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L'Europe conservatrice (...) un modèle de repli sur les egoïsmes nationaux

Les murs de l'échec

Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile

Obnubilée par la question sécuritaire, l'Europe tend à oublier qu'à sa création, l'accueil et la protection des personnes persécutées figuraient en bonne place dans la corbeille commune. La Grèce aligne les condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme pour les mauvais traitements infligés aux étrangers. L'Italie amalgame avec dextérité immigration et criminalité. Les effets les plus visibles de ces discours nous parviennent de Calabre, sous forme de chasse à l'homme.

Le Royaume-Uni se protège des flux migratoires en externalisant ses frontières à Calais et n'hésite pas à multiplier les renvois d'étrangers vers les pays en guerre. La France assure un buzz médiatique permanent avec ses quotas annuels d'expulsés, son débat liant identité et immigration ou encore en manifestant son effroi devant l'arrivée de 124 Kurdes sur une plage corse.

De Pologne, d'Espagne ou de Malte, nous arrivent ces images de migrants bloqués sur terre ou sur mer par des murs technologiques ou physiques. Il faut voir là non la conséquence d'un déferlement sur l'Europe, mais plutôt celle d'un repli communautaire de l'Union. Le monde entier ne migre pas et l'Europe n'accueille pas toute la misère du monde.

Le nombre de demandes d'asile a été pratiquement divisé par deux en dix ans en Europe pour s'établir à 250 000 en 2009. Mais les dépenses pour la surveillance des frontières explosent. Là où une stratégie d'intérêt partagé serait nécessaire, l'Europe conservatrice nous mène à l'échec avec un modèle de repli sur les égoïsmes nationaux.

 

Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile

Alternatives Economiques n° 289 - mars 2010