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Les suites de la visite du ministre Eric Besson à Calais + réactions de Pierre HENRY

Calais : Besson annonce des opérations "coups de poing" contre les filières clandestines

 Le ministre de l'Immigration Eric Besson a annoncé jeudi à Calais plusieurs mesures destinées à lutter contre les filières d'immigrations clandestines, notamment le démantèlement progressif d'ici à la fin de l'année de la "jungle", une zone boisée proche du port qui abrite dans des conditions précaires et insalubres des centaines de migrants espérant rejoindre la Grande-Bretagne.

"Ce sont des territoires livrés à de véritables mafias locales", a-t-il estimé, insistant sur le fait que l'Etat devait "reconquérir ces zones de non-droit". Aussi, "nous démantèlerons la 'jungle' progressivement d'ici à la fin de l'année".
Les migrants qui transitent à Calais vers l'Angleterre se réfugient soit dans les abris de fortune de la "jungle", soit dans des squats de la ville. Le ministère reconnaît que le nombre de migrants sur place à Calais a doublé depuis un an, atteignait les 800, un chiffre qui n'a jamais été aussi important depuis la fermeture de Sangatte il y a six ans.
D'autres "jungles" moins importantes ont été identifiées sur le littoral de la Manche et de la Mer du nord autour des ports qui permettent aux migrants de partir clandestinement vers la Grande-Bretagne.
Le ministre compte sur l'envoi à Calais, sept jours par mois, de dix enquêteurs de l'OCRIEST (Office central de répression de l'immigration des étrangers sans titres) spécialisés dans le démantèlement des filières clandestines. Selon Daniel Duboit, directeur central adjoint de la Police aux frontières, 101 filières ont été démantelées en France et 5.000 membres de ces réseaux interpellés en 2008, dont 350 dans le Calaisis.
En revanche, Eric Besson a rejeté toute idée d'ouverture d'un centre d'accueil pour migrants. "Il n'y aura pas de nouveau Sangatte, ni même de mini-Sangatte", a-t-il insisté, estimant que "l'ouverture d'un tel centre appellerait l'arrivée d'un nombre encore plus grand de clandestins et de filières, et ne ferait qu'aggraver la situation humanitaire".
Pour faire face à une situation sanitaire qui se dégrade jour après jour, M. Besson a toutefois annoncé un "schéma humanitaire en six points", comprenant notamment l'ouverture de "centres d'informations", de "soins" et d'"accueil pour personnes fragiles", mais en des points "situés au moins à dix kilomètres de Calais".
Le maire de Calais Natacha Bouchart (UMP) s'est vu promettre par le ministre une enveloppe de huit millions d'euros pour financer le développement local en contrepartie des nuisances subies par la ville par la présence des migrants. "Ces annonces vont contribuer à redonner à la ville un état d'esprit plus serein, en amenant le geste humanitaire tout en supprimant les dispositifs de squat", a-t-elle commenté.
"Dire qu'on va démanteler la 'jungle', je ne peux qu'applaudir", a réagi le directeur général de France Terre d'Asile Pierre Henry, joint par Associated Press, "mais immédiatement derrière, je pose la question des mesures d'accompagnement". Selon lui, les mesures annoncées jeudi ne feront que "déplacer le problème de quelques kilomètres". "Les migrations ne vont pas s'arrêter en provenance d'Afghanistan parce qu'on a décidé de quelques mesures policières", a-t-il ajouté, demandant la mise en oeuvre d'une "politique équilibrée au niveau européen".
"On détruit le seul endroit où 800 jeunes âgés de 15 à 25 ans pouvaient se reposer", a déploré Monique Delannoy, présidente de La Belle Etoile, l'une des principales associations d'aide aux migrants à Calais. "Dans les mois à venir, il risque d'y avoir une montée de la violence non seulement envers la police mais surtout entre les migrants qui vont se battre pour se déloger mutuellement".
Eric Besson a en outre annoncé qu'en juin prochain, un plan complet serait présenté afin d'assurer "l'étanchéité" la plus forte possible du port de Calais et de l'entrée du tunnel sous la Manche. Il a aussi annoncé un renforcement des contrôles autour de la gare du Nord et de la Gare de l'Est, à Paris, ainsi qu'une coopération accrue avec l'Allemagne et l'Italie.
Constatant "le choix fait par nos amis britanniques de ne pas adhérer à la 'zone Schengen' à l'intérieur de laquelle les contrôles aux frontières ont été supprimés", il a estimé que la Grande-Bretagne devait prendre "une part plus grande dans le contrôle de leur frontière."

