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Article issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration n°95 - Le parcours des combattantes

 

La parole à ... Elvira Haxhiu

 

 

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© Elvira Haxhiu

 

 

Elvira Haxhiu est réfugiée statutaire et actuellement chargée de projet chez Kodiko, association engagée dans l’intégration professionnelle des bénéficiaires d’une protection internationale. Grâce à son engagement et son parcours, elle a intégré l’Académie pour la participation des personnes réfugiées, pilotée par la Diair, le HCR ainsi que l’IFRI.

 

Pourriez-vous nous parler de votre activité chez Kodiko, en particulier pour les femmes ?


Je suis chargée de projet territorial pour le recrutement des personnes réfugiées et du développement des projets associatifs, ce qui revient à conjuguer l’action des centres d’hébergement, des organismes d’enseignement, et à mettre en lien les entreprises avec les bénéficiaires. Le dispositif mis en place par Kodiko comprend l’établissement d’un co-diagnostic lors d’entretiens définissant les besoins de la personne, menant ensuite à la mise en contact avec un salarié d’une entreprise partenaire, ainsi qu’un accompagnement collectif à la préparation de CV et aux entretiens d’embauche. Nous accompagnons 27 % de femmes, pour qui les projets professionnels se construisent davantage à long terme, et de manière très précise. Nous avons comme projet futur de mettre en place un programme spécialisé pour les femmes réfugiées, en travaillant sur les obstacles qu’elles subissent, à travers différents territoires.


Quels sont selon vous les enjeux concernant la prise en charge des femmes exilées ?


Pour ces femmes, la France représente le pays de la liberté, le moyen d’échapper à certains codes culturels et de mettre fin à une situation d’inégalité de genre omniprésente dans le pays d’origine. Ces femmes veulent s’intégrer rapidement, devenir indépendantes et fairepartie de la société d’accueil. Il faut faire tomber ces codes, ces freins à leur intégration sociale et professionnelle. Sans indépendance financière, elles font face à des difficultés pour s’émanciper de leur foyer. Elles sont très exposées à des violences conjugales et les féminicides commis contre des femmes réfugiées font l’objet de moins de considération sociétale, et d’aucune statis-tique réelle. Il est nécessaire de leur donner le pouvoir de faire leurs propres choix. Beaucoup d’entre elles accompagnent scolairement leurs enfants. Faciliter leur intégration est donc aussi un levier essentiel pour l’avenir de la jeunesse et de la société elle-même.


Outre ces codes culturels, quels sont selon vous les principaux freins à l’intégration professionnelle et sociale des femmes réfugiées ?


Légalement d’abord, elles choisissent souvent les métiers de l’aide à la personne ou de la santé, réglementés en France et nécessitant des diplômes spécifiques à l’exercice. Cependant, reprendre des études requiert un niveau B1 en français, voire C1 pour l’enseignement supérieur. Même lorsque les diplômes sont reconnus, il y a certains blocages pour intégrer la fonction publique qui requiert la nationalité française. Puis, il existe très peu de dispositifs, à Pôle Emploi ou ailleurs, pour aider les réfugiés à accéder au mar-ché du travail, et encore moins spécifiques aux femmes. Il existe un grand nombre d’obstacles inhérents aux femmes migrantes, relatifs à la garde d’enfants, à la fracture numérique, au manque de revenus ainsi qu’aux problèmes de mobilité pour lier travail et obligations familiales. Enfin, les freins psychologiques, relatifs à la santé mentale des femmes exilées, demeurent l’élément le plus handicapant et récurrent.


Quels axes d’amélioration pourrait-on mettre en œuvre en ce sens ?


La mobilisation de bénévoles non seulement au travers des associations mais aussi dans les centres d’hébergement serait un début. C’est à ce moment-là que les demandeuses d’asile commencent à se dévaloriser. Il est impératif de favoriser l’autonomisation de ces femmes dans ces centres, de réduire leur isolement et de leur permettre d’être autonomes à la sortie, par le biais d’ateliers numériques, de professionnalisation, d’accès au droit commun, de cours de langue. À ce propos, je suis convaincue que beaucoup de ces femmes migrantes francophones seraient prêtes bénévolement à mettre en place des ateliers gratuits de français dans ces centres. Aujourd’hui, en tant que membre de l’Académie pour la participation des per-sonnes réfugiées, je suis heureuse de constater que l’État est prêt à écouter, avancer et mettre en place ces dispositifs spécifiques aux réfugiées

 

Pour consulter l'intégralité de la Lettre de l'asile et de l'intégration n°95 - Le parcours des combattantes, cliquez ici.
 

 

1 - Ministère de l’Intérieur, 10 actions pour renforcer la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés vulnérables, 28 mai 2021.
2 - CRIDUP, « Droits, santé et accès aux soins des femmes hébergées, immigrées et réfugiées », 2018.
3 - Entretien avec Sophie Rigot, sage-femme au CRIPS de Paris, juin 2021.
4 - Règles élémentaires, Missions et chiffres clés.