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Non morcellement des politiques publiques

Publié le : 21/05/2013

Entretien avec Pierre Henry, Directeur général de France terre d'asile

Quelle est votre réaction à l'annonce par Manuel Valls d'organiser une consultation préalablement à une réforme sur le droit d'asile ? 

Cette réforme doit avoir une véritable ambition pour sortir d'un désordre de dix ans. Il faut une concertation pour redonner de l'efficacité aux politiques publiques, sortir du dogme de l'administration qui a préféré un traitement par l'urgence à un traitement pérenne. Nous exprimons 5 demandes préalables :

Une évaluation préalable et partagée de la situation

Un « choc de simplification » pour le droit d'asile avec un accès facilité aux démarches dans les préfectures. Il faudrait par exemple que le récépissé ne soit plus renouvelé tous les trois mois, mais qu'il soit valable pendant toute la durée d'instruction du dossier, nous gagnerions en simplicitéUne révision du processus de décision de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour l'octroi du statut. Il n'est pas normal que l'instance de recours - la Cour nationale du droit d'asile - octroie suite à des procédures de contestation plus de statuts que l'Ofpra qui est chargé de l'application de la convention de Genève.

Une réduction des délais de procédures

La défense du modèle français avec le maintien d'un hébergement et d'un accompagnement des demandeurs d'asile. Il suffit d'en avoir la volonté.
Il faut sortir de l'urgence et cesser d'envoyer des demandeurs d'asile dans des hôtels à la périphérie des villes alors que cela coûte cher à la collectivité. La seule réforme proposée en trois ans est la baisse de près de 10% des budgets pour les structures d'accueil pérennes par Bercy. Le gouvernement précédent a baissé les standards d'accompagnements et supprimé des emplois ! Il faut rompre avec cette logique absurde .

Pour cela, il faut plus qu'une consultation, mais une concertation avec les associations et les élus pour trouver la voie d'une réforme qui tienne plus que le temps d'une déclaration dans un journal.

Que pensez-vous du régime d'asile européen commun ?

Le régime d'asile européen commun a été créé en 1999 au sommet européen de Tampere. Il fait toujours partie des déclarations cycliques des dirigeants européens. Mais que voulez-vous qu'il y ait de commun entre la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne ou l'Allemagne ? Les demandeurs d'asile n'y sont pas traités de la même manière. Ensuite les états membres s'opposent à la commission et au parlement européen en abordant le sujet par le plus petit dénominateur commun. Les différentes directives « procédures », « accueil », « qualification » ont donc mis beaucoup de temps à être adoptées.
Enfin, chacun s'accorde pour trouver le règlement de Dublin inopérant. Dublin c'est la politique de la patate chaude et de Kafka réunis, tous les responsables politiques le savent !

Est-ce que la réforme concernera les mineurs isolés étrangers (MIE) ?

Non, mais il y aura, dans les prochains jours, une circulaire signée après accord de l'Assemblée des départements de France et du ministère de la Justice : les cinq premiers jours, les MIE seront pris en charge par l'Etat pour l'évaluation, puis ils seront répartis sur le territoire. Nous avons fait état de nos remarques, je serai vigilant sur l'évaluation nécessaire de cette circulaire après six mois ou un an de mise en œuvre !

Quel devrait être le rôle des collectivités territoriales ?

Le traitement social des populations en difficulté notamment étrangères doit demeurer une compétence d'Etat. Il est facile en période de crise de renvoyer ces questions aux collectivités territoriales. Mais du coup elles deviennent des variables d'ajustement. Les collectivités vont souvent avoir un discours très simple en invoquant non sans raison d'autres priorités et dépenses sociales. Je suis favorable à une nouvelle étape de décentralisation mais pas à un morcellement des politiques publiques en fonction des territoires.

La Gazette Santé Social, le 14/07/2013