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Derrière le drame de Pantin, l'échec de l'aide au retour

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Une semaine après la mort de 6 migrants Nord-Africains dans l'incendie d'un squat de Pantin, les associations de soutien aux immigrés sans papiers dénoncent les incohérences de la politique dite d'Aide au retour volontaire.

"Des démarches systématiques de proposition d'aides au retour aux personnes déboutées du droit d'asile devront être mises en oeuvre”: par cette note adressée à l’Office français de l’immigraion et de l’intégration (Ofii) le 1er septembre, le ministre de l’intérieur Claude Guéant affirmait vouloir augmenter le nombre de reconduites volontaires des migrants dans leur pays d'origine. Un mois plus tard, dans un squat insalubre de Pantin, six immigrés venant d'Egypte et de Tunisie trouvaient la mort à cause d’une bougie mal éteinte. Au-delà du manque de places en hébergements d’urgence, ce drame pose le problème de l'incohérence de la politique dite d’Aide au retour volontaire (ARV).

"Personne ne risque sa vie pour 2000 €"

Imaginée dès 1977, élargie et augmentée par Nicolas Sarkozy alors qu’il était ministre de l’intérieur, l’aide au retour des migrants en situation irrégulière doit contribuer au développement du pays d’origine grâce à un pécule personnel, versé par le gouvernement français. Il s’agit donc d’une d’apporter une vue à plus long terme au problème des flux migratoires, tout en débarassant aux yeux de l'opinion publique les expulsions d’une partie de leur inhumanité. Mais cette aide, d’un montant de 2000€ pour une personne seule ou 3500€ pour un couple, n’est pas proposée spontanément, et doit être demandée auprès de l’Ofii.

Une démarche qui prend du temps, trop pour certains des squatteurs de Pantin. “Quelques-uns avaient entrepris des démarches”, confie un membre du Refuge, association d’aide au migrants basée deux pas du squat.“Un Egyptien, qui voulait rentrer, nous avait confié son dossier, il était complet. Il est mort maintenant.” Le total de ces pensionnaires de fortune se montait à vingt-quatre, et six ont disparu ce matin-là: quatre Tunisiens et deux Egyptiens. Tous n’étaient pas dans la même situation: l’un d’eux avait une carte de séjour valide, plusieurs voulaient rentrer. D’autres, parmi les Tunisiens, avaient refusé l’offre de retour volontaire. La peur sans doute de rentrer au pays, mais surtout l'effet d'une douche froide: la baisse drastique du montant de l’ARV vers la Tunisie, passée en juin de 2000 à tout juste 300€.

"Une mesure irresponsable", pour l’association France terre d’asile, qui s’occupe du droit des migrants arrivés dans l’hexagone. Selon son Directeur Général Pierre Henry, il s’agit non seulement d’une décision illégale, mais aussi totalement contre-productive: “Le gouvernement a justifié cette mesure par les réductions budgétaires, mais aussi le risque d’appel d’air, qui entrainerait l’arrivée de nouveaux migrants venus de Tunisie. C’est ridicule! Personne ne vend ce qu’il possède et risque sa vie pour si peu d'argent.” A 300€, la prime au retour devient presque dérisoire au regard de la rançon versée à un passeur pour traverser la méditerranée: entre 1000 et 1200€.

Un exil temporaire

Dès le mois de juillet, la mairie de Paris a réagi en complétant l’aide de l’Ofii par une enveloppe de 700 euros, versée à chaque Tunisien bénéficiaire de l’aide au retour. Mais l’offre, limitée à une centaine de dossier, est rapidement épuisée. Ceux qui restent sont dans l’impasse. “Même si le calcul est difficile, on peut estimer que sur les vingt-trois mille arrivés à Lampedusa, huit mille sont passés en France, dont la moitié sont en région parisienne. Et je pense qu’il sont entre un quart et un tiers à vouloir rentrer immédiatement, si on compense les frais de leur voyage ”, selon Pierre Henry. Mille personnes, peut-être un peu plus: un chiffre à comparer aux quatre mille retours volontaires accordés par l’Ofii en 2010, principalement à des Afghans et des Irakiens.

L’autre face du drame de Pantin réside dans ces chiffres : on a privé les réfugiés tunisiens d’une aide au retour de plein droit, alors qu’ils sont arrivés en grande majorité en avril-mai, dans la peur de l’après-révolution. Un exil temporaire, comme le confirme l'association Le Refuge:”Chez les anciens du squat, presque tous veulent repartir, même les Tunisiens.Aujourd’hui logés dans le stade de Pantin par la mairie, les seize rescapés du squat attendent que l’Ofii s’occupe de leur dossier en priorité. En militant pour un meilleur fonctionnement de l’ARV, France-Terre d’Asile est parfois critiquée par les autres associations d’aide aux migrants, qui y voient une manière pour le gouvenement de gonfler les chiffres des expulsions."

Un argument insuffisant, pour Pierre Henry:”Je n’ai pas de problème avec l’aide au retour. Alors on me dit parfois que je suis l’idiot utile. Vaut-il mieux être l’idiot ou le criminel? Le maintien dans la précarité de ces gens, sans solutions de retour, c’est une erreur dramatique et dangereuse du ministère de l’intérieur. Il faut à la fois un dispositif d’accueil temporaire digne, et une aide au retour volontaire efficace.” Le squat de Pantin est l’expression de ces deux manques.

Matthieu Balu

La Vie, 04/10/2011