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Le casse-tête de l’aide aux réfugiés tunisiens

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Des centaines de réfugiés tunisiens errent dans les rues parisiennes depuis quelques semaines. Comment organiser l’aide à ces migrants qui arrivent chaque jour par dizaines?

Hakim brandit le sac de couchage que le Secours islamique de France lui a donné, comme pour montrer sa joie. Depuis 25 jours, il squatte dans ce parc, près de Porte de la Villette, dans le nord de Paris, et c’est la première fois que ce réfugié tunisien de 23 ans reçoit une couverture.

"Pourquoi doit-on vivre dans ces conditions? Pourquoi on ne veut pas nous accueillir et nous laisser travailler? Je ne comprends pas. Ma famille habite au sud de la Tunisie, près de la frontière libyenne. Elle a accueilli une douzaine de Libyens".

Comme Hakim, près de 400 jeunes Tunisiens sont arrivés d’Italie via Lampedusa, depuis le début du mois d'avril. Sans abri, nourriture et sanitaires, ils essaient de survivre dans ce territoire hostile avec la peur permanente d’être arrêtés par la police. Les associations se démènent pour répondre à cette urgence qu'elles qualifient sans détour de "crise humanitaire". Pas facile de coordonner l'aide sereinement quand les migrants sont chaque jour plus nombreux et que des opérations de police menacent les réfugiés.

"Cela part dans tous les sens, il y a un gros souci de coordination de l’aide", explique Nadia Azoug, conseillère régionale d’Ile-de-France, qui habite tout près de la Villette. Le 27 avril, la mairie de Paris a missionné quatre associations pour gérer cette crise: la Chorba et la Chorba pour tous pour fournir de la nourriture et des kits d’hygiène, France Terre d’Asile (FTA) et Emmaüs pour trouver au jour le jour un abri et des vêtements à ces hommes.

En réalité, plusieurs dizaines d'associations tentent d’apporter ponctuellement leur secours. De Jeudi Noir, qui lutte pour le droit au logement, à Médecins du Monde, en passant par de nombreuses associations franco-tunisiennes. L'Association des Tunisiens de France, par exemple, apporte de la nourriture midi et soir pour environ 200 personnes, depuis le 26 avril. Elle parvient aussi tant bien que mal à mettre à l'abri entre 100 et 200 personnes le soir. Mais d'après l'association, l'aide est "aléatoire car il n'y a pas la même quantité de vivres tous les soirs".

Malgré l'organisation de quelques réunions, les associations semblent surtout travailler chacune de leur côté et des critiques émergent. Dans un communiqué du 28 avril, l’Association des Tunisiens de France affirme que la mission confiée à FTA et Emmaüs "ne semble pas correspondre à la situation". "Des organisations missionnées font beaucoup de bruit. Mais au bout du compte, elles ne prennent en charge qu'une vingtaine de personnes. Cela ne règle pas le problème", critique un représentant de l'association.

Pour l’instant, la section parisienne d'Emmaüs mandatée par la ville de Paris n’en est qu’au stade de l’évaluation de la crise. Elle procède surtout à un "repérage" du nombre d’immigrés qui errent dans toute la capitale, même si elle a aussi distribué quelques duvets et des boissons chaudes. Sur la question du logement, Emmaüs Paris est encore "en phase de réflexion". De son côté, Pierre Henry, le président de France Terre d'Asile, assure que son organisation a trouvé 100 places d'hôtel pour un mois.

Les bénéficiaires souffrent évidemment de ce manque de coordination. Mourad vagabonde depuis mi-avril dans les rues du 19ème arrondissement de Paris. Ce jeune homme de 19 ans explique qu’il ne mange pas tous les jours. Il raconte: "De plus en plus de personnes viennent nous donner à manger depuis quelques jours. Mais je dors toujours dehors. Une fois seulement, j'ai dormi dans un local avec d'autres immigrés. Il n’y avait pas d’électricité mais on était à l’abri".

Selon Nadia Azoug, il faut mettre en place un collectif qui centralise et structure l’aide pour la rendre plus efficace: "Il faut un interlocuteur qui puisse communiquer sur ce qu’il se passe. Aujourd’hui, tout est dispersé, on ne sait rien".

Canaliser l’aide des riverains

Par ailleurs, même si l'élan de solidarité des particuliers est important, il semble parfois amplifier la cacophonie qui règne sur le terrain. Certains riverains, dont le nombre est difficile à évaluer, font la cuisine chez eux pour apporter quelques repas au parc. "On craint le développement de distributions anarchiques dans la rue, qui pourraient manquer d’hygiène et provoquer des violences", s’inquiète Chafia Azouni, responsable administrative de Chorba pour tous. Elle conseille aux particuliers de faire don de leurs denrées alimentaires aux associations pour qu’elles les intègrent aux repas.

Néanmoins, les associations ne peuvent pas se priver de l’aide des particuliers car leurs caisses se vident et les fonds d’urgence tardent à venir. Les mairies de Paris et de Pantin ont annoncé les 26 et 27 avril qu’elles débloqueraient respectivement 100.000 et 5.000 euros pour pallier cette crise. D'après Nadia Azoug, cet "effet d’annonce a gelé le processus de solidarité informelle. Les familles qui tendaient la main aux Tunisiens apportent en effet moins de denrées, alors que les fonds ne sont toujours pas parvenus aux associations".

La décision de débloquer 100.000 euros doit encore être validée par le Conseil de Paris. Nadia Azoug et d’autres élus sont en discussion avec la région pour négocier un fonds d’aide. "Il va falloir attendre la prochaine commission permanente du Conseil régional, puis la décision et enfin le transfert effectif de l’argent aux associations", déplore-t-elle. Cela pourrait prendre des semaines.

En attendant, les associations recherchent chaque soir des lieux où les migrants pourraient dormir. La majorité des réfugiés dort dehors. "L’herbe, c’est toujours plus confortable que le sol d’une cellule", confie Imed avec amertume. Ils sont de moins en moins à venir dans ce parc à cause des descentes de police successives. Leur éparpillement dans les rues de Paris rend la gestion de la crise d'autant plus difficile.

Youphil, le 03/05/2011