fbpx
Main menu

Réforme du droit d’asile et accueil des réfugiés syriens en Turquie

Publié le : 29/09/2014

 

Ayant longtemps délégué la question de l’accueil des réfugiés aux Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la Turquie entreprend actuellement une réforme ambitieuse de son système d’asile  afin de se rapprocher des standards européens.
C’est afin de revenir sur cette réforme de l’asile que nous avons invité Oktay Durukan et Veysel Essiz à ce petit déjeuner débat, membres de Helsinki Citizens Assembly (HCA), une association turque qui fournit de l’assistance juridique aux demandeurs d’asile et qui milite pour les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés. Réunis autour de la table aux côtés de membres d’associations, d’ECRE (Conseil européens pour les réfugiés et les exilés) et de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), et sous la modération de Matthieu Tardis, nous les avons interrogés sur cette réforme et sur la gestion par la Turquie de la présence en masse des réfugiés syriens.

 

La réaction de la Turquie à la crise syrienne

 

 

Le HCA évalue à 1,5 millions le nombre de réfugiés syriens actuellement présents en Turquie, auxquels s’ajoutent 120 000 réfugiés non-syriens, souvent venus d’Irak, d’Iran ou d’Afghanistan. Malgré le peu de soutien international reçu par la Turquie pour faire face à cette crise, le pays a, d’après les intervenants, réussi à mettre en place un système d’accueil au bilan relativement positif. Suite à l’ouverture de ses frontières aux réfugiés syriens, la Turquie a ainsi très rapidement organisé des camps dans le sud du pays, aujourd’hui au nombre de 22, accueillant près de 220 000 réfugiés. L’ensemble des réfugiés syriens a en outre été placé sous un régime de protection temporaire. Cependant, malgré ces mesures, l’immense majorité des réfugiés vit en milieu urbain, sans ressources autres que des emplois non déclarés ou la mendicité, et ne bénéficie d’aucun programme de protection ou d’assistance particulier, notamment en termes d’accès aux soins, à l’emploi et au logement. Leur visibilité croissante dans les rues des grandes métropoles turques attise par ailleurs l’hostilité d’une population locale effrayée par un tel afflux d’étrangers.


La réforme de l’asile

 

 

Longtemps pays de transit vers l’Union européenne, la Turquie est aujourd’hui devenue un pays d’accueil de demandes d’asile. On estime ainsi que 70 000 personnes auront déposé une demande d’asile en Turquie d’ici fin 2014. Avant la réforme, la Turquie n’avait aucune volonté de développer un système de protection des réfugiés et déléguait ce travail au Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). La Turquie estimait que les réfugiés n’avaient pas vocation à rester sur le sol turc mais à être réinstallés dans d’autres pays. Or, face à l’afflux en masse de réfugiés, il était devenu impossible pour le HCR de réinstaller l’ensemble d’entre eux. Le système ne pouvait donc plus fonctionner.
Pour faire face aux carences du système en place, la Turquie s’est largement inspirée des standards européens. Cet effort d’harmonisation fait partie intégrante du dialogue en cours entre la Turquie et l’Union européenne autour d’une possible accession de la Turquie à l’Union, de la gestion des flux migratoires transitant depuis la Turquie vers l’Europe, et de la coopération transfrontalière. Poussée par l’Union européenne, cette réforme répond une fois de plus à la volonté de l’Union de se délester d’une partie du « fardeau migratoire ».
La réforme vient donner une nouvelle définition, de nouveaux critères et une nouvelle procédure en matière d’asile. La principale nouveauté est la centralisation de l’ensemble des procédures liées à la migration au sein d’un nouveau bureau, la Direction pour les migrations et l’asile. Une autre grande avancée est la création d’une agence civile de contrôle des frontières, qui se substitue à l’armée, et a pour ambition de s’intégrer à terme dans le système européen de gestion des frontières. La réforme introduit enfin pour la première fois la notion d’intégration des réfugiés. Elle tend également à améliorer leur accès à des soins gratuits et au marché du travail. La Turquie a par ailleurs prévu la construction de 6 centres d’accueil, chacun ayant une capacité de 650 places.

 

Continuer les efforts

 

Si la réforme constitue une avancée significative pour le système d’asile turc, elle comporte néanmoins certaines limites, notamment en ce qui concerne l’absence de droit au logement et l’impossibilité pour certaines catégories de réfugiés d’accéder au marché du travail. Enfin, une éventuelle politisation du sujet, pourrait freiner l’institutionnalisation du nouveau système. La recrudescence de démonstrations de violences anti-syriennes et l’arrivée en masse d’Irakiens fuyant les violences perpétrées par l’État Islamique laissent en effet craindre une surcharge des capacités d’accueil du pays et une bipolarisation du débat qui porterait préjudice aux efforts de réforme.

 

Nous remercions chaleureusement Oktay Durukan et Veysel Essiz pour leur intervention très instructive dans ce petit-déjeuner débat, ainsi que l’ensemble des participants pour leur présence et leur intérêt.