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CP/ Afghanistan : le Conseil d’administration de France terre d’asile prend la parole

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Après la Syrie, l’Afghanistan ?

On peut comprendre ce sentiment de répétition qui s’exprime, tant les conflits dans le monde d’aujourd’hui s’éternisent, et les populations qu’ils déplacent ne trouvent d’autre solution que l’exil. La France, comme les autres pays européens, destination pourtant marginale de ces exilés, peine à s’organiser pour les accueillir.

C’est le rôle de notre association, France terre d’asile, de réagir contre une telle absence de pensée et d’action.

Notre première réaction a été une réponse à la situation d’urgence créée par la prise de pouvoir par les Talibans, vue à travers les images de l’aéroport de Kaboul après le 15 août.

France terre d’asile a été la première association à se voir confier l’accueil des Afghans évacués par la France depuis Kaboul en même temps que les Français rapatriés, avant que d’autres associations en prennent le relais. Non sans se rappeler, en cette année de notre 50è anniversaire, l’accueil des réfugiés chiliens et vietnamiens des années 70 et 80. À l’aéroport, les équipes de France terre d’asile ont accueilli les personnes à leur arrivée (une centaine chaque jour), en pourvoyant à leurs besoins essentiels, avant de les héberger en région parisienne. Notre association assure aujourd’hui la prise en charge de près de 500 personnes. Les dons individuels, mais aussi via des associations et entreprises, et les concours de bénévoles affluent. Leur orientation vers une demande d’asile et le Dispositif national d’accueil sera facilitée par des informations fournies par l’OFII sur le lieu d’hébergement.

Nous sommes devant un pays où, à la suite des Etats-Unis, la France est intervenue longuement, de 2001 à 2014, pas seulement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international, aussi dans l’idée d’aider à reconstruire ou construire une société démocratique. Nous avons envoyé des soldats, mais aussi contribué à une nouvelle constitution, pleinement participé à la conférence de Bonn (décembre 2001), formé des juges, évoqué voire invoqué le sort et les droits des femmes afghanes. Comment regarder ailleurs quand les choses tournent mal ?

Pourtant, pas plus que d’autres, nous n’avons de certitudes sur ce que sera la suite. Malgré les nombreux commentaires à ce sujet, nous ne savons pas vraiment à quoi ressemblera l’exil attendu des Afghans : lesquels et combien ? Ceux que 40 années de conflits ont déjà déplacés de l’intérieur du pays vers Kaboul ? Ceux qui cherchent à rejoindre leurs parents ou proches qui ont déjà trouvé asile ou travail en France (45 000), en Europe, à Los Angeles, ou dans les pays voisins qui les connaissent déjà comme réfugiés ou comme main d’œuvre immigrée (le Pakistan, l’Iran) ? Le précédent syrien ne donne pas vraiment les clés.

Avenir mal connu, donc, et plein d’incertitudes, que ne lève pas la peur de l’immigration, exploitée autour de nous parfois à des fins électorales, même dans les pays qui ont une dette envers la population afghane.

À France terre d’asile, nous pensons que cet avenir doit être davantage pensé et organisé.

Une fois passée la première urgence humanitaire, celle des rapatriements et des évacuations, va se poser la question de l’asile et des actions à mener pour assurer le droit d’asile, et pour protéger le plus grand nombre possible de celles et ceux qui veulent quitter l’Afghanistan.

Pour les Afghans, la donne a changé : la protection internationale qu’ils obtenaient le plus souvent au titre de l’insécurité dans leur pays d’origine (la « protection subsidiaire ») pourrait leur être accordée désormais au titre des risques de persécution encourus (convention de Genève).

Il sera nécessaire mais non suffisant, pour les pays qui ont signé cette convention, d’accueillir  les défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, menacés en raison de leur engagement, notamment à nos côtés. Il ne sera pas conforme à cette convention, ni à la Convention européenne des droits de l’homme, de refouler les migrants afghans qui arriveront en demandant l’asile. Et il y a clairement des limites à ce qui peut se négocier avec les pays voisins ou de transit pour qu’ils deviennent pays de destination.

