fbpx
Main menu

Chemins croisés

Parler français, première épreuve à l’arrivée

Esther Lawal - Pays d'origine: Nigéria
- Née le 24 mars 1997
- Arrivée en France à 16 ans en septembre 2013
- Prise en charge par un dispositif de France terre d’asile en octobre 2013
- Âge actuel: 20 ans

Lahcen Moutawakil - Professeur de Français Langue Etrangère à la Maison d’accueil provisoire pour mineurs isolés étrangers d’Amiens
- Entré à France terre d’asile en juillet 2014
- Travaille avec un public mineur depuis trois ans
Originaire du Nigéria, Esther est arrivée à la Maison d’accueil provisoire pour mineurs isolés étrangers d’Amiens en 2013, à l’âge de 16 ans. Elle y fait la connaissance de Lahcen Moutawakil, professeur qui la suivra tout au long de son parcours scolaire.

Esther, parliez-vous français lorsque vous êtes arrivée en France ?

Pas un mot! J’étais scolarisée dans mon pays, je suivais des cours d’anglais et de maths… mais pas de français. J’ai commencé par prendre des leçons au centre de France terre d’asile, à Amiens. En janvier 2014, j’ai intégré une classe d’accueil pour les étrangers qui ne parlent pas français. Les cours avaient déjà commencé, c’était très difficile pour moi. Les autres élèves étaient plus avancés. Moi, j’avais du mal à articuler mais je n’avais pas le choix: ici, personne ne parle anglais. Je voulais comprendre les autres, pouvoir m’exprimer avec mes petits mots à moi.

Lahcen, comment apprendre le français à des adolescents novices comme Esther ?

Je fais d’abord une évaluation pour classer les élèves par groupe de niveau. En général, on commence par reconnaitre graphiquement et phonétiquement l’alphabet. On apprend ensuite les syllabes, les mots, le vocabulaire et enfin, la grammaire. Quand l’élève est bien avancé, j’aborde aussi des notions d’interculturalité dans mes cours. Une façon de mieux comprendre la société française!
Les premiers temps, Esther est allée dans le groupe débutant. Elle était timide. À la fin du premier cours, elle est venue me voir et m’a dit: «J’ai beaucoup de difficultés». Le plus dur pour les personnes d’origine africaine, c’est d’articuler et de gommer leur accent. Le vouvoiement et le tutoiement, le féminin et le masculin, toutes ces notions ne sont pas évidentes pour de jeunes anglophones. Esther a progressé avec le temps, en dépassant ses peurs. Elle a eu le déclic à la rentrée scolaire, en septembre 2014.

Esther, comment s’est déroulé votre parcours scolaire ?

J’ai passé un Bac Pro Commerce. J’aimais bien l’idée de faire du business ou de travailler en magasin, d’échanger avec les autres. En seconde, j’ai tout de suite prévenu mes profs que j’avais des problèmes en français. Je traduisais tout en anglais dans ma tête, donc forcément, ça prenait du temps! Je ne pensais pas y arriver, je voulais passer un CAP mais ils m’ont rassuré et m’ont dit que j’avais le niveau pour le Bac. Heureusement, Lahcen m’a aidé.

Lahcen, quelles qualités ont permis à Esther de s’en sortir ?

France terre d’asile met en place une aide aux devoirs pour accompagner les mineurs isolés étrangers dans leur apprentissage. En venant ici le soir après les cours, Esther a saisi toutes les occasions pour apprendre davantage. Elle est très persévérante et n’hésite pas à solliciter les enseignants pour travailler.

Vous souvenez-vous du jour des résultats du Bac ?

Esther: En Terminale, j’étais très stressée. Je demandais tout le temps aux profs si je pouvais avoir mon Bac. Ils me rassuraient : «Si tu apprends tes cours, tout ira bien». Je faisais du soutien scolaire pendant les vacances, je travaillais la nuit. Le jour des résultats du Bac, en juin dernier, j’ai demandé à une copine de regarder pour moi. Je m’attendais à avoir la moyenne, mais non: j’ai eu mention Très Bien!

Lahcen: Esther est venue me voir avec son relevé de notes. Elle était très contente, je l’ai félicité: elle a vraiment fait de son mieux pour atteindre ses objectifs.

Esther, quel regard portez-vous sur votre parcours pour en arriver là où vous êtes aujourd’hui ?

Je suis fière de moi. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont aidé. Parfois, il y a des hauts et des bas, mais c’est la vie! Le passé reste derrière moi, le présent va passer. Il faut toujours regarder vers l’avenir, c’est le plus important. Suivre les conseils qu’on te donne et ne pas oublier que la vie est belle.

Quels sont vos projets professionnels à venir ?

Quand j’étais petite, je voulais être journaliste. J’adore lire les informations, me renseigner. Aujourd’hui, j’y pense toujours mais je dois encore améliorer mon français. J’ai préféré ne pas viser trop haut d’un coup et m’orienter vers quelque chose qui n’est pas trop dur pour moi. Je passe mon permis de conduire, j’aimerais bien faire un BTS Commerce. Dans tous les cas, je veux rester en France: ici, je me sens protégée et avec tout ce que j’ai appris, je peux maintenant affronter l’avenir.