaire d'Etat UMP à la Famille, a justifié mercredi le renvoi dans leur pays de troisAfghans en situation irrégulière estimant qu'Eric Besson ne fait qu'"appliquer la loi" et que la France ne peut accueillir "toutes les personnes" venant de pays en guerre.

- Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, qui avait jugé mardi "inacceptable" l'idée de ce charter d'immigrés afghans, avait indiqué qu'elle envisageait de se rendre elle-même à Lille-Lesquin pour empêcher son départ. "C'est absolument hallucinant que la terre des droits de l'Homme et la terre d'accueil renvoient dans la gueule du loup des hommes et des femmes qui fuient ceux que l'on combat par ailleurs sur leur territoire", a déclaré Martine Aubry, qui a réitéré cette critique mercredi matin sur France 2.

- La députée UMP Françoise Hostalier, élue du Nord, avait demandé "instamment", mardi, au ministre de l'Immigration Eric Besson de "renoncer" au projet de renvoi de réfugiés afghans par charter. L'élue du Nord demande, avant toute procédure de retour en Afghanistan, "qu'il soit vérifié, avec les autorités afghanes en France et notamment l'ambassade d'Afghanistan à Paris, que les réfugiés sont volontaires pour ce retour et qu'ils ont renoncé à leur demande de droit d'asile en France".

Colère des associations


- Du côté de la Cimade, Damien Nantes a accusé mercredi les autorités françaises de "mise en danger délibérée" des personnes. "On a alerté sur la situation car on savait qu'il y avait une farouche volonté du gouvernement d'expulser ces personnes", a-t-il déclaré. Il a ajouté qu'un quatrième ressortissant afghan avait refusé d'embarquer sur le vol Londres-Paris-Kaboul. "Il a refusé d'embarquer en se blessant, car il avait en cours une procédure de référé-liberté dans un tribunal administratif de la région parisienne". Le cas de ce ressortissant devait être examiné dans l'après-midi. La Cimade a eu connaissance de cet épisode lorsque le jeune Afghan a été ramené, blessé, dans le centre de rétention.

- France terre d'asile a estimé que l'expulsion des trois Afghans était "le symbole d'une France qui renonce à ses valeurs". Une quarantaine d'associations de défense des droits des étrangers ont appelé "instamment" les autorités françaises et britanniques à renoncer à l'organisation du "charter" à destination de l'Afghanistan ainsi qu'à "tout projet d'expulsion" vers ce pays. "L'Afghanistan est un pays en guerre, ont-elles à leur tour plaidé dans un  texte commun. Il est inacceptable d'y renvoyer ceux qui s'en sont enfuis à la recherche d'une protection en Europe." Le PCF, le Parti de Gauche et les Verts sont parmi les signataires.

La Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg avait été saisie en urgence par 12 Afghans "devant être placés à court terme sur des vols au départ de la France".
 

France 2, le 22 octobre 2009


À droite comme à gauche, haro sur le Charter

Martine Aubry, secrétaire nationale du PS :


« Ce sont vraiment des charters de la honte. Nous sommes actuellement en Afghanistan pour lutter contre les talibans et des hommes qui fuient les talibans, eh bien, on les renvoie, si je puis dire, dans la gueule du loup. J’ai entendu le ministre de l’Immigration oser dire qu’il n’avait pas de crainte pour eux là-bas… Ce n’est pas digne de la France de faire cela. »


Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF :


« Le retour de trois Afghans dans leur pays aujourd’hui est terriblement scandaleux (…) C’est petit pour un ministre de faire ses mauvais coups après minuit ! Le ministre de l’Immigration a choisi d’expulser violemment trois Afghans, comme on fait un sale coup, à l’abri de tous les regards… Toutes les reconduites à la frontière et les charters de la honte doivent être stoppés. Il est urgent de rendre son sens au droit d’asile en Europe. »


Bertrand Delanoë, maire (PS) de Paris :


« Avec France Terre d’Asile, je demande la suspension temporaire des renvois forcés vers l’Afghanistan… Je rappelle que le problème principal est celui de l’errance de nombreux Afghans sans statut ni droits et interpelle l’État pour que les demandes d’asile des Afghans présents à Paris soient traitées avec effi cacité et dignité. »


Étienne Pinte, député UMP :


« J’ai l’impression d’avoir été mené en bateau par monsieur Besson et je ne vous cache pas que je suis très choqué… Alors aujourd’hui, il joue sur les mots. Ils ne sont que trois, donc ce n’est pas un charter. Mais, à partir de combien de personnes peut-on parler de charter ? C’est de la sémantique. Le problème de fond est : doit-on renvoyer des Afghans dans un pays en guerre ? Moi, je pense que non. »


L’Humanité, le 26 octobre 2009