Le ministre a promis de revenir à Calais "d'ici la fin de l'été" pour présenter "l'état final" de ses propositions.

Le Nouvel Observateur avec Associated Press, le 23/04/2009


Calais : "On a juste déplacé le problème"


Quelques heures après la visite à Calais du ministre de l’immigration Eric Besson, deux acteurs de terrain livrent leurs sentiments sur la situation des migrants à Calais.
Selon eux, la principale "urgence" est d’offrir une alternative "crédible et humaine" à la centaine de migrants présents depuis plusieurs mois dans les environs de Calais.

David Sart, secrétaire départemental du syndicat Unsa-Police

"J’ai malheureusement l’impression que depuis la fermeture de Sangatte, on a juste déplacé le problème de place. Pourtant, je n’ai pas l’impression que cette situation se résume à un aspect national, mais plutôt à un point de vue européen. Il faut un dialogue politique.
Les migrants sont victimes de passeurs qui se font de l’argent sur leurs dos. D’un point de vue policier, on fait notre travail de maintien de l’ordre, mais ce ne sont pas les effectifs de police qui peuvent à eux seuls endiguer ce phénomène, même si nous aurions besoin de davantage de moyens humains et techniques. Nous faisons notre travail le mieux possible, mais beaucoup de paramètres ne dépendent pas de nous."

 

Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile

" Concernant la 'jungle', je ne peux pas m’opposer à la fermeture d’un lieu indigne. La vraie question est de savoir que fait-on ensuite ? On sent bien une forme d’impuissance dans les déclarations du ministre, car Calais est aussi un échec européen.
C’est aussi le fruit de l’égoïsme Britannique, et de la stratégie de la 'patate chaude' de certains pays comme la Grèce et l’Italie. Il ne peut pas avoir de réponse humanitaire sans réponse politique. Les solutions ? Il faut renoncer à l’application systématique du règlement Dublin, qui empêche les gens de déposer une demande d’asile en France.
Il faut aussi une réponse de solidarité européenne, car Calais n’est pas le problème d’un seul pays. Enfin, il faut une identification du besoin de protection de ses populations, au sens de la convention de Genève. Il faut répartir les gens et les héberger dignement ."

Adrien Cadorel
dans Metrofrance, le 23/04/2009


Immigration - La loi de la "jungle", c'est fini


Eric Besson veut fermer la « jungle ». En visite hier dans la région de Calais, le ministre de l’Immigration a annoncé son intention de prendre des mesures pour démanteler, avant la fin de la l’année, la « jungle », un terrain où des centaines de clandestins transitent avant d’embarquer vers l’Angleterre.
Environ 800 migrants, principalement des Afghans et des Irakiens y survivent, souvent avec l’aide de la population locale. Depuis quelques mois, selon Natasha Bouchart, la maire de Calais, la situation serait devenue « intenable », avec un « doublement » de l’afflux des réfugiés.

Multiplication des opérations de police

De 1999 à 2002, le centre de rétention de Sangatte, bien vite débordé, était le refuge des migrants. Depuis sa fermeture, c’est dans la zone industrielle des Dunes, au nord-est de Calais, que les réfugiés survivent dans des abris de fortune. Des tentes faites de bric et de broc, abritées dans les sous-bois, où les migrants peuvent rester plusieurs mois. Leur espoir : rejoindre clandestinement l’Angleterre, notamment en montant à bord de camions ou de ferries.
« Il n’y a pas assez de pressions de la police sur les passeurs et les filières clandestines », a expliqué hier Eric Besson, qui entend multiplier les opérations coups de poing dans la zone. Mardi dernier, déjà, près de 200 migrants avaient été interpellés dans la région, au cours d’une vaste opération impliquant près de 500 policiers et gendarmes. Tous ont été relâchés, et une dizaine a été placée dans des centres de rétention pour des raisons administratives.