Nous estimons que la France, qui a joué un rôle en Afghanistan, et qui est devenue depuis 2018 un des pays qui accueillent et reconnaissent le plus grand nombre de demandeurs d’asile afghans en Europe, devra prendre, comme beaucoup l’ont déjà dit, « sa part » de cet asile. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme vient de rappeler que la protection du droit d’asile est au cœur des valeurs de la France, et ne peut se confondre avec la gestion des flux migratoires.

Elle devra pour cela travailler à améliorer les voies d’accès à la procédure d’asile, en favorisant la délivrance de visas d’entrée sur son territoire à cette fin, en proposant de participer à des programmes de réinstallation, en améliorant même le sort des réfugiés déjà présents en France. S’imposera une attention particulière au sort et aux droits des femmes afghanes, enjeu que traduit leur part dans la demande au titre de la réunification familiale. Le premier inventaire que nous faisons (en annexe ci-dessous) montre qu’il existe des marges d’initiative pour organiser des voies légales et sécurisées pour l’accueil des Afghans en besoin de protection internationale, avant qu’ils ne se jettent eux-mêmes sur les routes de l’exil.

Pour une part, ces initiatives sont tributaires de négociations internationales. C’est aux Nations unies et au Haut-Commissariat pour les réfugiés de coordonner les actions en faveur du peuple afghan. L’Union européenne doit de son côté retrouver ses marques dans la défense du droit d’asile, avec ses moyens propres. Nous demandons notamment, si l’afflux de personnes déplacées ou en demande de protection devait se confirmer, que soit examinée la mise en œuvre de la directive du 20 juillet 2001 sur la protection temporaire. La France, qui prend pour six mois en 2022 la présidence de l’UE saura-t-elle sortir l’Europe d’un constat d’impuissance ?

Les contacts que France Terre d’Asile a développés ces dernières années avec les associations, ONG ou villes des autres pays européens les plus concernés nous ont convaincus que nous ne sommes pas seuls à poser ces questions, et à vouloir agir.

Contacts presse : Hélène Soupios-David, Directrice Plaidoyer : 07 63 57 72 73

 

 

Note aux journalistes – Les voies d’accès à la procédure d’asile en France

- La France peut favoriser l’entrée sur son territoire, pour y demander l’asile ou pour rejoindre un conjoint ou un parent déjà bénéficiaire d’une protection internationale en France dans le cadre de la réunification familiale, par des visas d’entrée de long séjour, délivrés soit par ce qui reste de l’ambassade à Kaboul (dans un aéroport quasi inaccessible) soit dans les consulats de la région (ce qui suppose la possibilité de sortir du pays). Les visas « asile » ne sont pas de droit, mais le ministère des Affaires étrangères peut définir des orientations générales favorisant à la fois l’accès à ces postes diplomatiques et consulaires, et la délivrance par eux de ces visas. En ce qui concerne la réunification familiale elle est garantie par la convention de Genève et le droit européen.

- La France peut proposer de participer, comme d’autres pays l’ont déjà annoncé pour ce qui les concerne, aux programmes de réinstallation que le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) met en œuvre généralement à partir des pays voisins. Les « couloirs humanitaires » mis en œuvre par des réseaux d’ONG peuvent jouer le même rôle. Conditions : la capacité des Afghans à quitter leur pays ; la capacité, notamment pour le HCR, d’intervenir et d’opérer dans les pays tiers voisins.

- Le France a des responsabilités nouvelles de protection vis à vis des Afghans déjà parvenus en France : pour adapter leur statut aux réfugiés qui ont obtenu une protection subsidiaire mais demanderont la protection, plus durable, accordée à ceux qui pourraient désormais faire valoir des risques de persécution ; et pour tirer les conséquences de l’impossibilité juridique de renvoyer les Afghans déboutés de leur demande ou pour reconsidérer la possibilité de leur transfert en application du règlement Dublin.