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a propos de l'Afghanistan.. sur les blogs


Kaboul-Square Villemin-Kaboul


« J’ai 22 ans et au cours de ma vie je n’ai pas encore vécu une seule bonne journée. » Wahid, un des Afghans expulsé de France dans un charter franco britannique n’a qu’une idée en tête: repartir. Dans son hôtel de Kaboul, transi par la pluie glacée qui s’infiltre partout,  nous sursautons à chaque coup de tonnerre qui résonne comme le bruit des roquettes qui se sont abattues ce matin sur l’hôtel Serena.

Kaboul est triste et boueuse, les kamikazes de ce matin ont vidé les rues et le jeune homme n’y connaît plus personne. De Kaboul au square Villemin, à côté de la gare de l’est, le voyage lui aura pris trois ans. Trois ans aux mains des contrebandiers baloutches, des douaniers grecs qui par trois fois le ramènent à la case départ, des passeurs turcs ou hongrois, qui à chaque fois prélèvent leur dîme. Il doit travailler à chaque étape, à chaque refoulement,  sisyphe de l’errance, pour pouvoir continuer. Ses camarades d’infortunes, plus riches, n’ont mis que quelques mois à faire le voyage. Parce qu’ils ont menti sur leur région d’origine, ils ont même obtenu un permis de séjour en France: « moi je n’ai pas voulu mentir. Je pensais que  ma vérité était suffisamment grave » Grave et compliquée comme souvent en Afghanistan. Car ce ne sont pas les Talibans qui veulent tuer la famille de Wahid, mais les alliés des Américains, des commandants du groupe de Massoud…A Bagram, le père de Wahid cuisait le pain des talibans avant 2001. Un jour, sous la menace, il a du dénoncer un commandant de l’Alliance du nord de son village qui préparait un complot contre les talibans. Aujourd’hui le commandant dénoncé est devenu le chef de la police de Bagram, il a juré de se venger et la famille de Wahid a trouvé refuge en Iran…C’est sa mère qui l’a envoyé vers la France. « Depuis que je suis petit je vis sur une ligne de front. Un jour je vivrai dans un pays en paix, peut être la Norvège ? » Que c’est triste Kaboul un jour d’attentat, de pluie et d’espoir déçu.


par Sara Daniel, 28.10.2009

photo:©2009 Corentin FOHLEN/pour le Nouvel Observateur/ Fedephoto
tiré de http://sara-daniel.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/10/28/kaboul-square-villemin-kaboul.html


 

Réfugiés ou déserteurs ?



Jean-Dominique Merchet, sur son blog Secret Défense, se fait écho des réactions d'officiers généraux en deuxième section face à la polémique suscitée par l'expulsion hors du territoire français de civils afghans en situation irrégulière. Il convient avant de lire ce qui va suivre de prendre au préalable connaissance de ces déclarations.

Sans rentrer en aucune manière dans la polémique en ce qui concerne la pertinence ou non de l'expulsion de ces personnes, il semble donc important de revenir sur les propos tenus à l'égard de ceux-ci par plusieurs généraux (2S), et ce de la manière la plus apaisée possible. Ceux-ci, en substance, font reproche aux réfugiés afghans d'avoir fui un combat juste pour leur pays en préférant à celui-ci le confort matériel de la société occidentale.

Nous nous permettons de manifester notre désaccord sur le fond comme sur la forme quand à ces déclarations. Sur la forme d'abord. Ces propos manifestent certes l'empathie légitime et louable que ressentent ces grands soldats à l'égard de leurs frères d'armes de tous grades engagés dans une lutte difficile en Afghanistan, à laquelle nous nous associerons toujours ici. Cependant, à notre sens, ils ne contribuent pas à apaiser le débat ; au contraire ils attisent une polémique dont il serait préférable de faire l'économie, puisqu'elle masque les véritables questions que soulève la présence de réfugiés afghans sur le territoire français. Ces questions de fond sont donc également une cause de désaccord. Que l'ensemble des volontés et des énergies soit nécessaire pour accomplir l'objectif d'un A

fghanistan en paix et prospère, on ne peut que le souhaiter. Que cet objectif doive en premier lieu être poursuivi avec toute l'énergie possible par les Afghans eux-mêmes, il s'agit là également d'une conviction. Mais que l'on puisse en conclure que tout Afghan ne prenant pas part au combat contre les Talibans est un lâche ou un traître, nous ne l'admettrons pas. Il ne s'agit pas ici de " bien-pensance ", à laquelle nous ne pensons pas avoir habitué le lectorat de ce blog. Cet avis est au contraire fondé sur un ensemble de raisons qui relèvent à la fois du pragmatisme et de l'éthique, par opposition au jugement moral dont ces déclarations relèvent.

