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Suppression des visas pour les ressortissants de l'ex-Yougoslavie

Les Albanais rêvent toujours d'Occident

La suppression des visas pour les ressortissants serbes, monténégrins et macédoniens qui veulent se rendre dans l'Union européenne s'est traduite par une explosion des demandes d'asile. Les plus concernés sont les minorités albanaises, notamment en Macédoine. La presse locale se penche sur les raisons de cet exode.


La suppression des visas pour les ressortissants de l'ex-Yougoslavie, le 19 décembre 2009, s'est traduite par une explosion des demandes d'asile de ressortissants serbes, monténégrins et macédoniens dans l'Union européenne.

Selon le quotidien macédonien Dnevnik, rien qu'en Belgique, 349 demandes ont déjà été déposées depuis le 1er janvier 2010 par des ressortissants macédoniens, contre 201 en 2009 et 112 en 2008. La tendance est la même pour les ressortissants serbes, avec 287 demandes d'asile en Belgique pour les deux premiers mois de 2010, contre 514 demandes déposées en 2009. "Dans les deux cas, les demandeurs sont essentiellement d'origine albanaise", poursuit ce journal en langue macédonienne.

Cette tendance est particulièrement forte dans la minorité albanaise de Macédoine (qui représente plus de 25 % de la population), rapportent plusieurs médias albanophones de la région. La région de Kumanovo et de Lipkovo (frontalière avec le Kosovo) serait ainsi en passe de se vider de ses habitants, qui ont commencé à émigrer en masse vers les pays de l'Union européenne et "plus particulièrement la Belgique", écrit le quotidien kosovar Koha Ditore. Ces départs ont fini par alarmer Bruxelles : désormais la Macédoine risque de voir annuler la mesure de suppression des visas, poursuit le journal.

Cet exode a "privé Kumanovo de ses ouvriers du bâtiment", titre un autre quotidien kosovar, Lajm, qui relate que plusieurs entreprises de bâtiment sont obligées de mettre la clé sous la porte, leurs ouvriers ayant préféré émigrer en Belgique, au Danemark ou en Suisse. "J'avais seize ouvriers, il ne m'en reste plus que quatre, dont trois qui voudraient bien partir, mais ils n'ont pas de passeport", confie un patron dont l'ouvrier le plus fidèle reste son père, âgé de 63 ans. Des centaines de familles ont ainsi vendu leurs biens et acheté des billets sans retour pour l'Europe, poursuit le journal.

Les autorités accusent des agences touristiques locales de faire miroiter aux candidats à l'émigration des possibilités de travail et de séjour dans les pays de l'Union européenne, notamment par le biais de la demande d'asile. Le tout contre espèces sonnantes et trébuchantes et, parfois, avec la complicité de la police locale, rapporte le réseau d'information Balkan Investigative Reporting Report (BIRN), animé par des journalistes originaires de la région. Selon BIRN, une enquête conjointe des ministres de l'Intérieur serbe et macédonien a révélé que des policiers locaux étaient prêts à faciliter la délivrance de passeports contre une rémunération allant de 500 à 1 000 euros.

Les raisons invoquées par les candidats à l'émigration sont en grande partie économiques, ils se plaignent du manque d'emplois et d'un certain enclavement de leur région. "Pour eux, la vie est ailleurs", estime le quotidien Dnevnik. Certains se considèrent comme les laissés-pour-compte de la politique économique du gouvernement de Skopje à cause de leur appartenance ethnique. Des leaders de la communauté albanaise mettent aussi en cause la "politique du compromis" menée par l'Union démocratique pour l'intégration, le parti albanais dans la coalition au gouvernement, qui n'aurait pas tenu ses promesses électorales. "Le gouvernement fera de son mieux pour améliorer les investissements, surtout dans les communes où l'exode est important", a affirmé, le 1er mars, le Premier ministre macédonien, Nikola Gruevski, cité par Lajm.

En 2001, un bref mais violent conflit avait opposé les deux communautés, provoquant l'intervention de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis, pour éviter une escalade régionale. Depuis, les accords d'Ohrid assurent une représentativité des membres de la communauté albanaise dans les instances du gouvernement et une grande autonomie locale. Les relations entre les deux communautés ne sont pas pour autant apaisées et des tensions, alimentées à la fois par les nationalistes macédoniens et les tenants de la "Grande Albanie", resurgissent régulièrement.

Par Alexandre LEVY (avec Mandi GUEGUEN)

Le Courrier international, le 10/03/2010