« Six mesures concrètes »

Restait à savoir quelle solution alternative à la « jungle » serait proposée par le gouvernement. Si la construction d’un nouveau Sangatte est exclue, « six actions concrètes » vont être mise en œuvre. Le ministre a ainsi cité « un point de recueil de demandes d’asile qui devrait être opérationnel le 5 mai », « un point de distribution de repas », ou encore un autre « permettant l’accès aux soins ».
Par ailleurs, Eric Besson a annoncé que « huit millions d’euros d’aide seront engagés à Calais dans le cadre d’un plan de relance ». Le plan de démantèlement de la « jungle » sera bientôt proposé par les services locaux de l’Etat, sans plus de précision pour le moment.
Ces actions humanitaires suffiront-elle à faire disparaître la « jungle » ? Pierre Henry, directeur général de l’asociation France Terre d’asile, est sceptique : « Ce sont les manquements de l’Etat, depuis 2002, en termes de mesures d’accompagnement, qui ont généré cette situation, explique-t-il.
Plutôt que d’en finir avec la « jungle », elle sera, au mieux, déplacée… Désormais, il faut une réponse au niveau européen, tant chaque pays joue la stratégie de la patate chaude, en se renvoyant les migrants. Surtout, la politique égoïste et sécuritaire de l’Angleterre transfère le problème sur les côtes françaises. »
Sur ce dernier point, Eric Besson a souhaité hier que « la Grande-Bretagne prenne une part plus grande dans le contrôle de sa frontière avec l’espace Shengen ».
Une stratégie commune, entre la France et la Grande-Bretagne pourrait être adoptée lors d’un sommet prévu le 6 juillet. En attendant, les candidats à l’eldorado britannique continuent d’affluer, fragiles et épuisés, sur la côte du Calaisis.
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Mohamad, 11 ans, réfugié afghan à Paris

Petit, fluet, Mohamad a déjà le regard d’un homme de cinquante ans. Avec l’aide d’un traducteur, il nous raconte son histoire. « Je m’appelle Mohamad. J’ai onze ans. J’habitais un village à côté de Djalalabad, à l’est de l’Afghanistan. J’ai dû quitter ma famille il y a huit mois parce que mon grand frère, interprète pour l’armée américaine, a été tué par les talibans. Ma famille a pris peur et m’a encouragé à fuir à l’étranger pour que je ne sois pas tué à mon tour. J’ai trouvé un passeur qui m’a fait confiance car je n’avais pas assez d’argent pour le payer. Il m’a emmené en Iran, avec six copains de mon village. De là, nous avons été en Turquie. On a fait une partie du chemin à pied. De temps en temps on travaillait chez des paysans pour gagner un peu d’argent et avoir un repas. Nous sommes ensuite passés par la Grèce, pour arriver en Italie. Là, la police nous a arrêtés. J’ai réussi à m’évader. J’ai fait le reste du chemin accroché sous un camion. Un de mes copains a fait la même chose, mais il a dû s’endormir, il a lâché prise et s’est fait écraser…

« Je marche pour avoir moins froid »

Il y a cinq jours que je suis à Paris. Cinq jours que je marche dans les rues jour et nuit pour avoir moins froid. La nuit, quand je suis trop fatigué, je m’adosse à un mur du jardin Villemin, à côté de la gare de l’Est, avec les autres Afghans, et j’essaie de dormir. Hier soir, j’ai fait la queue pour monter dans les bus place du Colonel-Fabien avec un ami, le seul qui me reste. Il vient du même village que moi. Lui avait le droit de monter car il a 18 ans. Moi, ils m’ont refusé car je suis encore un enfant et qu’il paraît qu’il y a des foyers spéciaux pour les enfants. Je ne sais pas où. Mon copain est descendu du bus pour ne pas me laisser tout seul. Ce que je veux ? Partir en Angleterre avec mon ami qui a un cousin là-bas. Mon grand frère m’avait toujours dit d’y aller. Et puis, tous les Afghans disent que là-bas, c’est mieux qu’ici. Je veux aller à Calais, puis en Angleterre, étudier et travailler pour gagner de l’argent et en envoyer à ma famille ».

