- Accueil
- France terre d'asile
- Histoire
- 1971-1980
- 1980-1998
- 1998-2006
- 2006 à nos jours
- Organisation
- Notre gouvernance
- Nos établissements
- Notre organisation
- Nos actions
- Notre expertise
- Infos migrants
- Faire un don
- Rejoignez-nous
Au pays, mes professeurs disaient tout le temps: «Tous les chemins mènent à Paris. Par bateau, en avion ou en marchant. Mais il faut savoir lire, écrire et compter pour y aller». La France, je la connais par la télévision. Tous les bâtiments sont propres et les gens portent des chaussures neuves. J’aime déjà le mode de vie à la française, c’est la liberté. J’arrive ici avec un extrait de naissance et une carte d’identité scolaire sur moi. On me laisse devant la porte de France terre d’asile.
Je suis rapidement pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et envoyé en famille d’accueil dans le sud-ouest de la France. Jean-Claude et Monique m’accueillent chez eux. C’est un couple d’agriculteurs sympa avec qui je suis toujours resté en contact.
Deux semaines plus tard, on rentre de la cueillette et le téléphone sonne. Je m’en souviens très bien. Monique décroche, j’entends toute la conversation. «Mais non ce n’est pas possible, on lui a déjà trouvé une école, il est bien ici. Moi, j’ai toujours accueilli des mineurs. Abdou est comme les autres, je ne vois pas de différence». Je comprends qu’il y a un problème. L’ASE pense que je suis majeur à cause des tests osseux que j’ai passé avant d’arriver ici. Je suis perdu. Je commençais tout juste à trouver ma place. À manger. À parler. Monique et Jean-Claude m’expliquent la situation. Ils ne peuvent pas me garder car c’est illégal et me mettent donc dans un train pour Paris. Je repars à zéro, sans savoir quoi faire.
Je me perds dans le métro avant de retrouver l’adresse de France terre d’asile. Finalement, je décide de déposer un recours auprès du juge des enfants. Je vis ma première nuit dehors, à Gare de l’Est, où je sympathise avec d’autres mineurs venus d’Afghanistan. Pendant plus de trois mois, je passe mes journées avec eux et des jeunes de l’association. J’aide même les Maliens à faire leurs devoirs car certains ne parlent pas bien français. Le jour vient où je dois enfin rencontrer le juge. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre. En me voyant, avant même que j’ouvre la bouche, il réagit vite : «Bien sûr qu’il est mineur! Tu vas tout de suite aller en famille d’accueil. La rue, c’est fini». Je suis content mais je me sens angoissé. Habitué à cette vie-là, j’ai des amis et ne suis jamais seul. Je dois encore tout recommencer.
Je retourne à l’école le 16 mars 2010. Petit, je voulais faire médecine mais je comprends vite qu’en France, c’est impossible: il faut profiter d’être mineur pour suivre une formation courte. Sinon, à 18 ans, ce sera à ma charge.
Ma demande de carte de séjour est refusée à cause d’une erreur administrative dans ma date de naissance. En attendant que la situation évolue, je commence une formation à la conduite d’engins dans les travaux publics, puis une autre pour passer mon permis poids lourds. J’aime bien travailler en équipe et être dehors. Mais sans papiers, impossible d’aller jusqu’au bout! Je me sens puni. C’est injuste.
Quand je reçois l’ordre de quitter le territoire en 2012, je veux partir, rejoindre les Afghans en Allemagne. Quel avenir ai-je ici? À cause de tous ces problèmes, j’ai pris du retard dans mon parcours scolaire alors que je suis meilleur que les autres! On ne veut pas de moi, je n’y crois plus. Mais France terre d’asile ne me laisse pas tomber. Je finis par changer d’avis et obtiens gain de cause en déposant un recours. Tout se débloque enfin…
Ça y est, j’ai un titre de séjour. Je passe mon CAP logistique puis un Bac Pro Travaux Publics grâce au contrat jeune majeur. Depuis plus d’un an, je travaille toujours dans la boite où j’ai fait mon alternance, et espère signer un CDI d’ici à fin décembre. Les papiers, c’est important. Ça permet de gagner sa vie.