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Echos du terrain

À travers l’asile, l’État reconnait les souffrances qu’ils ont subies

Sylvain Chapoulet
- Intervenant social aide aux dossiers et administrateur ad hoc
- Entré à France terre d’asile en novembre 2000
- Travaille avec un public mineur depuis 17 ans

Sylvain Chapoulet est administrateur ad hoc auprès des mineurs isolés étrangers. Avec presque quinze ans d’expérience derrière lui, l’expert du droit d’asile nous explique son métier dans les locaux de la Villa Saint-Michel, une maison d’accueil provisoire à Paris.

Quel est le rôle d’un administrateur ad hoc ?

Il est nommé par le procureur de la République et représente un mineur isolé étranger en l’absence de tuteur légal dans deux circonstances: quand il est placé en zone d’attente juste après son arrivée en France, ou lorsqu’il fait une demande d’asile

Comment travaillez-vous à la Villa Saint-Michel ?

Si le jeune souhaite faire une demande d’asile, je l’aide à raconter son histoire tout en menant des recherches géopolitiques pour recouper son récit. Je viens ensuite avec lui le jour de sa convocation à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), durant laquelle j’ai la possibilité d’apporter des observations. Si sa demande est rejetée et qu’il veut déposer un recours auprès de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), je l’accompagne dans ses démarches, jusqu’au jour de l’audience finale.

Arrivés en France, connaissent-ils leurs droits en matière d’asile ?

En général, les jeunes font un amalgame entre l’asile et la prise en charge par l’ASE. Ils pensent même qu’il faut avoir de bonnes notes à l’école pour obtenir l’asile. Or ça ne fonctionne pas au mérite! Pendant les ateliers d’information, il faut simplifier au maximum l’explication de la procédure car tous ne parlent pas encore très bien français. Ce n’est pas évident, on aborde des choses très techniques.

Quel est le profil des jeunes demandeurs d’asile ?

Il fluctue en fonction des années. La grande majorité d’entre eux vient aujourd’hui d’Afghanistan. La France est plus favorable à leur accorder l’asile, contrairement à d’autres nationalités.

En quoi est-ce différent d’accompagner un MIE plutôt qu’un adulte ?

On a plus de temps! Les adultes doivent déposer leur demande 120 jours maximum après leur arrivée, alors que les mineurs bénéficient de mon aide tout au long de la procédure, jusqu’à leur majorité.
Avant d’aller en préfecture, je mène trois ou quatre entretiens avec le jeune. C’est nécessaire pour instaurer un lien de confiance et l’inciter à ne pas répéter ce que lui a dit le passeur ou sa famille. Une fois la demande déposée, il s’écoule environ quatre mois jusqu’à ce que l’Ofpra convoque le mineur. Entre-temps, on travaille sur son récit en discutant de tout. La demande d’asile est une relation humaine avec un adolescent vulnérable, loin de ses proches et en phase de développement.

Bénéficie-t-il d’un suivi psychologique ?

Seulement s’il le souhaite, mais le jeune a souvent du mal à se livrer. Je lui explique le rôle du psychologue en déconstruisant les préjugés: s’il consulte, cela ne veut pas dire qu’il est fou!
Pourtant, certains mineurs ne peuvent pas reparler du passé. Ce serait le revivre, or ils cherchent à l’oublier et refusent de faire une demande d’asile. Nous respectons toujours leur choix. Pour d’autres, la parole est réparatrice et les aide à se reconstruire. En cas de stress post-traumatique, je peux aussi suggérer et contextualiser certains éléments comme le viol, la prostitution ou la torture dans le récit.

Comment a évolué l’Ofpra ces dernières années ?

L’instruction d’asile des MIE s’est nettement améliorée. L’Ofpra a ouvert le dialogue avec les acteurs du milieu associatif pour une meilleure prise en compte des problématiques propres aux MIE. Presque tous les dossiers sont acceptés parce qu’on réalise un travail d’information et d’évaluation en amont. On ne fait pas de demande d’asile par défaut, lorsque c’est la seule porte d’accès à un titre de séjour.

Quels conseils apportez-vous aux adolescents tout au long de la démarche ?

Je leur donne du courage et leur remonte le moral. Ces jeunes sortiront grandis de cette expérience. À travers l’asile, l’État reconnait les violences qu’ils ont subies. Ils quittent la case «migrants économiques» pour devenir des mineurs qui ont souffert et qu’il faut protéger.