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cp/Coquelles, le laboratoire des mauvaises pratiques

Renvoi de Soudanais et criminalisation des procédures d’éloignement


D’après les derniers rapports de la société civile et de la communauté internationale, la sécurité des citoyens ordinaires du Sud Soudan et du Darfour continue d’être menacée au quotidien. La violence a fait au Sud Soudan au moins 1 200 morts et a entraîné le déplacement de plus de 20 000 personnes depuis le début de l’année. Quant au Darfour, les Nations unies estiment que plus de 2,7 millions de personnes y sont actuellement déplacées après avoir fui leurs villages incendiés.

Le mardi 4 mai 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1919 qui confirme les observations faites par les ONG. Le Conseil de sécurité y « déplore la persistance du conflit et de la violence au niveau local, qui touche les civils, spécialement au Sud Soudan et note les effets préjudiciables de la prolifération des armes, en particulier les armes légères, sur la sécurité des civils, laquelle attise les conflits armés. »

Les 7 et 8 avril, dix-huit Soudanais se réclamant comme originaires du Darfour sont arrêtés à Calais, pratique courante. Ils font l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et sont placés au centre de rétention de Coquelles où France terre d’asile intervient depuis le 1er janvier 2010.


Ces personnes sont présentées devant le juge des libertés et de la détention au bout de 48h.


Trois d’entre elles ont été immédiatement libérées pour des raisons procédurales. En réalité, ces trois personnes ont pu communiquer à l’aide d’un interprète arabe. Les autres s’exprimant dans un dialecte rare ont été maintenues en rétention sans pouvoir bénéficier de l’aide d’un avocat.


Appelé à la rescousse, le Consul du Soudan se rend au centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles et délivre deux laissez-passer pour Khartoum. Les départs étant imminents, France terre d’asile saisit en urgence la Cour européenne des droits de l’homme en raison des risques de torture et autres traitements dégradants en cas d’expulsion. La Cour demande immédiatement à l’Etat français de suspendre ces renvois dans l’attente d’un jugement au fond.


L’affaire aurait pu en rester là, mais c’était sans compter avec la persévérance de l’administration. Deux autres personnes risquant un renvoi immédiat, France terre d’asile saisit à nouveau la CEDH et obtient à nouveau une mesure de suspension. Les quatre Soudanais sont alors libérés et assignés à résidence à une adresse postale à Calais.


Dix personnes demeurent donc en rétention, le délai légal arrivant à terme le samedi 8 mai. Et là surprise. Hier, les retenus sont extraits du CRA de Coquelles, placés en garde à vue dans l’attente d’une comparution devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer vraisemblablement sur la base de l’article L- 624-1 du Ceseda qui permet de punir de trois ans d’emprisonnement l’étranger qui refuse de collaborer à son propre éloignement. L’audience aura lieu cet après-midi à Boulogne-sur-Mer.


Cette affaire est exemplaire de l’acharnement de l’administration et de sa volonté de faire des exemples, de criminaliser les procédures d’éloignement, même au mépris d’un élémentaire principe de précaution, dès lors qu’il s’agit de personnes, toutes susceptibles de venir d’un pays en guerre et précisément du Darfour et donc de pouvoir bénéficier de mesures de protection. Dès lors que la Cour européenne a suspendu le renvoi vers le Soudan à chacune de nos saisines, la sagesse aurait dû prévaloir. Mais peut-on encore oser parler de sagesse sur un territoire, le Pas-de-Calais, laboratoire de bien des mauvaises pratiques administratives et où l’on n’hésite pas à renvoyer autant vers l’Afghanistan que vers le Soudan ?

 

Paris, cp/France terre d'asile, le 05/05/2010