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RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS D’UKRAINE : D’UNE INVISIBILISATION AU STATUT QUO

Publié le : 18/04/2023

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© France terre d'asile

Article issu de la Lettre de l’asile et de l’intégration n°100 : Déplacés d'Ukraine, quel bilan un an après ? .

Au lendemain du conflit, la protection temporaire a été accordée aux Ukrainiens puis aux personnes détentrices d’un titre de séjour permanent en Ukraine, sous conditions. Elle ne bénéficie cependant pas aux ressortissants d’autres pays vivant en Ukraine au moment de l’invasion russe. Un an plus tard, peu d’avancées sont à constater. 

Alors que l’État français pouvait choisir d’être plus généreux que la directive européenne de 2001 relative à la protection temporaire, en accordant le bénéfice de la protection temporaire à toutes les personnes fuyant l’Ukraine, ce choix n’a pas été retenu, contrairement à d’autres voisins européens. En adressant aux préfets, le 10 mars 2022, une instruction portant sur les ressortissants de pays tiers ou apatrides en possession d’un titre de séjour permanent ou ayant obtenu une protection internationale en Ukraine, le gouvernement a ignoré le besoin de protection des autres ressortissants de pays tiers, en situation régulière ou irrégulière en Ukraine, les exposant ainsi à des obligations de quitter le territoire français (OQTF)1.

Le Conseil d’État a confirmé cette interprétation restrictive de l’article 7 de la directive européenne dans une décision du 27 décembre 2022, dans laquelle il souligne la nécessité qu’un arrêté soit prononcé afin d’identifier les catégories de personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire en France. En l’absence de cet arrêté, le Conseil d’État donne cependant raison à l’exécutif. Les étudiants et doctorants étrangers, les demandeurs d’asile, les personnes régularisées de manière temporaire, ou dont la situation était en cours de régularisation en Ukraine - principalement de nationalité arménienne, algérienne, congolaise, ivoirienne et russe- ayant fui l’Ukraine pour la France se sont ainsi retrouvés sans statut. Pourtant, le nombre de personnes concernées est conséquent. Parmi les 7 000 étudiants francophones que comptait l’Ukraine3, beaucoup se sont spontanément rendus vers les États européens les plus généreux dans l’application de la directive, comme l’Espagne ou le Portugal, qui les ont accueillis dans la même mesure que les ressortissants de nationalité ukrainienne. 

Un statut quo insatisfaisant

la réunification familiale est soumise à certaines conditions. Les liens familiaux doivent être antérieurs à la demande de protection, ils doivent être déclarés à l’Ofpra pendant la procédure de demande d’asile, puis de nouveau mentionnés sur la fiche familiale de référence après l’obtention d’une protection. Le cadre français prévoit des règles assez souples en matière de reconnaissance du couple, y compris sans mariage légal ou union civile, lorsque les liens d’union peuvent être démontrés.

Les étudiants étrangers avaient par ailleurs été exclus de la circulaire du 22 mars 2022 du ministère de l’Enseignement supérieur, portant sur le droit au séjour, au logement, à la sécurité sociale ou aux aides financières des étudiants d’Ukraine4. Néanmoins, sous pression de collectifs et d’associations, un moratoire du 17 juin 2022 a permis l’interruption des OQTF et a donné la possibilité aux étudiants de s’inscrire à l’université et de demander un visa étudiant. Selon Rudi Osman, fondateur de l’Union des étudiants exilés (UEE), sur les 800 personnes à régulariser en provenance d’Ukraine qui étaient accompagnées par l’UEE, 200 récépissés ont été délivrés. L’UEE a par ailleurs négocié pour éliminer la procédure « Campus France » pour les non-Ukrainiens, qui avait comme prérequis plusieurs éléments trop contraignants pour ce public5.

Néanmoins, pour les autres ressortissants de pays tiers, depuis le moratoire de l’été 2022 et le gel des OQTF, il n’y a pas eu de grandes avancées : aucune décision n’est prise concernant leur sort, pas d’éloignement mais pas de régularisation non plus. Ainsi, devant l’absence d’autorisation provisoire de séjour ou de titre de séjour, certains se dirigent vers la demande d’asile. Pour les ressortissants de pays tiers pris en charge dans des structures d’accueil, le flou demeure, rendant leur accompagnement social plus difficile.

(1) LIBÉRATION, « Guerre en Ukraine: des étudiants étrangers réfugiés en France sous la menace d’expulsion », 23 avril 2022. 
(2) INFOMIGRANTS, « France : les étrangers venant d’Ukraine ne pourront pas obtenir la même protection que les Ukrainiens », 30 décembre 2022. 
(3) LE MONDE, « L’avenir incertain des milliers d’étudiants marocains qui ont fui l’Ukraine », 11 mars 2022 : près de 5 700 Marocains, 500 Algériens, 500 Tunisiens et 400 Congolais. 

(4) Circulaire portant sur l’accueil des étudiants déplacés d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire, 22 mars 2022.
(5) Notamment un justificatif d’une inscription dans une université ukrainienne et un justificatif de domicile fixe. 

 

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