Mes parents étaient paysans près de Saint-Lô en juin 44. J’avais 11 mois, lorsqu’il fallut partir pour fuir les bombardements laissant derrière nous veaux, vaches, cochons, couvées.
Nous avions pour toute richesse un cheval de trait, une charrette à blé, une grand-mère très âgée, mon landau, quelques baluchons dits précieux ou de première nécessité ; c’était l’exode.
Les routes encombrées furent longues vers le sud de la Manche pour arriver 25km après le Mont Saint-Michel.
Je passerai les détails des rencontres inhospitalières envers ces fuyards que nous étions – récits mille fois entendus dans les menus détails – l’angoisse, la peur au ventre, ce fut triste, très triste ! Pourtant nous étions chez nous ; bien sûr il y eut de belles rencontres avec des braves gens sur ces routes où nous parlions la même langue, avions les mêmes us et coutumes, malgré cela nous dérangions ! Un soir, pour dortoir, une étable nous fut proposée au fumier fumant ! Un autre jour, le refus d’un litre de lait pour moi bébé et ce savon acheté à prix d’or !
Mais il y eut aussi l’accueil chaleureux et humain d’un village où dispatché dans les familles, la quinzaine de personnes de notre groupe put se poser pour un petit mois environ. Nous étions les réfugiés, mot à consonance bien troublante.
Je garde en mémoire de cette courte expédition forcée, le traumatisme de mes parents et des gens de la région : avoir été réfugiés. Ce qui explique mon attirance pour ces personnes déracinées dont on parle tant et mon engagement pour devenir marraine auprès de France terre d’asile. Pour cela, il me fut juste demandé de remplir un petit questionnaire sur mes occupations, mes goûts et mes loisirs.
Une filleule, jeune femme avec son bébé de 15 mois, me fut confiée. Là un rayon de soleil arriva dans ma vie.
Faire connaissance d’une autre culture, découvrir un pays lointain, des intérêts différents, une religion différente, une autre façon de se nourrir, des couleurs et des saveurs qui ne nous sont pas familières, tout cela pour moi est une découverte enrichissante.
Nos rencontres informelles sont toujours un plaisir, un resto de temps en temps pour goûter des mets exotiques ou de chez nous. Je goûte de tout, des épices et des piments..
Je ne désespère pas un jour de lui faire déguster des escargots… Rien que de prononcer ce mot et l’idée de le consommer, la fait changer de « couleur » pour l’instant !
Nous nous découvrons beaucoup de points communs, pas besoin de grands discours entre femmes. Nous vivons et partageons les mêmes émotions.
Elle me parle de son pays, de sa maman qui lui manque. Mais il y a tout de même une ombre au tableau : le barrage de la langue. Ah ! elle parle l’anglais, l’arabe, les dialectes de son pays, mais si peu le français. Elle veut avec acharnement l’apprendre notre langue ! Elle transcrit phonétiquement dans sa langue maternelle les prononciations et les répète inlassablement pendant nos virées en voiture ; si bien que nos promenades ne sont pas tristes avec beaucoup de fous rires et c’est amusant de jouer la « maîtresse d’école » ! Elle apprend avec une volonté, une ténacité, un courage qui m’éblouissent vraiment.
Toujours souriante et positive, cette charmante personne porte la joie de vivre.
Vous qui peut-être souffrez de sinistrose et de découragement, vous vous lamentez sur votre sort, tentez donc l’aventure et devenez vous aussi parrains et marraines et essayez ces rayons de soleil.