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L'État veut créer 12 000 places d'hébergement pour désengorger la «jungle» de Calais

Publié le : 13/09/2016

liberation

Le gouvernement compte créer des places d'hébergement partout en France d'ici à la fin de l'année. Les premières répartitions pourraient débuter à la mi-octobre. Les élus locaux n'ont pour l'instant pas été consultés.

903858 vue aerienne de la jungle le 16 aout 2016 a calaisVue aérienne de la "jungle", le camp de migrants de Calais, le 16 août 2016 Photo PHILIPPE HUGUEN. AFP

Le plus grand bidonville de France pourrait être massivement désengorgé avant la fin de l'année 2016. C'est ce qu'affirme Le Figaro, qui s'est procuré un document daté du 1er septembre et envoyé aux préfets par le ministère de l'Intérieur. Dans son édition du mardi 13 septembre, le quotidien révèle que le gouvernement va inviter les préfets à créer 12 000 places d’hébergement partout en France pour démanteler le plus grand camp de migrants du pays. « Afin d’accueillir les migrants de Calais et de la plaque parisienne, le schéma de mobilisation de places d’hébergement sur l’ensemble du territoire a été validé » indique le document, qui précise que la répartition dépendra du « critère démographique pondéré par les efforts faits par chaque région ».

Cet hébergement se fera dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO), des structures transitoires où les migrants pourront profiter de conditions plus dignes que celles de la jungle de Calais. Dans ces centres, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pourra poursuivre son travail d’information auprès des migrants afin de continuer à les accompagner et les aider à faire des choix sur leur futur. Contacté par Libération, le président de l’OFII, Didier Leschi, explique que « cette opération est tout simplement la continuité de ce qui est fait depuis des mois pour désengorger Calais. » En visite début septembre dans la ville portuaire, le ministre de l’Intérieur avait promis que la jungle de Calais serait démantelée le plus rapidement possible.


Pas de centre d’accueil en Corse

Ainsi, le plan du gouvernement prévoit l'ouverture de plusieurs CAO (1 405 places en Auvergne-Rhône-Alpes, 1 091 en Occitanie, 959 dans le Grand-Est, 662 dans les Pays-de-la-Loire ou encore 580 dans le Centre) dans tout l'Hexagone, sauf en Île-de-France et en Corse. « Il a été décidé d’écarter dans la répartition les régions Ile-de-France, particulièrement tendue sur la question de l’hébergement, et Corse », précise le document. Joint par Libération, l'entourage de Bernard Cazeneuve explique que la région parisienne est déjà trop sous pression pour recevoir un nouvel afflux de migrants (elle compte aujourd'hui 94 centres sur son territoire pour environ 6 700 places). Concernant la Corse, place Beauvau on estime qu'il aurait été trop compliqué d'acheminer autant de personnes, le transport en bateau étant plus complexe qu'en bus. Il semblerait cependant que le contexte tendu lié aux récents événements à Sisco soit à l’origine du choix d’exclure l’île de son plan, une décision critiquée par Pierre Henry, le Directeur général de l’association de solidarité française France terre d’asile, sur son compte Twitter : « Donc la Corse ne recevra aucun réfugié en provenance de Calais. Ce particularisme est inacceptable en République. »


 Mécontentement à droite

Pour limiter les polémiques, le gouvernement devra faire preuve de persuasion. La note aux préfets précise que « la liste devra être remontée sans que soit au préalable recherché l’accord avec les élus locaux ». Il est demandé à chaque préfet « d’expertiser quels sites pourraient accueillir des migrants » et « localement, les négociations peuvent être entamées dès aujourd’hui avec la Poste, EDF et les villages vacances ». En effet, il s’agit de locaux appartenant à « de grands réseaux ou de grandes institutions », explique une source proche du dossier, qui souligne que l’accord des élus locaux n’est « pas un préalable au repérage des opportunités », et ajoute « il s’agit simplement d’une consultation et dans ce cadre, ne nous sommes pas contraints de solliciter les élus. Quand les préfets nous auront fait remonter le nombre de places disponibles sur leur territoire, évidemment que nous engagerons des discussions », ajoute la source.

Le président (LR) de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), Christian Estrosi, a affirmé sa « totale opposition » au projet du gouvernement de créer des places dans les régions pour les migrants, qui reviendrait selon lui « à créer des micro "jungles de Calais" », alors que le plan annoncé par le ministre de l’Interieur envisage d'orienter 949 personnes dans sa région. Dans un communiqué adressé au premier ministre Manuel Valls et publié sur son compte Twitter, l’ancien maire de Nice estime que « les communes rurales ne peuvent pas assumer seules cette décision aux conséquences financières lourdes ». Or, les CAO sont financés exclusivement par l’Etat, qui rappelle, par ailleurs, que cette décision est avant tout « une réponse équilibrée, associant humanité et fermeté, à la crise migratoire. »

Alors qu’ils étaient réticents à l’idée de partir vers un des CAO disséminés partout en France, les réfugiés sont désormais de plus en plus nombreux à opter pour cette solution, après avoir reconsidéré leur projet de vie, mais aussi parfois par dépit. Actuellement, il existe 161 CAO répartis dans 76 départements et depuis 2015, quelque 3 000 places ont été créées. « Quelque 5500 migrants en provenance de Calais ont déjà été accueillis dans 161 Centres d’accueils et d’orientation en France depuis près d’un an, ce qui démontre que cet accueil peut se réaliser sans tensions avec les habitants des communes concernées », précise le ministère de l'Intérieur dans un communiqué qui souligne que « la plupart des migrants actuellement à Calais relèvent effectivement de l’asile en France et 80 % de ceux déjà accueillis en CAO ont ainsi engagé une telle démarche. »

En revanche, les personnes en situation irrégulière et qui ne demandent pas l’asile seront reconduites à la frontière. Depuis le début de l’année, le gouvernement a procédé à 1307 éloignements de Calais. Les contrôles aux frontières ont par ailleurs conduit à 37 000 mesures de non admission depuis neuf mois et devraient s'intensifier.

 

Le 13/09/2016, par Simon BLIN, Libération