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Après sept mois de discussion parlementaire, la loi sur le droit d’asile est adoptée


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File d'attente de demandeurs d'asile devant les bureaux de l'OFPRA à Val de Fontenay en 2015.

C’est la fin d’une saga. Un an après sa présentation en conseil des ministres, sept mois après la première discussion à l’Assemblée, la loi sur l’asile a été adoptée, mercredi 15 juillet. Sa promulgation devrait suivre rapidement, afin de mettre la France en conformité avec les directives européennes, et de rénover en profondeur une procédure qui dysfonctionne alors même qu’elle est de plus en plus sollicitée. Aux 64 811 demandes déposées directement en France viendront en effet s’ajouter, en 2015 et 2016, les dossiers des 9 100 réfugiés débarqués sur les côtes grecques et italiennes que la France accepte d’étudier par solidarité avec les pays du Sud.

L’objectif majeur du nouveau texte est de réduire la durée de traitement des dossiers qui ne devra plus excéder neuf mois, alors que deux années sont aujourd’hui nécessaires à un demandeur pour savoir si la France le reconnaît comme réfugié. Aux yeux du législateur, cette accélération devrait avoir de multiples vertus. D’abord permettre d’améliorer le taux d’hébergement des demandeurs dans les structures spécifiques où ils peuvent être accompagnés, en créant de la fluidité. Pour optimiser la répartition sur le territoire en désengorgeant la région parisienne, qui compte 55 % des demandeurs, la loi instaure un hébergement directif.

Sandrine Mazetier, la rapporteure à l’Assemblée, estime que son texte est une avancée majeure en faveur des futurs réfugiés. « Les personnes qui recherchent une protection n’auront plus à attendre d’avoir une domiciliation pour déposer leur demande. Ce qui leur fera gagner un temps fou, se réjouit-elle, ajoutant que la vulnérabilité sera mieux prise en compte, le logement assuré dans des centres dédiés et l’audition devant l’Ofpra [Office français pour les réfugiés et les apatrides], faite aux côtés d’un avocat ou membre d’une association. »


Persistance de zones d’ombre

Pourtant, l’adoption de ce texte ne s’est pas faite sans heurts. Pour gagner du temps et réduire le débat, le texte a été étudié en procédure d’urgence. Stratégie qui a échoué puisque le projet a dû faire l’objet de deux examens successifs, faute d’accord entre les deux Chambres à l’issue de la première.

Dès le départ, la dissociation des deux projets de loi gouvernementaux sur le droit d’asile et sur le droit au séjour – qui arrive à l’Assemblée le 20 juillet –, a agacé le camp des Républicains qui souhaitait traiter du renvoi des déboutés de l’asile dans la discussion sur les réfugiés. Au Sénat où elle est majoritaire, la droite a donc réorienté le débat en inscrivant dans la loi asile le renvoi automatique dans leur pays de ceux qui n’obtiendraient pas le statut de réfugié. Un amendement qui manquait d’assise juridique qui a été gommée à l’Assemblée. La divulgation le 12 avril d’un rapport d’observations provisoires de la Cour des comptes, mettant en exergue que seuls 1 % des déboutés étaient « éloignés », a déplacé la discussion de l’amélioration de l’accueil des réfugiés à la gestion des flux migratoires. D’autant que ce sujet entrait en résonance avec les naufrages en Méditerranée du printemps et la sortie des bilans 2014 affichant une augmentation de 38 % du nombre de demandes d’asile en Europe en 2014.

