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Episode n°3 - Le délit de solidarité

Publié le : 25/07/2012

Le quinquennat de N. Sarkozy en 12 épisodes par France terre d'asile: que vous soyez au bord de la mer, à la montagne ou à Paris-plage, revisitez les moments forts du quinquenat de Nicolas Sarkozy racontés par France terre d'asile en 12 épisodes. Au programme d'aujourd'hui: le délit de solidarité...

Le délit de solidarité


La solidarité serait-elle devenue un délit le lundi 19 novembre 2007 au petit matin ?

La question mérite d’être posée au vu des évènements qui se sont déroulés ce jour-là.  Au petit matin deux travailleuses sociales de France terre d’asile sont interpellées à  leur domicile sur ordre du Procureur de Boulogne-sur-Mer. Elles seront relâchées à 300 kilomètres de leur domicile après avoir passé la journée en garde-à-vue.

Leur délit : avoir communiqué leur numéro de téléphone à des jeunes étrangers en errance dans le cadre de leur travail social.  Le procureur a en effet jugé que cette action relevait du délit « d’aide au séjour irrégulier en bande organisé ». En d’autres termes, faire du « social » auprès des étrangers en situation irrégulière les aiderait à se maintenir sur le territoire et serait donc pénalement répréhensible !

Comment en est-on arrivé là ? En déterrant une loi vieille de plus d’un demi-siècle, très peu utilisée jusque-là. Mal conçue, elle ne protège pas suffisamment  les bénévoles et les travailleurs sociaux du risque d’être assimilés à des réseaux criminels de passeurs.

C’est ainsi qu’en utilisant cette loi contre deux travailleuses sociales de notre association naquit le Délit de Solidarité sous le mandat de Nicolas Sarkozy.

La pénalisation du travail social n’est pas acceptable

[…] Le parquet de Boulogne-sur-Mer a décidé, le lundi 19 novembre 2007, d’interpeller, au petit matin à Paris, deux de nos intervenantes sociales. Comme dans les fictions, pour juguler le crime, il fallait bien une arrestation à domicile, une perquisition et un transfert menotté vers Calais. [...]

 Nos deux salariées ont été libérées après plus de 12 heures de garde à vue pour l’une, 24h pour l’autre, à 300 km de leur domicile un jour de grève. […]

La pénalisation du travail social n’est pas acceptable. […] Les travailleurs sociaux ne sont pas des citoyens au-dessus des lois. Mais ils ne peuvent pas accepter que leur activité professionnelle soit criminalisée et traitée comme telle. […] Travailler avec les pauvres et les marginaux est aujourd’hui dangereux, surtout s’ils sont étrangers.

                                                                                 cp/ France terre d’asile, le 22 novembre, 2007

Onze jours après ces événements, France terre d’asile lance une pétition contre la pénalisation du travail social. Elle rencontrera rapidement un fort soutien de l’opinion publique.

etre-poursuivis-pour-delit-de-solidarite                                                                                                © Ouest-France 

Mobilisation contre la pénalisation du travail social, plus de mille signatures en quelques heures

 

France terre d’asile, avec le soutien des organisations fédérant les plus importants employeurs de travailleurs sociaux, des organisations syndicales, des organisations de défense des droits de l’homme ainsi que de nombreux parlementaires, vient de lancer une pétition contre la pénalisation du travail social, qui a recueilli en quelques heures plus d’un millier de signatures. […]

Rappelons que, dans une décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a jugé que « le délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers ». Cette notion doit bien évidemment s’appliquer à l’ensemble des organismes sociaux et à leurs employés.

                                                                                     cp/ France terre d’asile, le 30 novembre, 2007

En 2009, la polémique reprend. Le 17 février,  une opération policière est menée dans la communauté Emmaüs de Marseille Pointe-Rouge, de manière à recenser la présence d’éventuels « compagnons des migrants ». Cette perquisition, sur décision du parquet de Marseille, a abouti à l’arrestation de Kamel, un responsable de la communauté, placé en garde à vue pendant plus de six heures.

A peine un mois plus tard, le 18 mars, une bénévole des Restos du cœur et de l’association Terre d’enfance est interpellée tôt le matin à son domicile pour « flagrant délit d’aide aux personnes en situation irrégulière ». Son crime ? Elle organisait des dons de vêtements et de nourriture pour les migrants autour de Calais qui espèrent pouvoir passer en Angleterre. Elle rechargeait également leurs portables. 

Quatre personnes ont ainsi été interpellées pour « délit de solidarité », dont trois au petit matin à leur domicile et une sur son lieu de travail. Toutes quatre ont été arrêtées et placées de longues heures en garde à vue avant d’être finalement relâchées, pour avoir commis de simples actes d’entraide qui font, pour trois d’entre elles, partie de leur travail dans le milieu social. 

Suite à cela, de nombreuses associations se réunissent pour écrire un communiqué le 25 mars, appelant à une manifestation générale le 8 avril 2009 dans toute la France : «  Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit. »

France terre d’asile participe à cette manifestation et demande au Ministre, Eric Besson, la modification de la loi en cause.

Délit de solidarité : il est facile de sortir de cette polémique stérile !

Notre objectif est d’appuyer toutes les initiatives en faveur d’une modification de cette loi.

Le ministre dit que peu de personnes ont été condamnées au titre de ce fameux article. Il a raison ! Mais, ce qu’il omet de signaler, c’est le climat d’intimidation qui permet, sur décision de justice, d’intimider et de mettre en garde à vue pour de simples faits de solidarité (donner à manger, charger un téléphone ou tout simplement effectuer un travail à caractère social […]), et cela concerne des dizaines de personnes.

Un peu de bon sens permettrait de clore la polémique et de dépasser les postures.

                                                                                                cp/ France terre d’asile, le 8 avril, 2009


Par ailleurs, une proposition pour une modification de cette loi est proposée à l’Assemblée nationale le 31 mars 2009. Elle sera cependant refusée à la fin du mois d’avril.

Proposition de loi visant à supprimer le « délit de solidarité »

Il est temps de changer une loi inhumaine dans son application sur le terrain, qui permet, sous l’incrimination d’aide au séjour irrégulier, de confondre des gestes de solidarité avec la vénalité des réseaux de passeurs. […]
Ouvrir la loi ne doit pas signifier fermer les yeux sur la réalité : autour des migrants rôdent souvent des réseaux, des passeurs qui exploitent la détresse de ces personnes.[…]

                                                                               Présenté à l’Assemblée Nationale le 18 mars 2009

En juillet de la même année, M. Besson présente finalement de nouvelles propositions de modifications de la loi sur le     « délit de solidarité ».

caricature-delit-de-solidarit                                                                                        © Berth - www.berth.fr

Interrogé par le nouvel Observateur, Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile, salue « l’initiative » car "reconnaître qu'il y a un flou législatif, c'est déjà une avancée". Il considère néanmoins que «  le vrai problème reste l'article L622-1. La marge de manœuvre d'Eric Besson est limitée car il ne peut pas (ou ne veut pas) retourner devant l'Assemblée pour modifier l'article L622-1 qui crée le délit de solidarité ».

Pour retrouver l'épisode précedent, cliquez ici