
De 2020 à 2025, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a enquêté sur l’accueil des mineur·es non accompagné·es en France. Ce rapport, rendu public le 16 octobre 2025, met en évidence des violations graves et systématiques de leurs droits.
En novembre 2020, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a été saisi par le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant et Kids Empowerment pour dénoncer les violations des droits des mineur·es non accompagné·es en France. En mars 2025, à l’issue d’une enquête de terrain menée par deux rapporteurs du Comité, un rapport détaillé a été transmis à l’État français. Ce rapport, rendu public le 16 octobre 2025, met en évidence des violations graves et systématiques des droits des mineur·es non accompagné·es : beaucoup se retrouvent sans abri, privé·es de soins essentiels, et vivent dans des conditions qualifiées de « dégradantes » et « contraires à la dignité humaine ».
Après plusieurs alertes et condamnations concernant les manquements répétés de l’État français, le Comité réitère son constat sans appel et donne six mois au gouvernement pour y répondre. Les rapporteurs ont rencontré des jeunes à Calais et à Paris, ainsi que des représentant·es du gouvernement, des collectivités, des autorités administratives indépendantes et des associations, dont deux établissements de France terre d’asile.
Des conditions de vie précaires
Le rapport alerte sur les conditions extrêmement précaires dans lesquelles vivent les mineur·es non accompagné·es qui transitent par la France pour rejoindre le Royaume-Uni, notamment dans les campements. Il souligne également la forte exposition de ces jeunes aux risques de « traite des êtres humains, aux abus, à la maltraitance et aux violences policières ».
Le risque d’être victimes de traitements inhumains et dégradants est particulièrement élevé aux frontières, en particulier dans les zones d’attente des aéroports et les centres de rétention. Le Comité qualifie cette privation de liberté, qui découle de la contestation par les autorités de leur identité ou de leur droit d’entrer sur le territoire, de « disproportionnée et arbitraire ».
Une procédure d’évaluation de la minorité jugée défaillante
Les enquêteurs mettent aussi en lumière de graves violations des droits de l’enfant dans le cadre des procédures d’évaluation de l’âge, jugées défaillantes car souvent fondées sur des critères physiques ou sur des examens médicaux peu fiables, réalisées sans assistance juridique ni accompagnement d’un adulte de confiance. L’absence d’approche pluridisciplinaire est également dénoncée.
Aussi, pour le Comité, le respect du principe de présomption de minorité demeure une préoccupation majeure. Actuellement, les jeunes qui saisissent le juge des enfants afin de faire reconnaître leur besoin de protection suite à un refus d’admission à la protection de l’enfance ne bénéficient d’aucune prise en charge. Le temps de la saisine, ils n’ont accès ni à la protection de l’Aide sociale à l’enfance, ni dispositifs d’hébergement d’urgence destinés aux adultes et se retrouvent bien souvent dans une situation d’errance prolongée. Le rapport rappelle que tout jeune se présentant comme mineur·e non accompagné·e à son arrivée en France doit être considéré·e et protégé·e comme un enfant jusqu’à la décision judiciaire définitive concernant sa minorité.
Des droits fondamentaux bafoués
De manière générale, le rapport pointe de graves défaillances dans l’accès à l’hébergement, aux soins de santé et à l’éducation des jeunes dit « en recours », ayant saisi le juge des enfants pour faire reconnaître leur minorité et leur isolement suite à un refus d’admission à la protection de l’enfance. Le comité souligne que « l’État a systématiquement refusé de fournir des services de protection de l’enfance à ces enfants, les privant ainsi d’un niveau de vie suffisant et des services essentiels. »
Il estime qu’un grand nombre de mineur·es non accompagné·es subissent des préjudices graves et durables sur leur santé physique et mentale ainsi que sur leur développement, et qualifie ces violations de systématiques, en raison du manquement répété de l’État à mettre en œuvre les mesures juridiques et politiques nécessaires.
Protéger les mineur·es non accompagné·es
S’il salue les avancées de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants – dite loi « Taquet » - le Comité déplore son application incomplète et appelle la France à assurer pleinement les droits des mineur·es isolé·es. Dans ce cadre, le Comité adresse 17 recommandations à l’État, fondées sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant consacré par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), à mettre en œuvre dans un délai de six mois.
France terre d’asile partage les préoccupations et recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU et défend depuis plusieurs années les positions suivantes :
- La garantie des droits fondamentaux aux frontières
- Un accueil digne et inconditionnel de tous les jeunes se présentant comme mineur·es non accompagné·es
- La reconstitution de l’état civil des mineur·es
- L’inscription du principe de présomption de minorité dans la loi, assurant une protection immédiate et continue par l’ASE jusqu’à la décision du juge des enfants
- La mise en œuvre d’une procédure d’évaluation de l’âge équitable et harmonisée
- Le droit à un hébergement digne, ainsi qu’un accès effectif à la scolarité et à la santé
- La systématisation des mesures de tutelle afin de lever les obstacles administratifs liés à la représentation légale
- Le respect du principe de non-discrimination et l’égalité de traitement pour tous les mineur·es non accompagné·es
Par ailleurs, France terre d’asile, aux côtés d’autres organisations de défense des droits des enfants, veille au respect de la Convention internationale des droits de l’enfant en France. L’association transmet notamment des rapports alternatifs au Comité des droits de l’enfant à chaque période d’examen.
Ces rapports visent à éclairer le Comité sur la réalité du terrain et à vérifier la bonne application de la Convention par les États signataires, dont la situation est examinée tous les cinq ans. Ainsi, en 2020, France terre d’asile a soumis un premier rapport alternatif sur les mineur·es non accompagné·es en consortium avec le Défenseur des droits et plusieurs associations partenaires. En 2022, l’association a présenté un deuxième rapport alternatif thématique présentant six recommandations, dont l’inscription du principe de présomption de minorité en droit français.
France terre d’asile dénonce également le traitement différencié dont les mineur·es non accompagné·es font l’objet. De nombreuses propositions législatives tendent à restreindre leur accès à certains droits fondamentaux et leurs possibilités de construire un avenir en France, du seul fait qu’ils et elles soient étranger·ères. C’est pourquoi France terre d’asile, forte de son expérience de terrain dans l’accompagnement des mineur·es non accompagné·es, poursuit son engagement en faveur d’une amélioration durable des conditions d'accueil et de prise en charge des jeunes en proposant des évolutions législatives fondées sur le principe d’intérêt supérieur de l’enfant.




