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2016: derrière Calais, une année test pour l'accueil des migrants

Publié le : 21/12/2016

 l express

 

Paris - L'année 2016 restera, face à la crise migratoire, celle de la "Jungle" de Calais. Mais au-delà du spectaculaire démantèlement, la question de l'accueil s'est posée partout en France, parfois à marche forcée.

 

"On garde de cette année un sentiment ambigu, d'urgence permanente, d'avoir couru, recollé les morceaux, mais finalement évité une grosse catastrophe en empêchant que perdurent trop longtemps des situations indignes", estime Pierre Henry de France Terre d'asile.  

Avec près de 100.000 demandeurs d'asile attendus, la France reste sur des flux modérés, très en dessous de l'Allemagne. Parmi eux quelque 5.000 Syriens, souvent réinstallés directement depuis des camps de réfugiés. Mais l'actualité s'est surtout focalisée sur les Afghans, Soudanais ou Erythréens entassés dans les bidonvilles insalubres.

Emblématique de ces campements avec ses tentes et commerces, ses tensions et son engagement associatif foisonnant, la "Jungle" de Calais a été démantelée en octobre, lors d'une opération-éclair débouchant sur la prise en charge de plus de 7.000 personnes.

Les migrants ont été envoyés dans des centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour les inciter à demander l'asile, avec le renfort de déplacements de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Ces structures nouvelles ont un coût: 69 millions d'euros en 2016.

"On a enfin eu une réponse de l'Etat face aux scandales des bidonvilles qui ne soit pas le déni ou la répression", note Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, qui s'inquiète toutefois du sort des migrants en CAO -- dont beaucoup ont laissé leurs empreintes dans un autre pays européen -- et du raidissement des autorités à la frontière italienne, point de transit migratoire.

 

- Centre humanitaire à Paris -

Car vider Calais ne règle pas tout, notamment pour les mineurs: sur les 1.900 pris en charge après le démantèlement, seuls 500 ont pu gagner la Grande-Bretagne mi-décembre. Face à une porte britannique bientôt close, les autres retourneront-ils à Calais ou à Paris, au risque de recréer des bidonvilles'

2016 a en effet connu un emballement du phénomène des campements dans la capitale, démantelés et reconstitués aussitôt, dans des conditions déplorables (pour la première fois, des cas de tuberculose ont été signalés en juin). Jusqu'à atteindre des proportions gigantesques : le dernier, en novembre, comptait 3.800 personnes.

Au total, près de 22.000 personnes ont été prises en charge lors d'une trentaine d'évacuations depuis juin 2015.

Mais l'année a aussi vu des paris innovants: ouverture d'un camp de réfugiés par le maire écologiste à Grande-Synthe (Nord) en mars ou lancement, en novembre, d'un "centre de pré-accueil" à Paris pour candidats à l'asile.

Initié par la ville, cofinancé par un Etat au départ réticent, ce centre humanitaire modèle de 400 places n'a toutefois pas empêché la constitution d'un bidonville non loin, à Saint-Denis.

Par son rôle de "sas" avant l'orientation en province, ce centre (tout comme le démantèlement de Calais) voulait aussi lancer une dynamique de solidarité nationale.

 

- Hostilité et mobilisation -

Mais dans les régions, l'accueil des migrants a connu des fortunes diverses, avec des manifestations hostiles comme à Pierrefeu-du-Var, Allex (Drôme) ou Montpellier (Hérault), souvent soutenues par le Front national.

L'hostilité confine parfois à la violence: à Arzon (Morbihan), une manifestation dégénère en attaque du centre pour mineurs, à Saint-Hilaire-du-Rosier (Isère) et Saint-Brévin (Loire-Atlantique) des coups des feu sont tirés contre des locaux, tandis que des bâtiments à Forges-les-Bains (Essonne) et Loubeyrat (Puy-de-Dôme) sont endommagés par des incendies.

Dans un contexte post-attentats et à l'approche des élections, le sujet est exploité par une partie de la droite, qui agite le spectre de "mini-Jungle" dans toute la France. L'immigration dans son ensemble revient dans le débat, avec des appels à réduire le droit du sol ou le regroupement familial.

Cette hostilité ne doit pas éclipser la "très importante mobilisation citoyenne", rappelle toutefois Geneviève Jacques: contre-manifestations, intervention des bénévoles et associations... jusqu'à l'accueil de réfugiés chez les particuliers.

Et si Calais a focalisé l'attention "l'année n'a sinon pas été exceptionnelle", rappelle Jean-Christophe Dumont de l'OCDE, avec un peu plus de 200.000 titres de séjour délivrés.

L'Express, 18/12/2016