fbpx
Main menu

Rencontre. Kamar, réfugiée syrienne à Rouen : « Je souhaite refaire ma vie ici »

Publié le : 14/12/2016

Normandie actu

 

Kamar Al Biek a fui Alep, en Syrie, avec ses trois enfants, pour venir s'installer à Rouen. La réfugiée politique souhaite devenir prof d'anglais en France. Rencontre.

 

kamar

 

De sa ville, il ne reste rien ou presque. Les habitants fuient par milliers ce qui était la capitale économique de la Syrie. Un exode qui s’est encore intensifié depuis la dernière offensive de l’armée de Bachar al-Assad et ses alliés, lundi 12 décembre 2016. À Alep, les frappes aériennes et des tirs d’artillerie visant la rébellion, sont incessants.

 

« Je ne peux pas regarder les images de ma ville détruite »

Kamar Al Biek a fui sa ville pour sauver sa vie. À 40 ans passés, cette mère de famille est venue en France avec ses trois enfants, Rami (22 ans), Nour (20 ans) et Luna (14 ans), en septembre 2014. Ils ont trouvé refuge en septembre 2014, chez son frère à Rouen (Seine-Maritime), arrivé il y a près de 20 ans et de nationalité française. « Mon frère nous a hébergés durant quatre mois. Ensuite, France terre d’asile nous a trouvé un logement », raconte Kamar à Normandie-actu. Depuis le début de l’année 2015, la petite famille a posé ses valises dans le quartier du Jardin des plantes.

Alep, Kamar y pense toujours bien sûr. Mais lorsqu’on lui demande si elle suit l’avancée de la guerre, elle détourne son regard, pour masquer sa souffrance. « Je ne peux pas regarder les images de ma ville détruite ».

 

alep afp 630x0

 Un soldat des forces progouvernementales syriennes dans la Vieille ville d'Alep, le 13 novembre 2016.

(© AFP/George OURFALIAN)

 

Durant des siècles, et jusqu’au début du conflit en 2011, Alep était la capitale économique du pays. Un important centre culturel attirant les touristes du monde entier pour admirer les sites historiques, vestiges des nombreuses civilisations qui s’y succédèrent dans l’une des plus anciennes villes au monde. Mais aujourd’hui, seuls des chats errants sont visibles dans les ruelles jonchées de gravats de la Vieille ville, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.


Enseignante d’anglais à l’université

Kamar faisait partie de la classe moyenne supérieure à Alep, « l’une des plus vieilles villes du monde ». Elle a passé 25 années à enseigner l’anglais à l’université. À la fin de sa carrière écourtée par la guerre, elle est devenue inspectrice de l’éducation pour le privé et le public. Là-bas, la vie est devenue impossible. « Il n’y avait plus d’électricité, plus d’eau », précise Kamar. Le minimum vital avait disparu. « Ça devenait vraiment dangereux. J’étais effrayée. »

Sa décision de partir a été prise lorsqu’elle a compris que ses deux aînés avaient l’âge d’intégrer l’armée. Il était hors de question pour elle que ses enfants combattent ou pire, meurent, pour celui que l’on surnomme « le boucher de Damas ». La petite famille a obtenu son statut de réfugié politique dans le courant de l’année 2015. « Le gouvernement français nous a sauvé la vie », répète la quadragénaire à plusieurs reprises.


Demander la nationalité française

À Rouen, elle a dû « repartir à zéro ». Elle a tenté de passer le concours pour devenir professeure d’anglais au collège, « mais ça n’a pas été possible à cause de mon niveau de français ». Elle ne parlait pas un mot à son arrivée. À force de travail et de persévérance, elle a réussi à décrocher des postes de remplacements pour l’école privée. Elle a notamment enseigné à l’école Jean-Baptiste-de-Lasalle, à Rouen. L’enseignement catholique, pour une musulmane… « Mais ce n’est pas grave », sourit-elle. Elle a enlevé son voile de ses cheveux, pour « mieux [s]‘intégrer ». Aujourd’hui, Kamar souhaite par dessus tout « vivre ici et [s]‘adapter à la culture française [qu'elle] aime ». Elle envisage même de demander la nationalité.

Kamar a conscience que la question des migrants est au cœur de la campagne présidentielle en France. Même si elle n’« aime pas beaucoup la politique », elle perçoit le regard parfois haineux d’une partie de la population. Sans parvenir à rentrer dans le détail sur un sujet aussi complexe et tendu, elle lâche simplement : « Il y a beaucoup de préjugés. » Pour contrer cela, elle « travaille dur pour donner une image positive de la réfugiée syrienne que je suis. C’est très important. » La consigne a été passée à ses enfants. Rami est en école d’architecture, en master. Nour tente de passer son concours de médecine et la petite dernière Luna, est scolarisée en 3e.


Sur les bancs de la fac

En deux ans, son niveau de français s’est nettement amélioré. Elle est quasiment devenue trilingue. Kamar souhaite continuer les remplacements dans le privé tout en suivant les cours de son master d’enseignement pour le second degré. Elle n’abandonne pas son rêve de devenir prof d’anglais en collège ou lycée. Elle est actuellement sur les bancs de l’université, à l’École supérieur du professorat et de l’éducation (ESPE), à l’université de Mont-Saint-Aignan, près de Rouen. Elle validera son master 2 et passera son concours en 2018.

La mère de famille bûche pour y parvenir, mais n’oublie pas d’aider. Kamar est bénévole sur son temps libre à La passerelle, l’association étudiante et tente de remettre à niveau les élèves qui peinent en anglais. « Je veux pouvoir rendre un peu de ce que l’on m’a donné. »

 

Quelle est la situation en Syrie ?

Le régime de Bachar al-Assad a repris tôt lundi matin, 12 décembre 2016, le grand quartier de Cheikh Saïd, dans le sud-est de la ville, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Ancienne capitale économique de la Syrie, Alep était coupée en deux depuis juillet 2012, entre l’est tenu par les rebelles et l’ouest sous contrôle gouvernemental. Mais une offensive foudroyante de l’armée syrienne, lancée à la mi-novembre avec le soutien de combattants iraniens et du Hezbollah libanais, a chassé les rebelles de l’essentiel du territoire qu’ils contrôlaient dans la cité. La perte d’Alep permettrait au régime de contrôler les cinq plus grandes villes de Syrie.
L’ambassadeur russe à l’ONU Vitali Tchourkine a annoncé, mardi 13 décembre 2016, en soirée, que les combats avaient cessé à Alep-est après le début d’une opération d’évacuation des combattants rebelles.
Au total, environ 130 000 civils ont quitté les quartiers de l’opposition depuis le 15 novembre et la vaste offensive du régime, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Le conflit en Syrie, déclenché en 2011 par la répression sanglante de manifestations prodémocratie pacifiques, s’est transformé en une guerre complexe impliquant une multitude d’acteurs syriens et étrangers.
D’après l’OSDH, le groupe Etat islamique (EI) a exécuté, lundi 12 décembre 2016, huit combattants prorégime à Palmyre, une ville du centre du pays que les djihadistes ont reprise dimanche 11 décembre, neuf mois après en avoir été chassés par l’armée syrienne et son alliée russe.
En cinq ans, la guerre en Syrie a fait plus de 300 000 morts et déplacé plus de la moitié de la population. L’offensive du régime à Alep depuis la mi-novembre a tué plus de 415 civils selon l’OSDH, tandis que 130 civils ont été tués par des tirs rebelles sur les quartiers ouest.
AFP

Normandie actu, 14/12/2016