Si certaines associations sont assez d’accord sur le fait qu’« on va protéger mieux en protégeant plus vite », comme le résume Sandrine Mazetier, elles notent aussi la persistance de certaines zones d’ombre. Spécialiste du sujet pour la Cimade, Gérard Sadik reconnaît ce pas en avant en s’inquiétant tout de même de l’usage qui sera fait pour certains demandeurs d’une procédure accélérée, ne faisant appel qu’à un seul juge devant la Cour nationale du droit d’asile. « De la procédure accélérée à la procédure expédiée, il peut n’y avoir qu’un pas », craint aussi Eve Shahshahani de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Deux autres points montrent la limite de l’approche gouvernementale de l’asile. D’abord, les déboutés de l’asile qui ne peuvent être renvoyés dans leur pays et pour qui la nouvelle loi ne change en rien. Elle les condamne à vivre sans papiers. Et puis reste le cas de ceux qui sont renvoyés dans un pays qu’ils n’ont pas choisi au nom des accords européens (accords de Dublin). La loi française ne remet pas en cause ce non-sens qui veut que parce qu’un réfugié est entré en Europe par la Grèce ou l’Italie, c’est là qu’il doive demander asile. Mais le sujet pourrait revenir dans le débat sous d’autres formes.

En attendant, comme le note Pierre Henry, de France terre d’asile, « le véritable juge de paix résidera dans la capacité de cette loi à répondre aux défis posés par les nouvelles arrivées depuis la Méditerranée ». Réponse rapidement, donc…


Quelles prestations la France accorde-t-elle aux demandeurs d’asile ?

Dans sa charge contre la politique d’asile française, Marine Le Pen a dénoncé le fait que les demandeurs d’asile soient « intégralement pris en charge par l’État » et qu’ils bénéficient de « droits exorbitants » ? Voici la réalité de ce qu’ils perçoivent.

    Une allocation pendant la durée de la procédure

340,5 € - Les demandeurs d’asile reçoivent pendant l’instruction de leur demande une allocation temporaire d’attente (ATA), versée par Pôle emploi, de 11,35 euros par jour, soit 340,50 euros par mois en moyenne. Cette allocation est remplacée par l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) une fois que le demandeur rentre dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile : comprise entre 91 et 718 euros par mois, cette allocation dépend de la situation du demandeur, de sa composition familiale et de ses ressources.

    Un accès au système de santé

Les demandeurs bénéficient aussi d’un accès privilégié à la couverture maladie universelle (CMU), de base et complémentaire, des dispositifs qui permettent aux plus défavorisés d’accéder à la sécurité sociale. Contrairement aux autres bénéficiaires, français ou étrangers, ils ne sont pas tenus de justifier une résidence stable en France de trois mois pour s’y enregistrer. En revanche, il doit justifier d’avoir perçu des revenus inférieurs à 9 534 euros l’année précédente.

Ces systèmes ouvrent le droit à un remboursement des dépenses de santé par l’assurance maladie française, et dispensent les demandeurs d’asile de l’avance des frais. La CMU complémentaire donne également le droit à des réductions sur la facture de gaz, d’électricité ou de transport.

Quand, pour une raison ou un autre, les demandeurs d’asile ne peuvent être affiliés à la sécurité sociale et bénéficier de la CMU (et quand ils plongent dans la clandestinité après avoir été déboutés), ils peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État (AME), qui prend en charge « à 100 % les soins médicaux et d’hospitalisation en cas de maladie ou de maternité dans la limite des tarifs de la sécurité sociale, sans avoir à avancer les frais ». L’AME bénéficie généralement aux sans papiers qui peuvent justifier d’au moins trois mois de résidence en France.

    La possibilité de travailler

Les demandeurs d’asile doivent attendre un an pour pouvoir solliciter une autorisation provisoire de travail afin d’occuper légalement un emploi en France. Ce document, qui doit être renouvelé au minimum tous les six mois, est délivré par la préfecture sur certains critères : le demandeur d’asile doit disposer d’une promesse d’embauche ou d’un contrat de travail, et le préfet peut la refuser si la situation de l’emploi dans la profession et la région concernées est trop tendue. Bien entendu, leur travail devient illégal quand ils deviennent sans-papiers.

    La scolarisation des enfants

Enfin, les enfants de demandeurs d’asile peuvent être scolarisés dès l’âge de 3 ans, à condition que l’école maternelle donne son accord. De 6 à 16 ans, en revanche, l’instruction est obligatoire, comme pour tous les enfants français et étrangers vivant en France.


Maryline Baumard, Le Monde, le 16/07/2015