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L'ONU appelle la France à mieux protéger les enfants, notamment les mineurs isolés étrangers - décryptage

Publié le : 06/06/2023

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À l'issue du sixième examen périodique de la France par le Comité des droits de l'enfant (CDE) des Nations Unies, le Comité a publié vendredi 2 juin ses observations finales sur les pratiques de l'État français en matière de protection des droits des enfants. Dans le cadre de cet examen, nous avions produit un rapport que nous avons présenté aux membres du Comité à l'occasion de la pré-session qui s'est tenue à Genève en début d'année. Plusieurs de nos recommandations, également portées par de nombreuses associations du secteur, ont été reprises par le Comité. Ainsi, s'il salue un certain nombre de mesures et politiques mises en œuvre par la France depuis son dernier examen, le Comité relève néanmoins que des violations des droits des enfants persistent, et exhorte la France à prendre les mesures nécessaires en vue d'y mettre fin. Retour sur quatre recommandations-clés du Comité.

 

Garantir, en pratique, le respect du principe de présomption de minorité

Le Comité consacre une partie de ses observations à la situation des enfants migrants et demandeurs d'asile, dont les mineurs isolés étrangers. À cet égard, il exhorte l'État français à « immédiatement » assurer le respect du principe de présomption de minorité tout au long de la procédure d'évaluation de la minorité et de l’isolement, y compris lors de la procédure judiciaire devant le juge des enfants, et de faire en sorte que les jeunes concernés soient « maintenus au sein du système de la protection de l'enfance ».

Actuellement, les jeunes qui n'ont pas été reconnus mineurs par un département peuvent saisir le juge des enfants pour faire valoir leur minorité, mais ils ne bénéficient pas, dans la grande majorité des cas, d'un hébergement ni d'un accompagnement. En conséquence, une grande partie de ces jeunes dépend de l'hébergement citoyen, ou se trouve à la rue pendant plusieurs semaines ou mois, la procédure judiciaire durant généralement de trois à six mois. Or, une part significative de ces jeunes sont reconnus mineurs à l'issue de la procédure, et ce n'est qu'alors qu'ils peuvent quitter la rue et bénéficier d'une prise en charge. Le plein respect de la présomption de minorité, principe consacré par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), implique que tous les jeunes en cours de procédure pour la reconnaissance de leur minorité et de leur isolement soient considérés comme des enfants, et à ce titre, soient maintenus au sein du système de la protection de l'enfance. Ainsi, afin d'empêcher que des mineurs ne vivent seuls à la rue pendant parfois plusieurs mois, il est crucial de déployer une mise à l'abri inconditionnelle de ces jeunes, jusqu'à la décision du juge des enfants.

 

Mettre fin à l’enfermement administratif des enfants

En des termes très explicites, le Comité demande à la France de « mettre fin à l'enfermement des enfants pour tout motif lié à leur statut migratoire », que ce soit dans des centres de rétention administrative ou en zone d'attente.

En effet, si le droit français n’autorise en principe pas l'enfermement administratif des mineurs qui se trouvent seuls sur le territoire, il le permet dans les zones d'attente (aux frontières et dans les aéroports), et dès lors que les enfants accompagnent leurs parents ou représentants légaux. Cette subtilité peut donner lieu à des pratiques abusives comme celle d'attribuer arbitrairement à des enfants des adultes accompagnants, ce qui est largement documenté à Mayotte. Ainsi, chaque année, plusieurs milliers d'enfants font l'objet d'un enfermement administratif - ce qui a d'ailleurs conduit la France à être condamnée à neuf reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Que les enfants soient accompagnés ou pas, et quel que soit leur âge, un enfermement, même de courte durée, a des répercussions notables sur leur santé mentale. Comme le relève le Comité des droits de l'enfant, il est impératif que la France prenne les mesures nécessaires à l'éradication complète et définitive de cette pratique délétère, sur l'intégralité du territoire français.

 

Améliorer la santé mentale de tous les enfants

Dans une partie consacrée à la santé des enfants, le Comité des droits de l’enfant a de nouveau souligné la nécessité d’améliorer la prise en charge des troubles psychiques. Dans cette perspective, le Comité appelle la France à renforcer les moyens alloués aux soins de santé mentale, en augmentant le nombre de professionnels intervenant auprès des jeunes publics, en particulier les pédopsychiatres et les psychologues.

Si elle était mise en œuvre, cette recommandation-phare du rapport du Comité pourrait grandement influer sur le parcours des mineurs isolés étrangers en France. En effet, leur santé mentale apparaît particulièrement dégradée en raison d’un cumul de traumatismes, avec une prévalence des troubles post-traumatiques ainsi que des troubles anxieux ou des états dépressifs, et ils font pourtant souvent partie des premières victimes des dysfonctionnements du système de santé pédiatrique. Malgré des vulnérabilités saillantes sur le plan psychologique, force est de constater que les dispositifs proposant un accompagnement thérapeutique particulier n’offrent qu’un nombre de places insuffisant, bien en-deçà des besoins identifiés. En outre, les professionnels de ces structures spécialisées du droit commun ne sont que rarement formés aux spécificités cliniques et transculturelles rencontrées au sein du public mineur isolé étranger. Dans l’attente d’une éventuelle prise en charge au sein d’un dispositif spécialisé, les jeunes sont hébergés dans des structures d’accueil inadaptées à leurs besoins. Le soutien aux structures dédiées aux mineurs et adaptées aux pathologies du public MIE doit donc être renforcé afin de répondre aux besoins identifiés dans les établissements de la protection de l’enfance qui ne sont pas spécialisés dans la prise en charge de tels troubles psychiques.

 

Favoriser l'accès à l'éducation et l'insertion professionnelle des mineurs isolés étrangers

Faisant le constat d'un accès inégal à l'éducation, le Comité recommande à la France d'« améliorer l'accès et la qualité de l'éducation des enfants marginalisés », et notamment des mineurs isolés étrangers. Il exhorte également l'État à investir des moyens suffisants afin de garantir l'accès à l'éducation et à la formation professionnelle des jeunes migrants.

Le droit à l'éducation est l'un des droits les plus fondamentaux des enfants. Or, pour les mineurs isolés, une série d'obstacles peut les empêcher d'y accéder : absence de documents d'identité, difficulté d'accès au séjour pour les jeunes majeurs, situation administrative floue, notamment durant la période de saisine du juge des enfants. L'accès à la scolarité ou à la formation professionnelle est un élément déterminant dans l'intégration des jeunes migrants, puisque c'est ce qui va permettre l'apprentissage du français, l'accès à l'autonomie, l'intégration des codes socio-culturels. Tous les mineurs, quel que soit leur statut, doivent pouvoir bénéficier d'une inscription scolaire ou en formation, y compris durant la phase judiciaire de la détermination de l'âge et de l'isolement.

 

Retrouvez l'intégralité de notre rapport et de nos recommandations.