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Témoignages de femmes réfugiées

Publié le : 22/06/2016

Si les questions liées au logement, à la santé et à l’accès au travail sont communes à la majorité des demandeurs d’asile et des réfugiés, les femmes font face à des épreuves et violences spécifiques, en raison de leur sexe.


France terre d’asile, à l'occasion de la Journée mondiale du réfugié, a collaboré avec un groupe d’une dizaine d’étudiants en Master à Sciences Po Paris, afin d’illustrer, par des témoignages, les choix qu’elles sont amenées à faire, avec ou sans aide extérieure, ainsi que les différentes difficultés rencontrées et leur capacité à développer des stratégies de survie dans un environnement plus ou moins hostile.

 

RF1102094 222411Photo du HCR, une femme réfugiée centrafricaine, © Brian Sokol

 

« C’est dangereux d’être une femme toute seule dans la rue. Pendant longtemps, je dormais à droite à gauche.

J’ai dormi dans le salon d’une “tante” du quartier. Son fils me forçait tout le temps à coucher avec lui, la nuit. Mais pour moi le plus important c’était d’avoir un toit. Très souvent je sortais pour aller dans les parcs à côté pour passer la nuit. Je passais la journée dans le bus. Mais quand j’ai compris que son fils n’arrêterait pas, j’ai été obligée de partir.

Je suis allée voir une association : je passais la journée avec les autres femmes qui étaient là, on était toutes en attente d’avoir une place dans un hôtel pour pouvoir dormir.

Je passais mes journées à attendre. Cela ne fait  que deux mois que je suis en Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile. »

Louise, 40 ans, demandeuse d’asile malienne

L'accès au logement

« C’est rare de voir un demandeur d’asile qui n’a pas dormi dehors. J’ai été dehors 2 mois avant d’avoir une place à l’hôtel.

C’était le printemps mais il faisait froid. On appelait le 115. Quand le 115 nous disait qu’il n’y avait pas de place, on restait dans la rue. On restait jusqu’à minuit, parfois deux heures du matin pour attendre que la Croix Rouge viennent nous chercher.

On dormait avec toutes sortes de personnes, parfois des fous, des alcooliques. Comme j’étais souvent dehors, j’étais souvent malade.

Pendant toute la journée tu es dehors en train d’errer, à taper à toutes les portes pour demander de l’aide. On a vécu ça pendant des mois. »

Bijou, 20 ans, demandeuse d’asile guinéenne

 

 

2015 nov 083 S.KerlidouTrois femmes demandeuses d'asile au Cada de Rouen, © Sonia Kerlidou

 

 

 

 

La difficulté de trouver un emploi

« Avoir un travail, un logement, de l’argent… sans la liberté ce n’est pas important. Ce qui compte d’abord, c’est la liberté. C’est pour ça que j’ai tout quitté...

En Afghanistan, j’étais professeur à l’université et je travaillais sur des projets pour aider les femmes. J’avais un bon salaire, j’étais quelqu’un là bas…

Ici c’est très difficile d’avoir un travail. Quand tu es demandeur d’asile, tu n’as pas le droit de travailler. Même pour les réfugiés c’est difficile : il n’ y a pas beaucoup de travail, il y a le problème de la langue et pour certains, le travail qu’ils faisaient dans leur pays n’est pas utile ici. C’est pour ça que certains réfugiés deviennent déprimés.

Je ne peux pas faire le même travail que je faisais en Afghanistan. C’est normal. Mais je préfère être libre. Ici, je peux respirer. Je n’ai pas de belle maison, mais même si je suis à la rue, je peux respirer.

Je vais continuer à chercher un travail alimentaire mais j’ai un projet : je vais traduire des romans et des poèmes afghans en français, et je vais écrire un livre. Sur une femme dont la vie est un très long voyage. Elle a trouvé beaucoup de choses mais à la fin, elle se rend compte que l’important c’est la liberté. »

Rahil, réfugiée afghane

RF230270 AZ20151117 50603 Photo du HCR, une femme réfugiée, © Achilleas Zavallis 

2015 nov 056 S.KerlidouTrois demandeuses d'asile au Cada de Rouen géré par France terre d'asile © Sonia Kerlidou

Solidarité entre femmes migrantes


Manjou : « Ma communauté c’est mes trois amies qui sont là. Ici, je ne connais pas de personne venant de mon pays, le Burkina Faso. Je pense que c’est même pour ça, parce qu’on n’a pas de communauté à laquelle on peut s’intégrer et qui peut nous aider, qu’on a créé ce petit groupe.

On s’est rencontrées au CADA. Notre assistante sociale nous a proposé un atelier bien être. Et toutes les quatre on a adhéré.

Ce groupe c’est surtout être bien ensemble. Ce soutien est très important, particulièrement pendant la procédure d’asile parce qu’elle est longue. S’il y a des amis qui nous écoutent, à qui on peut parler, ça fait du bien !

Nous nous retrouvons toutes les deux semaines chez l’une d’entre nous. On fait un repas qu’on partage, on cause pendant des heures. On se voit très souvent. Quand on ne se voit pas, on est tout le temps au téléphone. On est comme une famille. »

 

Louise : « Quand on se rencontre on parle de tout. On parle de nos vies au pays, de nos vies ici, de la procédure, de ce qu’on attend de la France. On parle vraiment de tout. Et ça nous fait vraiment beaucoup de bien ! On se donne tout le temps des conseils entre nous. »


Manjou, demandeuse d’asile burkinabée et Louise, demandeuse d’asile malienne

Vivre loin de chez soi et de sa famille

 

« Même si je me sens soulagée d’être ici, en France, loin de ceux qui m’ont persécutée, je voudrais être avec ma famille. Je préfèrerais pouvoir vivre en sécurité dans mon pays, le Bangladesh, où j’étais salariée dans une ONG.
C’est ma maison, ma patrie. La famille, c’est comme des racines, et, sans racines, un arbre ne peut pas vivre. C’est pour ça que j’aimerais beaucoup que quelqu’un puisse venir vivre avec moi.

Je suis maintenant si loin de ceux qui m’ont fait du mal, mais tout cela m’inquiète encore. En arrivant en France, je n’ai pas ouvert mon compte Facebook tout de suite, mais je ne peux pas rester longtemps sans communiquer avec ma famille et, sans Facebook, on ne peut pas communiquer. C’est pour ça que je l’ai ouvert : j’ai pensé que je pouvais le faire car j’étais loin maintenant, mais j’ai encore peur.

Je sais que les hommes qui voulaient me tuer au Bangladesh ont essayé de me retrouver en France, et c’est pour ça que je fais très attention et que je prends beaucoup de précautions pour communiquer avec ma famille. C’est difficile, très difficile. »


Rita, 25 ans, réfugiée du Bangladesh

 

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Les témoignages ont été transcrits et adaptés par Camille Dancoisne, Olivia Nantermos, Cloé Marsick, Eva Canan et Inès Bahri.

En savoir plus sur les femmes réfugiées

- Le droit d'asile au féminin, publication de France terre d'asile

- Rencontre avec les réfugiées de Calais, Article de Elle