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Parole à Laure Garancher et Audrey Mussat de The Ink Link

Publié le : 15/09/2023

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Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !

The Ink Link est une association qui permet aux institutions et organisations engagées pour des causes sociales, environnementales et humanitaires, de communiquer différemment grâce à la bande dessinée et au dessin. Dans ce cadre, l’association a reçu un financement du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer afin de créer un guide sur l'accompagnement psycho-social des personnes exilées à destination des intervenants sociaux. Pour réaliser ce projet, The Ink Link a collaboré avec le centre de ressources et d’appui aux professionnels Reloref de France terre d'asile. Cette collaboration a permis de mettre en relation The Ink Link avec des intervenants sociaux travaillant sur le terrain ainsi qu'avec des personnes accompagnées par les différentes structures d’accueil des demandeurs d'asile et des bénéficiaires de la protection internationale, pilotées par France terre d'asile. 

Laure Garancher est autrice de bandes dessinées et co-fondatrice de The Ink Link. Audrey Mussat, psychologue clinicienne, est également membre de l'association. 

Comment est née l'idée de créer The Ink Link et de rassembler des artistes et professionnels de la bande dessinée pour soutenir des causes sociales, environnementales et humanitaires ?

LG : L’idée est partie d’un projet de recherche en Amazonie. Je travaillais sur l’accès aux soins chez les populations autochtones et les gens étaient révoltés par ce qu’on leur proposait. Ils ne comprenaient pas les supports qu’ils voyaient, car ils étaient créés sans prendre en compte les particularités locales. Par exemple, il y avait une campagne sur la vaccination qui utilisait les super-héros alors qu’il n’y a pas de cinéma en Amazonie. On a donc décidé de créer un collectif avec des professionnels de la bande-dessinée (dessinateurs, éditeurs…) pour développer une nouvelle approche de communication dans le milieu de l'humanitaire et de l'environnement.

Pouvez-vous nous présenter, en quelques mots, le guide sur l'accompagnement psycho-social des personnes exilées à destination des intervenants sociaux ?

AM : Le guide est né d'un besoin ressenti chez les intervenants sociaux d'être plus outillés pour soutenir des personnes exilées en souffrance sociale et psychique.
Ayant travaillé dans des centres qui accompagnaient des personnes exilées, je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de difficultés autour de l'orientation chez le psychologue. Il n’est pas toujours évident de savoir quand et vers qui orienter, les listes d’attente sont très longues pour les centres spécialisés. De manière générale, il n’y a pas assez de professionnels de la santé mentale pour accompagner tous ceux qui pourraient en avoir besoin.

L'objectif de ce guide est de légitimer et de redonner toute sa place à l’écoute sociale des intervenants sociaux qui tend à disparaître par manque de temps. L’intervenant social prend par ce biais la fonction de « soutien communautaire » : il pallie l’absence de la communauté en guidant concrètement et symboliquement la personne exilée dans cette nouvelle société.

Nous avons adopté la méthodologie de la recherche-action afin de créer ce guide pour et avec les intervenants sociaux, en menant en amont et en aval des entretiens avec différents professionnels de CADA, HUDA, CPH, chantiers d’insertion, etc. Nombreux d’entre eux nous ont expliqué avoir accès à des formations en santé mentale très intéressantes mais très théoriques. Notre objectif a été de fournir, dans ce manuel, des outils très concrets : comment présenter la fonction du psychologue, comment réagir face à des propos inquiétants, voire à des idées suicidaires, etc.

Quels sont les avantages spécifiques de la bande dessinée en tant qu'outil pour traiter ces questions ?

LG : Plus que le dessin, c’est la narration qui est importante. C’est l’histoire qui va permettre de se souvenir des choses, de les lier entre elles. On suit donc la vie de quatre personnes exilées de différentes régions du monde et de deux travailleurs sociaux. On raconte l’histoire des personnages, ça les rend attachants et ça donne envie de lire le guide.
Le dessin, en complément du texte, permet de ressentir des émotions. Il y a aussi des métaphores originales. Par exemple, la théorie est présentée par des oiseaux, dont la chouette qui représente la sagesse, et les personnes en situation de migration sont des hirondelles car ce sont des oiseaux migrateurs.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées lors de la création de ce guide ?

LG : Les retours des personnes à qui on a montré le guide sont bons, l’enjeu est de réussir à ce que tout le monde l’ait entre les mains. Concernant la recherche-action, c’était intéressant d’aller au contact des gens. Il y a peut-être un côté frustrant de se rendre compte que la situation est aussi difficile et aussi généralisée, à la fois pour les personnes accompagnées et les intervenants sociaux. Il y a des gens qui ont eu un parcours très difficile mais comme le travail social n’est pas valorisé, les intervenants sociaux ne sont pas toujours formés pour les accompagner.

AM : Il y a une autre difficulté importante. Les intervenants sociaux sont complètement débordés… L’objectif du guide n’est pas de charger encore plus leurs journées, ou bien de les culpabiliser de ne pas prendre le temps d’écouter, mais plutôt de plaider pour redonner l’espace et le temps nécessaires à l’écoute sociale. Il faut dire aux institutions qu’il est essentiel de dégager du temps pour cela, qu’elles ont un rôle à jouer dans le mieux-être des personnes exilées.

Quelle est la suite pour ce guide ?

AM : Notre premier objectif est de le transformer en formations de quatre demi-journées et deux séances de supervision. L’idée est, à travers le jeu de rôle, de pratiquer ces techniques dans un cadre bienveillant. Puis, en supervision, de partager en groupe la façon dont chacun des intervenants met en pratique ces outils dans leur quotidien. La difficulté est d’obtenir le financement nécessaire pour ces formations, puisqu’on aimerait qu’elles soient gratuites, accessibles au plus grand nombre.

LG : Les prochaines étapes, c’est de mettre en place une formation de formateurs pour qu’il y ait des personnes formées dans toute la France, puis éventuellement de décliner le guide pour d’autres publics, ou d’en faire une nouvelle version élargie.

Retrouvez le guide sur le site de The Ink Link et sur le site de Reloref (création de compte libre et gratuite) !