Demain, à 15 heures, Amnesty International organise une manifestation place Michelet, à Paris, en faveur du droit d’asile, pour que les réfugiés afghans ou irakiens ne soient plus condamnés à vivre dans la rue. L’association fera écouter aux passants des récits de réfugiés comme celui-ci, racontés par des acteurs.
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Aider les sans-papiers n’est pas sans risque


D’après les textes législatifs, aider un migrant peut coûter cher. L’article 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers stipule que « toute personne ayant, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France » encourt cinq ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

Dans les faits, la loi n’est pas aussi dure. Eric Besson, ministre de l’Immigration, a longtemps répondu aux associations que les bénévoles n’étaient jamais condamnés. Faux, répond le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) qui vient de publier une liste d’une trentaine de personnes condamnées pour avoir aidé les sans-papiers, avec des peines allant de l’amende à la peine de prison avec sursis.

Thomas Saintourens
dans France Soir, le 24/04/2009

Eric Besson veut détruire le campement de migrants à Calais


En déplacement hier à Calais, Eric Besson a annoncé le démantèlement du campement sauvage installé par des centaines de migrants dans la localité. Une mesure qui laisse dans l'ombre la question de l'asile au niveau européen.


Le 27 janvier, Eric Besson, en déplacement à Calais, avait promis qu'il reviendrait d'ici à quelques semaines avec des « solutions » au problème des centaines de migrants, le plus souvent Afghans ou Irakiens, qui errent dans la région en attente d'un éventuel passage clandestin en Angleterre. Depuis la fermeture de Sangatte en 2002, plus aucune structure d'accueil n'est en mesure de les accueillir. Or le flux ne s'est guère tari, de l'aveu de Natacha Bouchart, maire(UMP) de la ville : « Depuis quatre ou cinq semaines, l'afflux de réfugiés a doublé et la situation économique de Calais ne nous permet pas de le supporter. » Devant le ministre, des chefs d'entreprise se sont également plaints « d'agressions quotidiennes contre des salariés ».

« Une réponse de court terme »

La solution d'Eric Besson est de « fermer la «jungle» » de Calais, c'est-à-dire détruire le campement de fortune installé par les migrants à côté du port. « Nous ne laisserons pas la situation se dégrader et vous ne serez pas obligés de fermer vos entreprises », a-t-il déclaré pour rassurer les patrons de la localité, en ajoutant que « la «jungle» doit avoir disparu d'ici à la fin de l'année ». Des opérations similaires à celles qui a eu lieu mardi, où près de 200 Afghans ont été arrêtés par la police, devraient également se répéter. Le ministre a ajouté que « des mesures humanitaires seront prises », par exemple « un point de recueil de demandes d'asile », des distributions de repas, un accès aux soins, ainsi qu'un « point d'accueil supplémentaire pour les personnes les plus fragiles », femmes et enfants notamment.

Des annonces qui laissent perplexes les associations : « Une réponse humanitaire de court terme ne sert à rien si elle n'est pas menée de front avec une réponse politique au niveau européen », juge Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile. Un grand nombre des exilés de Calais, au vu de leur nationalité, pourraient en effet obtenir le statut de réfugié en France, mais « ils ne souhaitent pas rester en France », selon le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale.
Une demi-vérité. Si peu de demandes d'asile sont initiées par ces migrants (276 Afghans seulement ont obtenu le droit d'asile en France l'an passé, or ils seraient près de 400 uniquement à Calais), c'est aussi parce que le règlement de Dublin II, qui régit la procédure de demande d'asile en Europe, impose que ces demandes soient instruites dans le pays d'entrée dans l'UE. Les demandeurs d'asile en France sont donc le plus souvent réexpédiés vers la Grèce et Malte, où le taux de reconnaissance est proche de zéro. « Aucun des Etats européens n'a vraiment la volonté de changer ce système, qui arrange la plupart des pays, déplore Pierre Henry. A deux mois des élections européennes, c'est déplorable de voir qu'il n'y a pas plus de coordination sur le sujet. »

MARIE BELLAN
dans Les Echos, le 24/04/2009