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Un périple sans but

Ouest-France - La communauté mongole, à Caen sans passeport

« Je suis partie vite, par nécessité. Sans savoir où j'allais. Ça s'est fait comme ça. » Un jour, Zaya (1), 37 ans, a tout plaqué. Sa vie à Oulan-Bator, en Mongolie. Son emploi de fonctionnaire. Ses deux enfants, aujourd'hui âgés de 15 ans pour sa fille et de 17 ans pour son fils. Elle a traversé l'Asie en train puis l'Europe en minibus. « Il le fallait. Je l'ai fait pour eux. Pour leur donner une chance de vivre en sécurité. » Elle ne s'étend pas plus sur le sujet.

Périple sans but

Un tabou. Tout comme ses conditions de voyage qui semblent réveiller des souvenirs douloureux. Cet exil commence par un périple sans but. Le lot de beaucoup de Mongols, guidés par les passeurs. Ils traversent la Russie. Transitent par l'Allemagne. Avant d'arriver à Paris.

Plus étonnant, ils débarquent souvent à Caen, là où les passeurs leur conseillent d'aller après les avoirs lâchés dans la nature. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 2002 et 2009, 145 ressortissants de ce pays asiatiques ont demandé l'asile dans la capitale bas-normande. Ces Mongols caennais ont même représenté presque 10 % des demandes de cette nationalité enregistrée dans toute la France entre 2003 et 2005.

Après une réduction du flux, celui-ci se réactive en 2009 avec 22 arrivées. De la même manière, les arrivées de Mongols baissent dans toute la France à partir de 2005. Coïncidence ? La même année, l'Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) change sa lecture de la situation dans le pays. « La Mongolie a été inscrite sur la liste des pays d'origine sûrs », indique France Terre d'asile.

Pour les ressortissants du pays, le traitement des demandes d'asile devient prioritaire et les conditions de séjour des demandeurs sont durcies.

Reste qu'à Caen, la communauté mongole continue de s'établir. Depuis treize ans, Kherlen Munkhuu, 28 ans, voient arriver les vagues. Elles les accueillent, même. « Je suis interprète en mongol et en russe. » Pour les services de police, les tribunaux et dans la vie courante, elle fait le lien entre ses compatriotes et leur terre d'accueil.

« Traductions par téléphone »

Parfois, pour les tracas du quotidien. « Mon téléphone portable sonne sans arrêt, du matin au soir. La plupart du temps, ce sont des gens que je ne connais pas. On me demande des traductions par téléphone, pour acheter de la viande de cheval au supermarché, par exemple. »

Invitée par un professeur de l'université de Caen à poursuivre ses études en France, Kherlen Munkhuu s'est établie... Comme « environ 80 familles mongoles. La moitié vit normalement, dans des appartements un peu partout ». Les autres vivent en centre d'accueil de demandeurs d'asile ou se débrouillent en tentant de surmonter la barrière de la langue. Certains nourrissent la rubrique des faits divers.

 « Il leur est très difficile d'apprendre le français », constate Élise Fontaine, de l'Association solidarité avec tous les immigrés (Asti) 14.

Pour Zaya, aujourd'hui rejointe par ses enfants, il a fallu « recommencer tout en repartant de zéro. Dans une autre société, avec des coutumes différentes. » Elle espère pouvoir achever une formation de réceptionniste d'hôtel. Pour cela, il faudra un nouveau titre de séjour. « Le dossier est entre les mains de la préfecture. »

Par Josué JEAN-BART

Ouest-France, le 28/04/2010