La première de ces raisons est pratique. Quel que soit le conflit, et quel que soit le pays concerné, il est illusoire d'espérer que l'intégralité d'une population soit disposée à faire le sacrifice suprême, et ce quelle que soit la justesse de la cause. Sur ce point, aucun pays ne nous semble en mesure de donner des leçons. Une seconde raison d'objecter à un tel jugement est que les personnes concernées ne sont pas des soldats. Cet état de fait à plusieurs conséquences. La première est bien évidemment que des civils ne peuvent être considérés comme des déserteurs, statut qui est celui d'un soldat qui quitte son poste de manière non autorisée. La seconde est liée au droit international, et au statut que celui-ci accorde aux réfugiés de guerre.

L'attribution de ce statut n'est fondée que sur la réalité de la menace sur la vie d'un individu qui le revendiquerait, et non sur son aptitude ou non à participer à la lutte en cours dans son pays. Ici il nous semble que le jugement moral ne devrait pas entrer en ligne de compte. Si tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, un lâche a autant le droit au statut de réfugié que le plus courageux des hommes, que cela nous plaise ou non. Mais la dernière, et la plus importante, des raisons pour laquelle nous objectons au jugement porté est éthique.

Notre engagement en Afghanistan, dit le général Le Borgne, n'est pas tant lié à notre propre défense qu'à celle du peuple - des peuples - d'Afghanistan. Soit. Mais dans ce cas, dès l'instant où le premier soldat de l'OTAN a posé le pied en Afghanistan, nous nous sommes implicitement engagés à protéger les citoyens de ce pays des menaces qui pèsent sur eux. Que ce conflit engendre des réfugiés de guerre témoigne de notre incapacité jusqu'à présent à remplir cette mission parmi les plus sacrées du soldat, qui est la protection de l'innocent. Cette protection ne peut être que désintéressée, et de ce fait il ne nous appartient pas de juger de l'attitude de ceux que nos soldats protègent au péril de leur vie. Et ce n'est pas en stigmatisant le(s) peuple(s) d'Afghanistan que nous obtiendrons qu'ils soutiennent l'action de la coalition présente en Afghanistan et s'engagent à ses côtés. Au contraire, c'est en faisant preuve d'empathie et de tolérance, et par notre force de conviction - qui ne peut s'appuyer que sur le respect d'une éthique irréprochable - que nous serons en mesure d'emporter l'adhésion. La directive McChrystal ne dit, en réalité, pas autre chose.


En nous engageant en Afghanistan, et quelque puissent être nos arrière-pensées actuelles, nous avons pris un engagement auprès de la population de ce pays. Cet engagement est à sens unique. Si nous voulons que les Afghans où qu'ils soient s'engagent à nos côtés, porter un jugement moral sur leurs décisions que l'on peut imaginer difficiles - quel que soit le confort matériel de nos sociétés, il ne remplace pas la proximité des êtres chers - ne nous semble ni pertinent ni digne de la hauteur de vue que l'on peut exiger d'hommes tels que les généraux ayant pris position.

Oui, il faut que les Afghans se battent s'ils veulent construire un pays digne d'eux. Mais dès lors que nous nous sommes engagés en Afghanistan de notre propre initiative, nous avons obligation d'au minimum faire preuve d'empathie à l'égard de ceux chez qui aujourd'hui nous livrons une guerre dont ils sont avant même nos soldats les premiers à pâtir. Il ne s'agit pas de tomber dans une victimisation d'autant plus abjecte qu'elle ne dissimule souvent que la lâcheté de ceux qui tiennent un tel discours, et encore moins d'inciter à l'abandon ou au manque de courage. Mais avant de juger autrui rappelons-nous que, une fois que tout est dit, la grandeur ne réside pas dans la droiture de notre morale mais dans la justesse de nos actes. Que ceux qui n'ont jamais péché jettent les premières pierres. Pour ma part, je crois qu'en la circonstance un peu de retenue ne serait pas de trop.

 

Par Stent, le 25 octobre 2009, 19:33 - Actualité - Lien permanent
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