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Alerte inter-associative sur le changement des modalités de la carte ADA

Publié le : 05/08/2019

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Le 1er août 2019

Lettre adressée à M. Pierre-Antoine MOLINA
Directeur général des étrangers en France

et à M. Didier LESCHI
Directeur général de l’OFII

 

Messieurs les directeurs généraux,

Le mardi 23 juillet 2019 plusieurs Directions territoriales de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ont diffusé aux gestionnaires d’établissements un message du Directeur général de l’OFII relatif à la modification des fonctionnalités de la carte ADA utilisée par les personnes en demande d’asile pour disposer de l’allocation pour demandeurs d’asile.

Selon cette communication transmise par e-mail, la carte ADA, jusqu’alors carte de retrait, deviendra uniquement une carte de paiement, et ce à partir du 5 septembre 2019.

Le message de l’OFII précise qu’à compter de cette date la carte ADA ne pourra plus être utilisée pour retirer de l’argent dans un distributeur automatique de billets. Seuls les paiements dans les commerces équipés d’un terminal de paiement électronique (TPE) seront possibles, et dans la limite de 25 paiements par mois. Au-delà de cette limite, les paiements seront facturés 50 centimes. Cette nouvelle carte ne permettra pas non plus de paiements par Internet, ni de virements bancaires.

Cette modification soudaine, en plein mois de juillet, n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les acteurs de l’asile. En l’état, elle porte atteinte aux droits des personnes concernées par le versement de cette allocation et complique fortement le travail des gestionnaires de structures d’accueil et d’hébergement.

Le Directeur Général de l’OFII a proposé le jeudi 25 juillet, l’organisation d’une réunion de travail le mercredi 7 août 2019. Nous vous remercions pour cette démarche et c’est en préparation de cette réunion que nous souhaiterions vous proposer ci-après de premiers points de préoccupation, afin de pouvoir trouver, ensemble, des solutions.

• Les conséquences pour les personnes allocataires :

- Cette mesure va à l’encontre du besoin de liquidité pour les actes de la vie quotidienne (achats alimentaires en marché, boulangerie, paiement à l’unité de tickets de transports, Laveries, cantines scolaires, 50 centimes demandés par certains accueils de nuits du 115, etc.). Elle aura nécessairement pour effet de reporter les achats vers des commerces proposant des prix plus élevés ou plus éloignés du lieu de vie des allocataires.

- Dans certains commerces et en particuliers en zones rurales, il n’est pas possible de régler ses achats en carte de paiement, ou alors avec un seuil de paiement élevé (en moyenne un minimum de 10 €), ce qui n’est pas compatible avec les faibles ressources de nos usagers et la limitation du nombre de paiement au mois.

- L’obligation d’avoir recours uniquement à des paiements par carte, couplée à la facturation des paiements au-delà de 25 par mois, est particulièrement injuste au vu des faibles ressources dont disposent les allocataires et étant entendu que cette restriction aura précisément pour effet de multiplier les petits paiements.

En somme, sans possibilité d’effectuer des virements ou de retirer de l’argent liquide, cette mesure est une entrave à la libre disposition de l’allocation pour demandeurs d’asile et limite les possibilités d’accès à un mode de vie normal le temps de l’instruction de leur demande, tout particulièrement dans les zones rurales, compliquant de fait le travail d’accompagnement des gestionnaires de structures.

Les conséquences pour les gestionnaires de structures d’accueil et d’hébergement :

- Selon la communication de l’OFII, il est laissé aux gestionnaires le devoir d’information et de conseil auprès des demandeurs d’asile concernant la mise en œuvre de la mesure, et ce dans un délai très contraint. Les usagers ne manqueront pas de solliciter les équipes accompagnantes à la réception du 1er sms mentionné par l’OFII, dans un contexte où la fermeture au public des Directions territoriales de l’OFII sur la question des conditions matérielles d’accueil se répercute déjà fortement sur l’activité des SPADA. La temporalité choisie par l’OFII pour informer les usagers et les gestionnaires de l’entrée en vigueur de cette mesure, en pleine période estivale, est extrêmement compliquée à gérer pour les acteurs de terrain.
La mise en œuvre de ces nouvelles modalités d’ici quelques semaines sera également complexe pour les acteurs de la veille sociale et du dispositif d’hébergement d’urgence généraliste qui accompagnent une part importante des demandeurs d’asile, et qui n’ont pas été destinataires de la communication de l’OFII.

- Par ailleurs, les structures d’accompagnement se verront très certainement sollicitées pour échanger des liquidités auprès de leurs usagers, lesquelles sont indispensables à la gestion de la vie quotidienne (cf. point n°1) ; ce qui ne relève pas des missions dévolues aux dispositifs asile.

- À l’heure actuelle, l’argent liquide est utilisé dans les structures d’hébergement pour encaisser les cautions (échelonnement sur plusieurs mois), le remboursement des avances effectuées avant l’ouverture des droits ADA, ainsi que la participation à des frais pendant l’hébergement. La communication de l’OFII précise que les gestionnaires devront s’équiper d’un TPE pour effectuer ces règlements. Cette obligation est de nature à engendrer des complications techniques (choix du matériel, connexion réseau des établissements, délais de livraison) qui ne pourront être résolues d’ici le 5 septembre 2019, date de mise en œuvre de cette mesure.

- Enfin, cette mesure aura un impact sur les budgets des établissements. À la différence de ce qui est indiqué dans l’information de l’OFII (coût d’un équipement en TPE à hauteur d’environ 20 €), les estimations de coût pour de telles installations impliqueraient plutôt des frais à hauteur de 1000€/an et par TPE, intégrant notamment la location, les assurances et les mises à jour système. En multipliant ce montant par le nombre de sites, c’est une charge non négligeable sans financement complémentaire pour les budgets de ces établissements.

Dans un contexte de réformes successives, où les acteurs de l’asile et de la veille sociale se voient sans cesse contraints d’adapter leurs organisations et leurs pratiques pour être en mesure d’offrir à leurs bénéficiaires des conditions d’accueil et d’accompagnement satisfaisantes, cette modification des modalités de la carte ADA nous paraît une atteinte démesurée aux droits des personnes allocataires ainsi qu’à la qualité du travail des gestionnaires de structures d’hébergement et d’accompagnement.

Pour ces raisons évoquées, nous demandons à l’OFII de sursoir à l’application de la réforme tant qu’une solution alternative n’a pas été trouvée (maintien de la faculté de retrait, recherche de solutions sur le marché privé …). En tout état de cause, et dans un souci d’efficacité, une concertation préalable avec les opérateurs de l’asile est nécessaire.

Nous vous prions d’agréer, Messieurs les directeurs généraux, nos sincères salutations.

 

Florent Gueguen, Directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité
Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile
Jean-Francois Ploquin, Directeur général de Forum réfugiés-Cosi
Arnaud Richard, Directeur général de Coallia
Odile Grellet, Directrice de branche Accès à la vie sociale - CASP

 

Copie :
Raphaël Sodini, Directeur de l’asile, Direction générale des étrangers en France