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À la porte de la Chapelle, les associations à bout

Publié le : 05/07/2017

Autour du centre humanitaire de 400 places de la mairie de Paris, plusieurs camps sauvages regroupent plus d’un millier de migrants. Les associations redoutent les mois d’été…

 

A la porte de la Chapelle les associations a bout
Sous les ponts, sur les trottoirs ou les terrains vagues, des réfugiés attendent qu'une place se libère dans le centre d'accueil de la porte de la Chapelle, dans le nord de Paris. (Corentin Fohlen/Divergence)


Mercredi, 22 h 05, Yann Manzi soupire. "On n'en peut plus…" lâche le vice-président de l'association Utopia56, coordinateur d'un réseau d'hébergement citoyen. Autour du centre humanitaire de la Mairie de Paris ouvert en novembre 2016, les bonnes volontés s'épuisent. Porte de la Chapelle, au nord de la capitale, ceux qui viennent en aide aux réfugiés sont débordés. Ces prochains jours, toute la chaîne de solidarité menace de rompre. Selon le dernier décompte de France terre d'asile, à la Chapelle, ils sont désormais plus de 1.200 migrants regroupés sur les trottoirs et les terrains vagues sous les ponts routiers. Tous attendent qu'une place se libère dans le camp de 400 places, imaginé au départ pour les demandeurs d'asile. Autour, Médecins du monde dénonce depuis plusieurs jours une "urgence sanitaire". "Le dispositif a été dès le départ sous-dimensionné, c'était voué à l'échec", tranche Cécile Poletti, déléguée Île-de-France à la Cimade. "Si rien n'évolue, cela va très mal se terminer", s'alarme Yann Manzi.

 

80 personnes nouvelles par jour

Sur le terre-plein du boulevard Ney, ce mercredi, ils sont des dizaines à se bousculer autour d'une distribution de repas chauds par des riverains. Les stocks sont de plus en plus limités, reconnaît l'un d'eux. Chaque jour, entre 30 et 80 personnes nouvelles atterrissent ici d'après les estimations de Médecins du monde. Comme Ahmad, 22 ans, originaire d'Erythrée. Il est arrivé d'Italie fin juin. Comme beaucoup, il a tenté sa chance plusieurs fois devant les grilles du centre. "On attend des heures pour rien et on repart", dit-il épuisé, sur un matelas de fortune. "Quand ce ne sont pas les policiers qui les chassent avec des gaz lacrymogènes", ajoute Caroline Maillary, juriste pour l'association Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés), qui organise des permanences juridiques sur les campements.

Face aux tensions qui s'accumulent, beaucoup d'associatifs redoutent les prochains jours. "L'été, c'est la période où le rythme des traversées en Méditerranée s'accélère, rappelle Corinne Torre, de Médecins sans frontières. Et rien n'a été anticipé." Après le démantèlement de la "jungle" de Calais, l'ONG a mis en place une clinique mobile, porte de la Chapelle. Trois fois par semaine, elle réalise une trentaine de consultations, principalement pour des infections cutanées et des cas de gale. "La situation se dégrade de jour en jour. Il y a urgence à ce que les départements assument leurs responsabilités et créent des places pour désengorger Paris", plaide Corinne Torre.

 

"Si l'Etat ne fait rien, des personnes vont crever de faim"

Sac-poubelle à la main, Nassour, 19 ans, ramasse des barquettes de riz vides qui traînent près de son abris. Ce soir, à la différence d'hier, il a pu faire le plein de calories. "Ne pas manger, c'est le plus dur ici", explique ce jeune Soudanais. Clarisse Bouthier partage cette inquiétude. Avec le collectif Solidarité migrants Wilson, elle coordonne depuis huit mois la distribution de petits déjeuners autour du centre. Tous les matins, entre 400 et 1.000 petits déjeuners sont distribués. Mais cette initiative pourrait bientôt s'arrêter. La coordinatrice semble sur le point de craquer : "On est là depuis le début, 7 jours sur 7, sans aucune aide publique. On est tous épuisés… Entre la fatigue, les départs en vacances, je ne sais pas si on va tenir le coup longtemps. Si l'Etat ne fait rien, des personnes vont crever de faim." .[[Hier]] soir, à l'appel d'un rassemblement interassociatif devant le centre, le collectif a réclamé un "plan d'urgence".

Seront-ils entendus? L'autre option qui s'offre à l'Etat est d'évacuer la zone. Sur place, deux mois après un premier démantèlement, la perspective d'une nouvelle évacuation divise. Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, la juge "obligatoire, mais pas suffisante pour régler l'ampleur du problème". Il pronostique qu'elle pourrait intervenir "dans les prochains jours". "Depuis deux ans, à Paris, on a connu une trentaine de démantèlements", peste de son côté Marcos, du collectif La Chapelle Debout. A part reléguer les gens plus loin, cela ne sert à rien."

Par le JDD, le 04/04/2017