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Intégration : entretien avec Pierre Henry

Publié le : 12/02/2014

JDD


INTERVIEW - Mardi, le gouvernement a présenté sa "feuille de route" sur l'intégration. Un texte a minima. Joint par le JDD.fr, le directeur général de France terre d’asile, Pierre Henry, se dit "effaré" face à "cette stratégie du perdant-perdant".

 


Que pensez-vous de la politique d'égalité républicaine et d'intégration du gouvernement présentée mardi par Jean-Marc Ayrault?

Je ne comprends pas cette stratégie qui consiste à sortir une "feuille de route" dont l'ambition, l'espoir et le souffle se résume à un timbre-poste. C'est une stratégie du perdant-perdant. Je ne parviens pas à comprendre la raison pour laquelle cette feuille de route a été présentée un mois avant les élections municipales. Si ce n'était pas le bon moment, il ne fallait pas le faire. Je ne comprends pas très bien ce qu'on y gagne : retirer toute une série de mesures, avoir une feuille de route sans aucune ambition, n'empêchera pas les conservateurs de trouver que cela va toujours trop loin.


Qu'attendiez-vous de cette feuille de route?

Après deux ans de travail, j'attendais au minimum la création d'une autorité indépendante génératrice de la garantie de l'égalité. J'attendais que l'on offre des perspectives à la jeunesse de France. L'office franco-maghrébin me paraissait être une bonne chose. J'attendais que le texte offre la possibilité à la France de se regarder telle qu'elle est : digne, rassemblée, diverse. Toujours dans les valeurs de la République. Que l'égalité ne soit pas simplement un mot sur les frontons des mairies. Je ne suis pas déçu, je suis effaré devant cette stratégie. Je n'en comprends pas les objectifs. C'est un peu désolant que deux ans de travail se terminent de cette manière.


Le renforcement de l'apprentissage de l'arabe, du mandarin ou de l'hindi dans les écoles ne figure également pas dans le texte…

Je ne comprends pas. L'enseignement de ces langues ne pose aucun problème pour les rares jeunes qui ont accès aux lycées internationaux. Je ne vois pas très bien quel problème cela pourrait poser de renforcer leur enseignement sur le territoire français. C'est simplement une ouverture sur le monde. Rien d'autre. Et en aucune façon, céder à un quelconque communautarisme. C'est totalement aberrant.


La "feuille de route" compte mettre l'accent sur l'acquisition du français, notamment dans la délivrance des titres de séjour. Une bonne chose à vos yeux?

Cela ne pose aucun problème. Evidemment que quand vous êtes sur le territoire national, il vaut mieux parler la langue française pour pouvoir si repérer. Je ne connais personne qui veuille ne rien comprendre et être analphabète! C'est d'une simplicité enfantine. Il n'y a pas de polémique là-dessus.


Le député UMP Thierry Mariani s'est félicité mardi que "le pire (ait) été évité". Que lui répondez-vous?

Je renvoie simplement l'UMP à ses ambitions cachées. Jean-Pierre Raffarin est bien de l'UMP, non? En 2003, il avait eu l'audace de créer un service public de l'accueil, une autorité de lutte indépendante contre les discriminations, la cité nationale de l'histoire de l'immigration…


Finalement, l'actuel gouvernement de gauche ne va pas aussi loin qu'en 2003?

La comparaison se fait d'elle-même. Et je suis véritablement navré que dix ans après on soit toujours tétanisé sur ces questions de fond qui taraudent la société française. J'espère que cette stratégie du perdant-perdant ne débouchera pas sur des catastrophes futures. A toujours remettre sur l'ouvrage ce qui est nécessaire de faire, on risque un jour d'avoir de sérieuses déconvenues. Renoncer à prendre des mesures courageuses et simples n'est pas un bon signe envoyé aux classes populaires.

 


Anne-Charlotte Dusseaulx

 

leJDD.fr, mercredi 12 février 2014