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La France face à l'afflux d'adolescents sans papiers

Publié le : 10/05/2013

 La question des mineurs étrangers isolés a temporairement trouvé une solution, à Amiens, dans la Somme, derrière la façade discrète d'une maison bourgeoise proche de la gare ferroviaire. Dans cette bâtisse aux airs de pension de famille, une association, France Terre d'asile, héberge, depuis janvier, un public particulier : une vingtaine de jeunes d'origine congolaise, soudanaise ou guinéenne, qui, ces derniers mois, ont tous débarqué seuls, sans parents, dans la "petite Venise du Nord".

Les structures de ce type sont rares en France, mais se développent avec la hausse constante, depuis vingt ans, du nombre d'adolescents sans papiers. A l'échelle nationale, 6 000 à 8 000 mineurs dépendent aujourd'hui de collectivités plus ou moins préparées.

La situation est devenue financièrement ingérable dans les départements où ils se concentrent. Ceux-ci sont en effet légalement tenus de s'en occuper. Une obligation qui engendre des difficultés telles que le gouvernement devrait publier dans les prochains jours une circulaire sur le sujet. Principale avancée : l'Etat devrait s'engager à aider financièrement les départements pendant les premiers jours de la prise en charge.

FOYER MODÈLE

A Amiens comme ailleurs, un jeune migrant isolé coûte environ 250 euros par jour au conseil général. Soit plus de 8,5 millions d'euros par an. Un défi financier, mais aussi logistique : l'aide sociale à l'enfance (ASE) de la Somme, comme dans d'autres départements, n'offre pas assez de place dans ses foyers spécialisés. Ces derniers temps, c'est à l'hôtel qu'il a fallu loger certains jeunes.

Le foyer géré par France Terre d'asile fonctionne grâce à une subvention du conseil général. La structure a au moins permis de soulager les services du département de la gestion matérielle de ces adolescents. Ici, ils sont logés dans des dortoirs propres de trois ou quatre lits. On les occupe avec des cours de français, des ateliers socio-éducatifs, des sorties culturelles et sportives. Ils bénéficient d'un accompagnement juridique.

Mais ce foyer modèle, avec parquet ancien, moulures au plafond et "maîtresse de maison", où résonnent les rires de jeunes visiblement heureux d'avoir atterri ici, pourrait ne pas suffire. En 2000, seuls cinq mineurs isolés s'étaient égarés jusqu'à Amiens. Depuis 2011, ils sont une centaine par an.

OBTENIR UN TITRE DE SÉJOUR

Les raisons de la venue de ces jeunes migrants sont floues. La majorité d'entre eux disent n'avoir aucun contact avec leurs parents. Comme Brigette, une coquette adolescente aux longs cheveux noirs, d'origine congolaise, hébergée au foyer de France Terre d'asile et qui se dit âgée de 17 ans. Elle explique avoir "pris l'avion" depuis le Congo Kinshasa jusqu'à Paris. Après son arrivée, le 20 janvier, elle a été conduite "par une femme" jusqu'à la gare du Nord. De là, celle-ci lui aurait dit de prendre un train pour Amiens.

Les premiers temps, elle a été hébergée dans un foyer pour jeunes filles en difficulté. Puis elle a été orientée vers France Terre d'asile quand la structure a ouvert ses portes. "Je me sens beaucoup plus à l'aise ici", confie-t-elle. Brigette "aime l'informatique" et souhaiterait rester en France "faire des études" pour "devenir secrétaire".
 
Ce récit parcellaire et pudique est classique chez les mineurs étrangers isolés. Certains ont des histoires douloureuses. Beaucoup disent être "orphelins" ou n'avoir "plus aucun contact" avec leurs proches. Le plus souvent, ils ont en fait été envoyés par leurs parents. Le but plus ou moins avoué : être pris en charge avant sa majorité, poursuivre des études, obtenir un titre de séjour et ouvrir ainsi la voie au regroupement familial. Si un jeune arrive en France avant ses 16 ans, il peut aussi plus facilement obtenir la nationalité française.

LE PARI DES FAMILLES EST "DOUBLE"

A l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), on indique avoir peu de prise sur le phénomène. Seules "une petite dizaine" de filières de ce type ont été démantelées depuis 2011, selon son responsable, Julien Gentile. Quand ils sont originaires d'Afrique, la plupart des jeunes viennent en France par avion avec de faux papiers. Quand ils partent du Moyen-Orient, c'est par la route classique par la Turquie ou la Grèce. "Tout se passe donc en dehors de France", détaille le commissaire divisionnaire.

 Dans l'Hexagone, la plupart de ces adolescents viennent de l'Afrique francophone ou lusophone et d'Afghanistan. La majorité sont des garçons. Mais des filles, parfois enceintes, apparaissent. Une partie est issue de milieux modestes, mais certains viennent de "familles bourgeoises dans des pays en guerre", assure M. Gentile. Le pari des familles est alors "double" : "Protéger le gamin et avoir un appui dans un pays qui permette de s'échapper en cas de grand chamboulement politique."

L'autre difficulté qui devrait aider à résoudre la prochaine circulaire du gouvernement est la "répartition " géographique de ces adolescents. La plupart arrivent en Seine-Saint-Denis (800 en 2012), à Paris (1 800 en 2012) et en Ille-et-Vilaine (400). Les départements proches de la frontière (Bas-Rhin, Rhône, Alpes-Maritimes, Isère...) sont en deuxième ligne avec environ 200 jeunes par an. A l'avenir, l'idée serait que, une fois repérés, les mineurs soient orientés dans des régions moins surchargées

Le Monde, 10/05/2013